Autorisations de plantations sur les pas du nouveau régime

25 mars 2015

Le 1er janvier 2016, avec l’instauration du régime d’autorisations de plantations, une nouvelle ère va s’ouvrir en viticulture. Au mode de gestion du potentiel de production qui prévalait jusqu’alors – interdiction des plantations nouvelles, sauf régime particulier pour les AOP/IGP – va se substituer un système d’autorisations de plantation pour tous, encadré par une limite, le 1 % de progression annuelle. Typiquement, l’année 2015 s’affirme comme une année de transition. Pouvoirs publics et filières viticoles se préparent à entrer dans le nouveau dispositif de l’OCM vin dans un contexte mouvant. Si le cadre général est connu, tous les textes d’application ne sont pas encore sortis. Beaucoup de questions se posent encore quant à la mise en œuvre du nouveau régime.

 

 

Le régime d’autorisations de plantation, à partir du 1er janvier 2016

Un concept nouveau : un pourcentage annuel de croissance du vignoble, pour toutes les catégories de vins

Schématiquement, c’est ce qui a motivé la Commission européenne depuis 2008. Il s’agissait, d’une part, de s’interposer à une politique suspectée de malthusianisme (limiter l’offre pour défendre les prix). Et, d’autre part, de permettre à tous les segments de vins de progresser, dont celui des Vins sans IG. En clair, instaurer la liberté de plantation. L’idée, libérale dans son essence ! Que les entreprises ayant un potentiel économique de croissance ne soient pas bridées dans leurs souhaits de développement. Par rapport à cet objectif, la viticulture européenne s’est battu bec et ongles pendant quatre ans pour sauvegarder un encadrement du potentiel de production. Pari réussi. Un compromis a été trouvé : le 1 % maximum d’accroissement annuel du vignoble national. Ce 1 % de hausse maximale s’applique à la superficie plantée avant le 31 juillet de la campagne précédente (ex. en France : 7 500 ha sur une surface viticole totale estimée en 2015 à 750 000 ha).

Pour demander moins d’1 % d’augmentation des superficies (et jamais 0 %), l’Etat membre devra se justifier devant la Commission européenne. Seront recevables seulement deux motivations : risques de dévalorisation d’une indication d’origine et/ou de surproduction. Si, avant le 1er mars de l’année en cours, l’Etat membre n’a pas fait valoir ses arguments, c’est le 1 % annuel qui s’appliquera.

A l’intérieur de ce pourcentage de progression, une péréquation des surfaces pourra s’établir entre bassins viticoles régionaux (au nombre de dix en France) : planter plus ici, moins là, pour aboutir in fine au contingent global prévu. Et bien sûr tous les segments de vins – AOP, IGP, VSIG (Vins sans indication géographique) – seront potentiellement concernés par la progression des plantations.

La gouvernance des plantations nouvelles

Les questions de gouvernance des plantations nouvelles – qui décide quoi et comment – renvoient ipso facto à la notion de contingents de plantation. Et qui dit contingents, dit forcément contingents par régions (par bassins viticoles) et, éventuellement, contingents par segments de vin. Mais il faut savoir qu’au niveau de l’OCM vin, la notion de contingent est, par essence, dérogatoire. La règle est la liberté de plantation, seulement encadrée par le 1 % de croissance annuelle globale (avec les facteurs de pondération déjà cités : risques de surproduction et/ou de dévalorisation).

Par principe, ce critère s’apprécie au niveau national. Cependant, l’Europe a laissé le choix aux Etats membre d’introduire, pour la gouvernance des autorisations de plantation, une part de régionalisation. C’est semble-t-il la voie qu’entend suivre la France. Objectif ? Faire se dégager une certaine cohérence au niveau régional avant de remonter au national.

Le schéma qui se dessine est le suivant. Le Conseil de bassin viticole intéressé (quand il existe, ce qui n’est pas toujours le cas) est consulté sur l’évolution du potentiel de production de la zone géographique.

l Pour les AOC et IGP, les Conseils de bassin s’appuieront sur les recommandations des ODG (Organismes de défense et de gestion des signes de qualité), après avis des interprofessions (ou Fédération des interprofessions comme en Charentes).

l Pour les VSIG, le Conseil de bassin pourra prendre en compte les orientations transmises par les organisations professionnelles locales concernées (typiquement le Comité interprofessionnel des moûts et vins des Charentes – CIMVC – dans la région délimitée Cognac). Le Conseil de bassin émettra un avis (et seulement un avis) sur les propositions de contingents*. Cet avis du Bassin interviendra en novembre de l’année N pour l’année N + 1 (novembre 2015 pour l’année 2016). Le CRINAO, le Comité national INAO et le Conseil spécialisé de FranceAgriMer seront consultés sur les trois segments. La décision finale relèvera, elle, du ministère de l’Agriculture qui fixera les contingents par arrêtés. L’Etat membre informe la Commission Europe de la surface demandée, en apportant les justificatifs nécessaires si la demande est inférieure aux 1 %. L’enveloppe sollicitée peut varier d’uen année à l’autre.

* A noter que dans un même bassin, un segment de vin (AOP, IGP ou VSIG) peut faire l’objet d’un contingent et l’autre pas. De toute manière, l’ensemble des demandes d’autorisations de plantation (sous contingent ou non) remontera au national pour la gestion des dossiers indivi-duels (voir plus loin).

L’étanchéité entre segments

Par étanchéité, il faut entendre l’impos-sibilité, pour un segment de vin, d’aller marcher sur les plates-bandes du voisin. Concrètement, comment organiser ce cloisonnement ? En clair, comment empêcher les VSIG de faire autre chose que des Vins sans indication géographique dans une zone mixte où se côtoient tous les segments de production ? Cette question, transversale – et cruciale – se pose à toutes les régions viticoles ou presque. Mais il faut avouer qu’en Charentes, elle prend un relief particulier.

Pourquoi ? Parce qu’ici, à un moment donné, il fut décidé que le Cognac, appellation notoire, serait produit à partir de vin de table ou plutôt de « cépages double fin » aptes à produire des Vins blanc Cognac. Conséquence : le produit de base n’était pas vraiment dans la bonne case. Mais, à l’époque, cela arrangeait tout le monde. Ce régime « inventif » permettait à la fois de se délester facilement de marchandises excédentaires, en contrepartie d’espèces sonnantes et trébuchantes ; et de s’exonérer des contraintes INAO au niveau de l’amont. Aujourd’hui, dans la région délimitée Cognac, ce « deux en un » ressemble à une épée de Damoclès, voire à une bombe à retardement. Surtout que l’on n’a pas encore inventé « l’Ugni bleu », selon la formule imagée d’un viticulteur.

Au niveau national, la réflexion sur l’étanchéité des segments a abouti à la solution suivante : exiger du producteur qui sollicite une autorisation de plantations de vignes à VSIG de s’engager à ne pas changer de filière jusqu’au 31 décembre 2030, fin programmée du système des autorisations au niveau communautaire. Cela pourra prendre la forme de contrats pluriannuels avec les opérateurs d’aval. A la clé, des modalités de vérification, de contrôle de cohérence des volumes revendiqués, de sanctions qui restent encore à préciser.

Gestion des dossiers individuels

Les délais : dans le cadre du nouveau régime, les dépôts de demandes individuelles d’autorisations de plantation interviendront avant le 1er mars de l’année en cours (avant le 1er mars 2016 pour les demandes 2016). Les notifications d’attributions tomberont, elles, avant le 1er août. Si l’attribution représente moins de la moitié de la surface demandée, l’opérateur disposera d’un mois de réflexion et pourra renoncer à sa demande.

Instruction des dossiers : comme déjà dit, les demandes individuelles d’autorisation de plantation seront toutes rapportées à l’échelon national, via un guichet unique. Elles seront alors classées selon leurs « cotations », après passage au crible des critères d’éligibilité puis de priorité (voir en dessous).

A ce stade, deux cas de figure pourront se présenter : ou les demandes n’excéderont pas le contingent national (ou régional), ou elles le dépasseront.

l Dans la première hypothèse (demandes inférieures au contingent), toutes les demandes seront satisfaites sans application de prorata. En clair, celui qui demandera plus obtiendra plus.

l Dans la deuxième hypothèse, si les demandes excèdent le contingent (national ou régional) – ce qui a quand même des chances d’arriver – la redistribution s’effectuera classiquement en tenant compte des critères de priorité (JA…), comme ce qui se passe aujourd’hui pour l’attribution des droits IGP/AOP. S’il y a du « reste » après application des critères de priorité, la redistribution s’effectuera là aussi au prorata des demandes exprimées, sans changement par rapport à la procédure actuelle. A priori, si un contingent régional existe, c’est lui qui aura le dernier mot. Exemple : dans un bassin, la catégorie des VSIG demande 300 ha. Après passage à la « moulinette nationale » et même en présence d’un reliquat non distribué, les attributions seront cantonnées à 300 ha (interpréation à confirmer cependant).

D’ailleurs, ces informations sur la répartition individuelle des autorisations restent sujettes à caution. Elles sont donc à prendre « avec des pincettes ».

Si l’architecture générale du dispositif est assez bien connue (arbitrage entre zones), le détail fin des attributions individuelles est encore à préciser. Un élément central de la réforme.

D’ores et déjà, la notion d’attributions au prorata des demandes suscite des inquiétudes. « C’est la prime à la surenchère. Nous allons tout droit à une concentration des surfaces entre les mains de grosses unités qui auront les moyens de demander davantage d’ha sans être sûr de les obtenir. Le modèle familial des exploitations viticoles, tel que nous le connaissons en France, risque d’être sérieusement écorné. » Ce risque est tout de même à relativiser car si l’autorisation n’est pas utilisée, il y aura sanction et sanction normalement dissuasive.

Critères d’éligibilité : ils sont au nombre de deux : pas de risque de détournement de notoriété d’AOP et/ou d’IGP – comportement antérieur du producteur.

Critères de priorité : dans son acte d’exécution, l’UE propose une liste fermée de critères de priorité, à charge pour les Etats membres de choisir à l’intérieur de cette liste (nouveaux entrants, qualité des produits porteurs d’une IG, petites et moyennes exploitations…). Ces mêmes Etats membres peuvent accepter – ou non – la mise en place de critères régionaux. Une fois déterminés, les critères de priorité s’appliqueront à tous les segments de vins du bassin, sans possibilité de sélection par filière (par exemple prévoir que le critère économique joue pour les VIG et pas pour les VSIG). Ainsi, en fonction du « classement » de leurs dossiers selon les critères de priorité, des opérateurs d’un même bassin pourront se voir traiter différemment (dans les cas extrêmes, à l’un toute la surface demandée, à l’autre rien du tout…). Des distorsions en perspective, qui ne feront sans doute pas que des heureux.

Statistiquement, plus les critères seront nombreux, plus les écarts seront grands. D’où, peut-être, une tendance à refréner les critères de priorité, y compris régionaux, qui joueraient comme autant de pénalités dans la course nationale aux autorisations.

Pour la 1re année, en 2016, un seul critère de priorité devrait être retenu, celui relatif aux nouveaux entrants, avec ajout d’une condition supplémentaire liée à l’âge (40 ans au maximum). On l’aura remarqué ! Ce critère « nouveaux entrants » ne fait pas référence à la qualité de JA, dans son acception habituelle (DJA, prêts JA, PDE…). On parle bien ici d’opérateur rentrant dans la carrière. Un point c’est tout. Un autre critère existe, qui s’assimile moins à un critère de priorité qu’à un critère d’éligibilité. Pour prétendre à des autorisations de plantations, il faudra montrer « patte blanche » ; prouver que son comportement antérieur à la demande est exempt de reproche (par rapport aux plantations bien sûr).

La plantation : elle devra être réalisée dans les trois ans. A défaut, la surface sera perdue et l’opérateur s’exposera à des sanctions administratives et financières, dans la mesure « où il aura pris la place d’un collègue ».

Autorisations de plantations
Un changement de philosophie

Par rapport aux droits de plantation, les autorisations de plantations présentent un faciès différent. A travers elles, s’amorce un changement de philosophie.

➥ Attribuées à ceux qui les demandent, les autorisations de plantations seront attachées à l’exploitant (sans changement par rapport au système actuel).

➥ Gratuites, elles seront incessibles. Cela signifie qu’elles ne pourront jamais être vendues. Auparavant, non seulement les droits de plantation étaient cessibles mais encore une valeur s’attachait à eux, compte tenu de la difficulté de se procurer des droits. La valeur patrimoniale de l’exploitation viticole risque de s’en trouver modifiée.

➥ La notion d’exploitation viticole change. Dans le système actuel, pour l’application du régime des plantations, l’exploitation viticole répond à la définition suivante : « une unité technico-économique composée de parcelles qui doivent être situées dans la limite de l’arrondissement du siège de l’exploitation et des cantons limitrophes, soit à distance maximale de 70 km. » A partir du 1er janvier 2016, la notion de limite géographique saute. A condition de se situer sur le territoire français, les parcelles d’une même exploitation viticole pourront se situer « de Marseille à Béthune ».

➥ Plantations anticipées. Le nouveau régime en maintient le principe et même l’élargit. L’arrachage pourra intervenir qu’au terme de la 4e année de plantation. Le vrai changement, c’est que toute replantation ancitipée ou non devra faire l’objet d’une autorisation.

➥ Aides à la restructuration : pour les plantations réalisées avec des autorisations de plantations nouvelles (dans le cadre du 1 %), la suppression des aides à la restructuration est envisagée. Pour les autres plantations (issues de conversion de droits « ancien régime » ou d’arrachages post-2016), la question est en
suspens.

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