Au fil du fleuve Charente

29 septembre 2015

A la césure de cet été qui a chaudement commencé, « Le Paysan Vigneron » vous emmène en promenade le long des berges rafraîchissantes du fleuve Charente. Et pour que cette balade ait aussi le goût nostalgique des souvenirs de vos
étés d’enfant, nous lui avons donné un petit air
de devoirs de vacances. Au programme donc, de la géographie et un peu d’histoire, un passage par la technologie et de SVT – pour Sciences de la Vie et de la Terre, le digne descendant des Sciences Nat’– avant de terminer, vacances obligent, par les loisirs et le farniente. Ce dossier n’est qu’un rapide survol et nous ne traiterons évidemment pas l’ensemble du programme, bien trop vaste pour ces quelques pages auxquelles il manquera toujours les émotions qu’aucun écrit ne saurait rendre : la beauté du fleuve, la douceur de ses boucles, la richesse de ses berges…

En route donc pour cette balade didactique, avec l’espoir que sa lecture vous donne l’envie d’aller flâner et musarder le long du « plus beau ruisseau du royaume », ainsi que le nommait François Ier.

 

 

Un peu de géographie pour commencer

Depuis les contreforts du Massif Central, où il prend sa source, à Chéronnac en Haute-Vienne, le fleuve Charente déroule son cours sur 365 km pour se jeter dans l’océan Atlantique au  niveau de la baie de Marennes-Oléron, en traversant quatre départements et des paysages extrêmement variés.

p21.jpgEt pour débuter notre propos avec pertinence, élargissons tout d’abord notre angle de vue pour nous intéresser au « bassin-
versant » de la Charente. Le bassin-versant, c’est la zone géographique qui correspond à l’aire de réception des précipitations, d’écoulement des eaux souterraines et de surface vers un cours d’eau. Les limites pour le fleuve Charente sont la ligne de partage des eaux superficielles, depuis sa source jusqu’à l’estuaire, affluents compris.

Le bassin-versant de la Charente s’étire sur près de 10 550 km2. Il est l’épine dorsale d’un système hydrographique comportant 6 650 km de cours d’eau, soutenus par les apports de 22 affluents. La Charente a un bassin plat – plus de 60 % en dessous de 100 m d’altitude – et un débit faible.

La majorité du bassin-versant de la Charente se trouve sur les tables calcaires. Il bénéficie d’un climat doux et ensoleillé avec des précipitations modérées (entre 600 et 700 mm par an sur la côte et 900 mm à l’Est).

En amont, de la source à Angoulême

À sa naissance en Haute-Vienne, la Charente traverse les bocages de Charente Limousine. A son entrée dans le département de la Charente, deux grands lacs, le lac de Lavaud et le lac de Mas-Chaban, ont été construits en 1989 et 2000, pour soutenir l’étiage du fleuve durant l’été et répondre aux besoins de l’irrigation. Ils occupent à eux deux près de 400 hectares. Leur création a profondément transformé l’écosystème et donné naissance à de nouveaux paysages, dans ce bocage où le réseau de haies ou d’alignement d’arbres occupe une place prépondérante.
Les lacs ont attiré de nombreux oiseaux. Près de 170 espèces nicheuses et migratrices y sont recensées : le tardorne de belon, le cormoran, la bernache, la grue cendrée, le martin-pêcheur…
Les poissons carnassiers y sont bien représentés avec notamment des sandres, black-bass, carpes…

Une incursion dans la Vienne et le fleuve revient en Charente par le Ruffecois. La vallée, jusqu’alors étroite, s’élargit mollement avant Mansle. Jusqu’à Angoulême, elle forme une vaste dépression où le fleuve déploie méandres et bras d’eau, s’amusant à découvrir des îles. Les berges sont bordées des prairies régulièrement inondées, de bois marécageux de frênes, d’aulnes, de coteaux calcaires abrupts. La Charente reçoit les eaux de l’Aume, la Couture, l’Argentor et le Son-Sonnette.

Le karst de La Rochefoucauld

p22a.jpgLe plateau karstique de La Rochefoucauld s’étend sur plus de 500 km2. Sa topographie singulière est faite d’effondrements géologiques dus au cheminement souterrain de rivières… une géologie originale qui a favorisé le développement d’une flore et d’une faune très particulières. Les chênes côtoient les genévriers, les landes, les pelouses sèches où s’épanouissent des orchidées. Ces dolines et gouffres sont propices à l’habitat d’espèces animales menacées : les chauves-souris, les salamandres, les tritons… Le karst a une grande capacité de stockage et de préservation des eaux pluviales.
C’est aussi à ce contexte géologique particulier que l’on doit la présence d’une zone de débordement de l’aquifère : les sources de la Touvre. Elles sont l’exutoire du karst de la Braconne, auquel s’ajoutent les pertes de deux cours d’eau : le Bandiat et la Tardoire. Ces rivières perdent dans le karst de La Rochefoucauld une grande partie de leurs eaux, que la Charente va récupérer. Quant à la Bonnieure, elle rejoint le fleuve après une incursion souterraine.

La source de la Touvre comporte 4 points de jaillissement : le Dormant, le Bouillant, la Font-Lussac et la Lèche. Le débit moyen de ces résurgences varie de 12 à 15 m3/s. Ces importantes résurgences, les 2e de France au niveau du débit, sont alimentées par les pertes souterraines des rivières venant du karst de La Rochefoucauld. Les eaux du Bouillant sont captées pour l’alimentation en eau potable de l’agglomération d’Angoulême. La Touvre, dont le débit l’été est souvent plus important que celui de la Charente, se jette dans le fleuve après 11 km.

D’Angoulême à Rochefort

Après Angoulême, le lit de la Charente, qui s’élargit et devient navigable, coule dans une large plaine alluviale. Jusqu’à Rochefort, ces plaines que l’on appelle « prées » sont inondables et couvertes de prairies. La Charente reçoit les eaux du Coran, de l’Antenne, de la Seugne, du Né et de la Boutonne.

Autour de Rochefort, sur plus de 20 000 hectares, s’étendent des marais littoraux issus des activités humaines qui sont, aujourd’hui, en grande partie, doux, desséchés. On en dénombre deux types :

l Les marais « gâts », anciens marais salants convertis en prairies, en peupleraies.

l Les marais « plats » parcourus par des chenaux et fossés organisés en un réseau dense. Ces canaux et fossés, creusés pour assainir les prairies, sont des clôtures naturelles. Ils permettent, selon les saisons, l’évacuation ou l’alimentation des marais en eau douce. Ils jouent également un rôle d’épurateur biologique et sont un corridor pour la faune (poissons, loutres…).
La mise en culture progressive de ces marais constitue un vrai risque de déséquilibre. Les produits phytosanitaires utilisés sont nuisibles à la qualité des eaux, à la faune et la flore.

Et le fleuve rejoint l’Océan…

En aval de Rochefort commence l’estuaire de la Charente : le fleuve s’élargit rapidement et dessine deux profonds méandres avant de se jeter dans le pertuis d’Antioche face à l’île d’Oléron, et de rejoindre ainsi l’océan Atlantique. Cet estuaire est marqué par des hauts fonds. L’embouchure du fleuve s’élargit considérablement entre Fouras sur sa rive droite et Port-des-Barques sur sa rive gauche s’évasant sur environ quatre kilomètres.

Un petit morceau d’histoire…

Grimpez avec nous dans la machine à remonter le temps de « la Route des Tonneaux et des Canons »… Destination le XVIIe siècle.

p23.jpgL’histoire de la Charente est si longue – elle commence même avant l’histoire, comme en témoignent les os de dinosaures vieux de plus de 130 millions d’années, découverts à Angeac-Charente, non loin de ses berges – qu’il nous fallait bien opter pour une période précise pour programmer notre machine à voyager dans le temps. La traversée très médiatique de l’Hermione, ainsi que le remarquable travail réalisé par l’association « La Route des Tonneaux et des Canons » (RTC – voir encadré) nous a fait pencher pour le XVIIe et ces plus de 150 ans pendant lesquels le fleuve Charente fût une route économique d’une extrême importance.

« C’est avec Louis XIV, à la fin du XVIIe, que tout a commencé, raconte Jean-Pierre Réal, président de l’association RTC, lorsqu’il en a eu assez de la suprématie des Anglais et des Hollandais sur les mers. » Le Roi-Soleil décide donc la création d’un nouvel arsenal de guerre capable de construire rapidement une flotte pour rétablir sa puissance maritime et favoriser le commerce avec les colonies du royaume. C’est le site de Rochefort, qui n’était jusque-là qu’un château dominant la Charente entouré de quelques chaumières au cœur d’un marais, qui est choisi pour sa localisation stratégique : une position centrale sur la façade atlantique, protégée par les îles et des forts, un peu éloignée de l’embouchure et surtout reliée à l’arrière-pays par la Charente. Car il n’y a rien que de la vase et des joncs à Rochefort, tout doit venir de l’intérieur des terres, et c’est ainsi que la Charente devient l’une des pièces maîtresses de la stratégie royale.

Trois richesses primordiales

Pour créer cette flotte du Ponant, il faut du bois bien sûr, et même d’immenses forêts puisqu’un seul vaisseau de ligne nécessite plus de 4 000 arbres. Il faut aussi une artillerie de qualité, des canons de fonte qu’il convient de fabriquer. Une vaste région est alors mise à contribution, qui présente l’immense avantage de posséder les trois matières premières nécessaires à la production de la fonte : le bois, le minerai de fer et l’eau. Elle s’étend des marges du Massif Central, des hautes vallées du bassin du fleuve Charente où sont implantées les forges, et se prolonge en suivant le fleuve de Nontron à la baie de Fouras, en passant par Angoulême, Cognac, Saintes et Rochefort.

Le bois est alors utile à tout, du manche des outils aux vergues des navires. Il est aussi transformé en charbon de bois, qui permet à la fois d’atteindre de hautes températures, de réduire le minerai de fer et d’obtenir de grandes quantités de fonte. Le volume de charbon de bois utilisé représente la dépense la plus grande d’une forge, qui engloutit en moyenne cent hectares de forêt par an. Le bois est aussi nécessaire à la fabrication des tonneaux qui participent à la vie des hommes sur terre comme sur la mer. La Marine en utilise des milliers de toutes tailles. Les forêts du Périgord-Limousin-Angoumois sont donc bienvenues pour cette double production : bois de chêne pour les tonneaux et bois de châtaignier pour le charbon de bois.

Le minerai de fer est la base de la fonte. Il se trouve dans la région depuis plus de 600 millions d’années et a été exploité depuis l’Antiquité. On trouve ainsi 6 minières dans la région d’Angoulême, 15 dans la région de Nontron et 9 dans la région d’Excideuil. Le minerai contenu dans cette minière est relativement abondant et surtout il est d’une extraction facile.

L’eau enfin est abondante. De multiples ruisseaux et rivières viennent alimenter deux fleuves importants : la Dordogne et la Charente, et c’est sur leurs rives que s’organiseront les grosses forges à canons. L’eau est nécessaire à la fois pour laver le minerai et pour l’énergie des « moteurs à eau » dont les forges ont besoin, pour les concasseurs de minerai, les soufflets de hauts-fourneaux et les autres engins mécaniques servant à la fabrication des canons. En 1782, les forges de Ruelle et de Forge-Neuve sont érigées par Louis XVI en Fonderies et Manufactures Royales. Les forges du Périgord-Limousin-Angoumois produisent alors les trois quarts des canons nécessaires à la Marine.

La route du fleuve

Mais l’eau est aussi utile à la circulation des hommes et des marchandises, car le transport par voie d’eau est de loin moins cher que le transport par route. Pour apporter les matières premières ou les produits manufacturés, le fleuve Charente va constituer une indispensable voie de communication entre le Périgord-Limousin-Angoumois et la côte charentaise, à partir du port l’Houmeau d’Angoulême.

Avec Rochefort comme objectif, la route et le fleuve appartiennent aux gabarriers et aux fardiers, aux tonneliers et aux muletiers. Sans eux, il manquerait l’essentiel à la flotte du Ponant : son approvisionnement en tout, à commencer par les canons et les tonneaux.

La route n’est pas bonne et le fleuve est souvent préféré dès que cela est possible : il est paisible et l’utilisation de gabarres permet de transporter des charges plus lourdes et ainsi rentabiliser le voyage. Quant aux ponts, ils ne sont pas des obstacles aux gabarres dont le mât mobile peut s’abaisser pour le passage. Ainsi, il faut en moyenne quatre jours pour descendre de port l’Houmeau à Tonnay-Charente.

Vers la côte convergent les produits fabriqués pour l’arsenal de Rochefort, tonneaux et canons bien sûr – ces derniers sont assemblés à leurs affûts à Rochefort, mais installés à bord des navires au large de l’île d’Aix, en eau profonde – mais il y a aussi les vins et les eaux-de-vie, le froment cultivé dans les terres, le papier fabriqué dans les moulins aux environs d’Angoulême… Mais le commerce ne vient pas que de l’intérieur. De la côte provient le « poisson sec », que des marchands de Limoges ou de Tulle viennent chercher à l’Houmeau et qui repart parfois à dos de cheval. Le sel est aussi l’objet d’un commerce important.

Le fleuve est alors une sorte de carrefour international : le beurre d’Angleterre ou d’Irlande, les fromages de Hollande, le laiton de Suède, croisent les noix et les châtaignes du Périgord, les clous du pays d’Horte, les meules de moulins d’Angoulême, les tuiles du Limousin.

Puis vient le XIXe et le chemin de fer. Le trafic ferroviaire remplace peu à peu le trafic fluvial, en 1883 se construit la voie ferrée de Saintes… et la Charente retrouve le calme de son cours majestueux.

La Route des Tonneaux et des Canons

p24.jpgNée en 2002, cette association poursuit en parallèle des recherches historiques approfondies et l’organisation de manifestations festives. Par-delà les limites administratives des régions et des départements, ces passionnés poursuivent trois objectifs : « Le premier est de redécouvrir le passé prestigieux de cette Route qui l’inscrivait aux XVIIe et XVIIIe siècles dans la Grande Histoire du Monde, explique Jean-Pierre Réal, le président de l’association. Tout cela relevait d’une vraie logique industrielle, une interconnexion des professions et des lieux, qui allait du Limousin à Rochefort, et c’est la Charente qui faisait office de liaison, de fédérateur. Notre deuxième objectif est d’utiliser ce passé pour valoriser les villages, les associations locales avec lesquelles nous travaillons, ainsi que leurs membres : avec eux, nous cherchons les traces de la place qu’ont pris leurs aïeux dans cette aventure, comme les traces de la fabrication des cloches de bateaux que l’on a trouvé à Sers par exemple.

Enfin, nous nous employons à faire participer un maximum de monde à nos recherches, à nos manifestations, de manière à créer des synergies. Par exemple, lorsque la RTC s’est occupée d’armer l’Hermione, à la demande de l’association Hermione La Fayette, devant la difficulté à trouver une trentaine de canons, nous avons décidé de les fabriquer. Nous nous sommes adressés aux élèves du DUT génie mécanique et productique d’Angoulême et nous leur avons demandé de réaliser les moules en bois des deux tailles de canons, d’après des plans de 1766, en pouces et en pieds du roi. Les étudiants les ont traduits en système métrique avant de numériser les plans et de les transformer en moules de bois qui ont été utilisés par la SAFEM, une fonderie de l’Isle-d’Espagnac pour fabriquer les canons… »

En plus de 28 canons de 1,6 tonne, un seul pierrier (un petit canon de 100 kg environ qui ne tirait pas de boulet mais de la grenaille ou des pierres, à bout touchant, lors des abordages) a été embarqué à bord de l’Hermione, pour son voyage aux USA. Le second pierrier fabriqué par la SAFEM sera livré le week-end des 12 et 13 septembre lors d’une grande fête à port l’Houmeau. La chaloupe de l’Hermione remontera la Charente depuis Rochefort pour venir le chercher. « C’est encore un symbole de cette chaîne humaine que cherche à créer La Route des Tonneaux et des Canons, une chaîne fédératrice comme l’était la Charente du XVIIIe, qui savait rassembler toutes sortes de voyages : terrestre, depuis les forges des affluents de la Charente jusqu’à port l’Houmeau, le port de rupture de charge, fluvial jusqu’à Port-des-Barques, puis maritime, d’abord jusqu’à l’île d’Aix et puis vers l’aventure, l’Océan, l’Amérique… »

Association la Route des Tonneaux et des Canons
BP 60038 – 16600 Ruelle-sur-Touvre

Tél. 06 29 86 82 66 – www.la-rtc.fr

La gestion du fleuve du local au global…

p25.jpgAbordons maintenant l’étape « technologie » de nos devoirs de vacances. Pour un fleuve, quel qu’il soit, le « laisse couler » n’est pas une option : navigation, irrigation, alimentation en eau douce… de nombreuses activités dépendent de lui. Il convient donc de l’entretenir au quotidien, mais aussi de le gérer dans sa globalité.

Depuis le milieu du XXe siècle, l’entretien des fleuves, dans leur partie domaniale, est assuré par les départements : pendant plus de 50 ans, l’Etat est propriétaire du domaine public fluvial et il en concède la gestion aux départements. Le 10 janvier 2007, l’Etat transfère le domaine public fluvial aux départements, qui en sont donc aujourd’hui les propriétaires.

Aujourd’hui, le département est donc en charge de la police de conservation, de l’entretien et de la gestion du fleuve dans ses composantes hydrauliques, patrimoniales, environnementales et touristiques ; les services de l’Etat, quant à eux, assurent la police de navigation et la police de l’eau (ressources hydriques), et la prévention des inondations.

La Charente en Charente

De sa source jusqu’à Montignac, la Charente appartient à des propriétaires riverains qui doivent en assurer l’entretien jusqu’à son axe. Reste au département 93 km de fleuve, dont 65 sont navigables, jusqu’à Port-du-Lys, et quelque 400 km de berges, que les 23 agents du service Fleuve Charente gèrent au quotidien.

« Entre 1975 et 1995, explique Jean-François Gracia, le responsable du service, le département a investi plus de 15 millions d’euros pour reconquérir le fleuve : restauration des berges et du lit, remise en état des barrages, restauration des écluses et des quais… un acquis que nous nous employons aujourd’hui à entretenir et à améliorer. »

Jusqu’à son arrivée en Charente-Maritime, le fleuve compte 26 retenues principales et 9 barrages automatisés. Programmés pour lisser les crues et assurer un niveau constant, ils sont télégérés et consultés tous les jours. En aval d’Angoulême, sur la partie navigable, le département possède aussi 19 écluses, dont il faut assurer le suivi et l’entretien : « Elles sont manuelles, en libre usage. Cela ajoute un peu de folklore, très apprécié par les plaisanciers, mais ça peut aussi créer des problèmes… » Il faut aussi ajouter 15 passes à canoë.

En plus de la maintenance de ces ouvrages, le service Fleuve entretient le lit du fleuve et le chenal de navigation, en effectuant tous les ans une campagne de dragage, une campagne de faucardage – la fauche des herbes et des algues dans l’eau – ainsi que des dévasages ponctuels. Les 400 km de berges et leur ripisylve demandent aussi beaucoup de travail. Le service Fleuve a opté pour un entretien raisonné, afin de favoriser l’équilibre écologique et la biodiversité du fleuve. Certains secteurs, qui ne posent pas de problèmes, sont laissés à leur évolution naturelle.

En aval d’Angoulême, le département a aussi la charge de la signalisation nautique et de son amélioration : le balisage nécessaire à l’identification du chenal de navigation est mis à jour chaque année, les panneaux des noms d’écluses ont été actualisés en 2014.

p26.jpgAutre mission du service Fleuve, la lutte contre les espèces nuisibles qu’elles soient animales ou végétales : pour piéger les ragondins et les rats musqués, le département organise des opérations ponctuelles avec l’aide de la Fédération départementale des groupements de défenses contre les organismes nuisibles (FDGDON). Du côté flore, l’ennemi est une jolie fleur jaune, la jussie, au demeurant très décorative. Cette plante exotique envahissante aime le soleil et les eaux calmes et peu profondes. Sa croissance de juin à octobre peut entraîner l’asphyxie des cours d’eau. Grâce aux opérations de recensement et d’arrachage manuel menées chaque année, le département réussit à endiguer son développement.

Le département est aussi un acteur important du programme pluriannuel (5 ans) du Code de l’environnement pour la gestion de la continuité écologique des poissons migrateurs, sur le tronçon en aval de Châteauneuf. Les espèces concernées sont la grande alose, l’alose feinte, le saumon atlantique, la truite maritime, la lamproie maritime et fluviale, et l’anguille. Sur les douze passes à poissons à réaliser d’ici 2018 pour favoriser cette continuité, six sont déjà opérationnelles. A signaler parmi elles, la passe avec système de comptage installée à l’écluse de Croin : une caméra filme en permanence le canal de comptage éclairé. Les données sont exploitées par l’EPTB Charente (voir encadré).

Enfin, c’est aussi le service Fleuve qui a la charge de la gestion administrative liée à l’occupation du domaine public (amarrage, ponton, passerelles, réseaux…) ou à l’irrigation.

En Charente-Maritime

Le Domaine public fluvial est la propriété du département jusqu’à Tonnay-Charente. S’ouvre alors la zone portuaire de Rochefort, et l’Etat reprend la main. Pour la partie dont il est propriétaire, la gestion et l’entretien réalisés par le département de la Charente-Maritime ressemblent beaucoup à ce qui est mis en œuvre dans le département voisin, avec quelques différences cependant…

p27.jpgDeux écluses seulement sur ce tronçon de la Charente : celle de la Beyne sur la commune de Chaniers et celle de Saint-Savinien, sur les communes de Saint-Savinien et Le Mung. Ces deux ouvrages sont automatisés, mais, en juillet et en août, des éclusiers sont présents pour accueillir les plaisanciers. Après l’écluse de Saint-Savinien, commence la section maritime du fleuve, à courant libre : c’est-à-dire que le niveau d’eau fluctue en fonction de la marée qui remonte dans l’estuaire. Cette section est déconseillée aux néophytes car les courants peuvent être forts et les accostages sont peu nombreux. De ce fait, la plupart des loueurs limite la navigation dans ce bief dans leur contrat de nolisage (dispense de permis fluvial).

Le département assure aussi la gestion et l’entretien de deux ouvrages hydrauliques, à la Beyne et à Saint-Savinien, et veille à leur bon fonctionnement. Comme en Charente, ces ouvrages servent à suivre le « règlement d’eau », en ajustant le niveau du fleuve. « Nous avons la volonté de tenir compte des souhaits de tous les usagers, communes, pêcheurs…, explique Catherine Labat, responsable du service Eau et Voie d’Eau au département. »

Autre spécificité, en plus du fameux pont transbordeur de Rochefort – le dernier encore en activité en France – le fleuve Charente compte sur son parcours en Charente-Maritime, deux bacs, qui appartiennent au département. Du 15 juin au 15 septembre, un bac manuel permet de franchir le fleuve de Dompierre-sur-Charente à Rouffiac. Entre Chaniers et Courcoury, le bac motorisé fonctionne d’avril à fin septembre. Tous deux, en plus d’être très utiles aux agriculteurs, apportent aussi une sympathique animation touristique au territoire. Le département assure leur entretien et s’assure de la sécurité de ces équipements, pour lesquels de gros investissements ont été engagés en 2008-2009. Ils sont, par le biais d’une convention, mis à la disposition des communes et gérés par des employés municipaux.

Autre différence enfin, dans la gestion administrative de l’occupation du domaine public : la présence de nombreux carrelets qui apportent un inimitable cachet à l’estuaire de la Charente.

L’Etablissement Public Territorial du Bassin de la Charente (EPTB Charente)

En 1977, à la suite de la sécheresse historique de 1976, est créée l’Institution du fleuve Charente qui regroupe les Conseils généraux des départements de la Charente, de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vienne. Elle sera reconnue Etablissement public territorial du bassin de la Charente en 2007. Ses missions sont de promouvoir la gestion de l’eau à l’échelle du bassin de la Charente en réalisant les études et les travaux permettant l’amélioration du régime hydraulique tant en crue qu’en étiage, le maintien ou la reconquête de la qualité des eaux et des milieux aquatiques, la valorisation touristique du fleuve et de ses affluents.

L’EPTB favorise la concertation entre les collectivités territoriales compétentes pour cette gestion et pour ce faire, elle porte différents plans autour desquels elle fédère les acteurs concernés, dans un souci de cohérence et d’efficacité :

l Le Plan de Gestion des Etiages (PEG) qui doit permettre de retrouver un équilibre quantitatif de la ressource en eau. Propriétaire du barrage de soutien d’étiage de Lavaud, l’EPTB en assure la gestion.

l Le Programme d’Action et de Prévention des Inondations (PAPI) Charente & Estuaire. Ce programme intègre à la fois un volet inondations par débordement de cours d’eau et un volet submersions marines, et rassemble quinze maîtres d’ouvrage et cofinanceurs.

L’EPTB Charente porte également l’élaboration de la Stratégie Locale de Gestion du Risque d’Inondation (SLGRI), du territoire à risque important d’inondation Saintes-Cognac-Angoulême.

l Le programme d’actions pour la reconquête de la qualité des cours d’eau du bassin d’alimentation des captages Grenelle de Saint-Hippolyte et Coulonge avec le syndicat des eaux de la Charente-Maritime et la communauté d’agglomération de La Rochelle.

L’EPTB Charente est le coordonnateur de ce programme qui concerne près de 200 communes et doit permettre de réduire les pollutions aux nitrates et aux phytosanitaires d’origine agricole et non agricole.

l Le programme d’actions pour la préservation et la restauration des poissons migrateurs avec le groupement des fédérations de pêche du Poitou-Charentes et le Centre régional d’expérimentation et d’application aquacole (CREAA).

Enfin, l’EPTB Charente est la structure porteuse de l’élaboration, avec les acteurs locaux, du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Charente (SAGE Charente), l’outil de la planification de la politique de l’eau sur le bassin.

Des trésors à préserver

C’est par un peu de sciences nat’ – ou plutôt de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) comme on les appelle désormais – que nous allons terminer nos devoirs de vacances au fil de la Charente et de ses affluents. C’est aussi une façon de nous rappeler à quel point elle est riche en matière de faune et de flore…

…Et c’est si vrai que la quasi-totalité du fleuve Charente, de sa source à son embouchure, de ses affluents et des marais littoraux qu’il alimente ont été retenus pour intégrer le réseau Natura 2000 (voir encadré) dès sa mise en place à la fin des années 90. C’est la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), très active en France sur le réseau Natura 2000, qui a été mandatée par la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) Poitou-Charente pour animer les seize zones qui découpent le fleuve.

Nous avons demandé à Laurence Caud et à Sophie Duhautois, animatrices Natura 2000, de nous parler des espèces ou des milieux rares et menacés que le fleuve a la chance d’abriter encore.

p28.jpg« La Charente est l’un de ces derniers bastions du vison d’Europe, une espèce très menacée et que l’on ne trouve plus que dans 7 départements. » Le vison d’Europe gîte souvent près des petits affluents car il a besoin de zones humides et d’une eau de très bonne qualité. Il est menacé par la forte régression de ces zones humides au cours du siècle qui vient de s’écouler, mais aussi par la compétition avec le vison d’Amérique et surtout par la mortalité routière. Pour préserver l’espèce, Natura 2000 s’emploie tout d’abord à préserver le type d’habitat dont elle a besoin, des prairies à hautes herbes près des cours d’eau, par un travail de sensibilisation et d’explication auprès des propriétaires forestier et des exploitants agricoles. Quant à la lutte contre la mortalité routière, elle passe par des accords avec les conseils départementaux pour équiper les équipements routiers de « passages à faune », ce qui profite aussi à d’autres espèces animales, comme les loutres qui avaient presque disparu mais qui commencent à recoloniser la zone. »

« Autour de Saintes, on trouve encore quelques râles des genêts, un oiseau qui connaît un fort déclin en France. » Cet oiseau niche au sol et sa période de reproduction est très tardive. La fauche des champs pose donc de gros problèmes, surtout depuis que les progrès de la mécanisation ont pratiquement supprimé les fauches tardives. Natura 2000 a participé à un programme européen LIFE autour des râles des genêts qui se termine actuellement. Il a permis de sensibiliser les agriculteurs et de leur recommander des fauches plus tardives, à petite vitesse (pas plus de 8 km/h) et par bandes pour permettre à la faune de s’échapper. Ces pratiques entrent dans le cadre des mesures agro-environnementales. Le programme LIFE s’attache aussi à repérer les mâles chanteurs, en diffusant une cassette audio, de manière à prendre des mesures d’urgences sur les sites repérés.

« L’angélique de l’estuaire est endémique de la France, mais elle n’existe plus que dans 4 ou 5 estuaires. » L’Angélique des estuaires appartient à la même famille que la carotte sauvage : c’est une ombellifère, dont les graines sont transportées par l’eau et se fixent sur les marnes. Elle se développe en 3 ans et ne produit des fleurs et des graines que la 3e année, ce qui la rend d’autant plus fragile et menacée par l’artificialisation et la fauche des berges. L’angélique des estuaires est assez abondante autour de Taillebourg et de Rochefort. »

« Les aulnaies-frênaies enfin, présentes sur l’ensemble des sites, sont reconnues comme habitat d’intérêt communautaire » par l’Europe. Habitat majoritaire sur les sites boisés, elles sont pourtant menacées par le lotissement et la culture de peupliers ou de maïs. C’est fort heureusement un habitat dynamique qui reprend vite ses droits quand on laisse faire la nature. »

« Quelles que soient les zones, expliquent les deux animatrices, maintenir des prairies pâturées est d’un intérêt primordial pour la faune et la flore. Pour les boisements, la gestion la plus simple est de maintenir le naturel, et surtout de ne pas tout raser pour planter du peuplier par exemple… c’est de moins en moins rémunérateur et difficile à entretenir. Le mieux c’est de ne rien faire et de retrouver le boisement naturel… Et même si on a planté des peupliers, il est possible de les gérer de manière environnementale, en laissant évoluer des espèces plus basses qui vont créer un sous-étage, dans lequel les espèces animales pourront trouver caches, refuges, alimentation… »

Ces quelques lignes ne brossent qu’une toute petite partie des programmes Natura 2000 de la Charente et de leurs enjeux. Vous trouverez de nombreuses autres informations sur le site web dédié : http://natura2000valleecharente.n2000.fr/.

Natura 2000

Le réseau Natura 2000 s’inscrit au cœur de la politique de conservation de la nature de l’Union européenne. Il est un élément clé de l’objectif visant à enrayer l’érosion de la biodiversité.
Ce réseau vise à assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés, à forts enjeux de conservation en Europe. Il est constitué d’un ensemble de sites naturels, terrestres et marins, identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces de la flore et de la faune sauvage et des milieux naturels qu’ils abritent.

Ce dispositif européen ambitieux vise à préserver des espèces protégées et à conserver des milieux tout en tenant compte des activités humaines et des pratiques qui ont permis de les sauvegarder jusqu’à ce jour.

Le fleuve en mode détente

Dans « devoirs de vacances », il y a aussi « vacances » ! Impossible donc de clôturer ce dossier sans un coup d’œil sur les nombreux loisirs que propose le fleuve Charente, avec un focus sur la pêche, le plus traditionnel sans doute… quoi que…

C’est à Sébastien Christinet, agent de développement de la Fédération départementale de pêche et de protection du milieu aquatique de la Charente, que nous avons demandé de nous parler des principaux types de pêche qui se pratiquent sur le fleuve.

« La technique la plus traditionnelle, c’est bien sûr celle de la pêche au coup : le pêcheur reste sur la berge, avec une canne munie d’un hameçon et d’un flotteur. Il amorce en lançant de la nourriture pour attirer le poisson et il attend. C’est comme cela que l’on pêche le gardon et toute la famille des cyprinidés : brèmes, chevaines, tanches, rotangles… Pour les débutants, c’est sans doute par là qu’il faut commencer ! »

Un loisir de plus en plus sportif

21b.jpgMais la pêche a beaucoup évolué ces dernières années : les nouvelles générations de pêcheurs n’y attachent plus de valeur de consommation et recherchent le sport avant tout. C’est ainsi que de nouvelles pratiques ont vu le jour, et entre autres une nouvelle façon de pratiquer la pêche au lancer, le « float-tube » : cette grosse bouée, dans laquelle on s’installe avec de grandes bottes et que l’on déplace en palmant, a de nombreux atouts : elle se met à l’eau partout et simplement, permet une approche discrète des postes et demande un effort physique intéressant pour la forme des pêcheurs. Avec un float-tube, on peut pêcher avec des leurres qui ne blessent pas le poisson, ce qui permet la remise à l’eau, un geste de bonne gestion de plus en plus courant, surtout pour les carnassiers. Les espèces carnassières, que l’on peut pêcher au vif, au leurre ou à la cuillère dans la Charente sont le brochet, la perche, le sandre, le silure – le plus gros des carnassiers : un silure de deux mètres a été pêché dernièrement en float-tube à Cognac – et le black-bass, un super combattant venu des USA, qui permet des pêches très sportives. On croise de plus en plus de float-tube sur la Charente, car il y a assez peu de postes permettant le lancer sur ses berges.

On trouve encore des poissons migrateurs dans les eaux du fleuve : l’alose, la plus nombreuse et la plus facile à attraper, le saumon et la truite de mer, extrêmement rares aujourd’hui et les anguilles dont la pêche est très réglementée.

Pour varier les plaisirs et vivre un joli moment de partage au bord de l’eau, il faut aussi citer la pêche à la carpe de nuit, sur des parcours spécifiques. Ce poisson combatif peut atteindre 20 kg et c’est la nuit qu’il est le plus actif.

Enfin, il ne faudrait pas oublier la très familiale pêche à l’écrevisse. Les charentaises « à pied blanc » sont devenues si rares qu’on ne peut plus les pêcher, mais l’on peut toujours attraper les espèces invasives, américaine, du Pacifique ou de Louisiane…

Si vous ne voulez pas déranger les poissons…

p31.jpg…Vous pourrez aussi jouer les marins d’eau douce pour quelques heures ou quelques jours, en pénichette ou en gabare, ou pour les plus sportifs vous essayer au canoë ou faire quelques brasses. Et si vraiment vous ne voulez pas vous mouiller, de nombreux circuits de randonnée existent déjà, qui vous permettront de découvrir le fleuve depuis la berge…en attendant la finalisation du projet, porté par les départements de la Charente et de la Charente-Maritime, de voie réservée aux déplacements doux, une voie qui longera le fleuve sur toute sa longueur.

 

 

 

 

 

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