Association des savoir-faire du Cognac, candidature UNESCO, portée par une dynamique de territoire

29 juin 2017

Cognac s’apprête à candidater au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Une démarche qui prendra bien huit ou dix ans. Mais, en attendant, la première étape se profile : déposer en 2017/2018 un dossier auprès du Ministère français de la culture. Lors de la soirée inaugurale de la démarche, Jérôme Sourisseau, président de l’Association des savoir-faire du Cognac a lancé un appel aux adhésions et à la participation « de toutes les bonnes  volontés afin que la communauté porteuse du projet soit la plus large possible ». Une plateforme participative se met en place afin de nourrir l’argumentaire Unesco.

C’est en 2011 que naît le projet de candidature du Cognac à l’Unesco, parmi une poignée de personnes, pas plus de cinq ou six, dont Jérôme Sourisseau, président du Pays Ouest Charente (devenu depuis le Pôle territorial Ouest Charente – Pays du Cognac). Un comité de pilotage se met en place, pour débroussailler le terrain. Arrive l’été 2015. Avant d’engager toute dépense, le Comité souhaite obtenir validation du projet. Il mandate un cabinet d’audit…qui déconseille sans ambages la candidature du Cognac au patrimoine mondial l’Unesco, la convention phare de l’Unesco, qui labellise architecture et  paysages. Déception mais pas trop. Le cabinet d’audit propose de rebondir sur une autre convention de l’Unesco, moins connue certes mais quand même empreinte de richesse, celle pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Son fil rouge :  mettre en avant les savoir-faire et artisanats traditionnels ». Banco ! Un an plus tard, en novembre 2016, est créée l’Association des savoir faire du Cognac, dont J. Sourrisseau est le président, Daniel Gillet, de Meux (17) le trésorier. Elle a pour objectif de porter la candidature de Cognac  au patrimoine immatériel de l’Unesco et, dans l’immédiat, de s’assurer d’un financement auprès des collectivités territoriales. Ce qui est fait. La plupart des collectivités territoriales de Charente et Charente-Maritime, y compris les deux Conseils départementaux, adhèrent au projet. A été levé une cotisation de 10 cents par habitant, ce  qui porte le budget annuel de l’association autour de 90 000 €. « C’est raisonnable et suffisant. Nous sommes loin des 900 000 € de la Champagne. L’esprit n’est pas le même » ont justifié les responsables du projet.

 

Acte de baptême

 

Une nouvelle étape a été franchie le lundi 24 avril dernier. Cette soirée organisée salle de la Salamandre à Cognac a signé, en quelque sorte, le véritable acte de baptême de l’Association des savoir faire du Cognac. Y participèrent environ deux cents personnes, de toutes origines : élus, professionnels du Cognac, membres d’associations, personnes lambda etc..Pour les promoteurs de la démarche, il s’agissait d’obtenir à la fois la validation du plus grand nombre, un large rassemblement  autour de la candidature du Cognac, des contributeurs à l’inventaire des savoir faire du Cognac et, plus prosaïquement, des adhésions à l’association. « L’écosystème du Cognac a besoin de toutes les bonnes volontés » a commenté J. Sourisseau (toute ressemblance avec l’actualité recente…).

 

En novembre dernier, une chargée de mission – Anne-Laure Jouannet – a été recrutée pour faire vivre la candidature et préparer ce qui en constitue le premier échelon : le dépôt d’un dossier auprès du Ministère français de la culture. Car on n’accède pas de but en blanc à l’Unesco. Au préalable, il faut passer par le sas du national. Mathilde Lamothe, docteur en ethnologie et patrimoine à l’Université de Pau et du Pays de l’Adour, spécialiste du patrimoine immatériel, en cerne bien le parcours. « La fiche d’inventaire est à déposer auprès de la Direction générale des patrimoines, Département du pilotage, de la recherche et de la politique scientifique (DPRPS). Rien ne se fait à l’Unesco sans que la demande soit d’abord inscrite à l’inventaire français. »

 

Fiche d’inventaire

 

La jeune chercheuse a décrit ce qu’il fallait entendre par « fiche d’inventaire ». «Il ne s’agit pas d’un travail de commande, s’appuyant sur des recettes toutes faites. Ce sont vraiment les communautés qui définissent elles-mêmes leur patrimoine. Les collectivités territoriales accompagnent le projet mais c’est vraiment une coconstruction du discours ». Elle poursuit. « Le Ministère et, au-delà, l’Unesco, ne veulent pas d’un discours de cabinet. Ce qu’ils veulent entendre, c’est le discours des acteurs du territoire, les sentir au cœur de l’expérience, de la dynamique de territoire. Qui plus est, l’Unesco ne souhaite pas vraiment apparaître comme soutien de l’activité économique.» D’où l’importance de l’Association des savoir faire du Cognac, matrice de cette prise en main de la « communauté  du Cognac » pour « inventorier notre écosystème », délivrer « quelque chose qui nous ressemble ». Concrètement, dans les semaines qui viennent, vont se mettre en place des groupes de travail par thèmes, pour faire le tour des savoir faire du Cognac. Ce chantier de collecte, de transmission, de transcription, l’Association l’a appelé « La grande collecte ». Elle compte bien s’appuyer sur les compétences, la mémoire, les envies de chacun, à travers une « plateforme immersive et participative ». Avis aux volontaires, ne serait-ce que pour scanner des documents, activité chronophage par excellence (voir bulletin d’adhésion à l’Association).

 

Un réseau d’acteurs

 

D’un point de vue plus scientifique, l’ethnologue recommande de ne pas « prendre les choses par le petit bout de la lorgnette. Le patrimoine n’est que le support de la pratique. Un dossier ne sera pas retenu s’il ne reflète pas un réseau d’acteurs plus ou moins complexe, plus ou moins visible. Il faut s’intéresser au continuum historique ». Un avis  partagé par Jean-Bernard de Larquier, le président du BNIC, prosélyte du temps long du Cognac et de l’interdépendance entre toutes les activités, viticulture, négoce, transport fluvial… «Nous ne sommes que les maillons d’une même chaîne. Par exemple  Cognac n’existerait pas sans le savoir-faire des pépiniéristes au moment du Phylloxera ». Quant à Michel Adam, universitaire (et plein d’autres casquettes ), il est revenu sur ce qu’il appelle « l’effet retard du Cognac ». « Regardez cette Part des anges, cette idée de perdre pour gagner…. ». « Le savoir faire, c’est vivant ! » s’est exclamé Michel Gourinchas, président du Grand Cognac.

 

Donner du sens

 

Présent à la table ronde, Olivier Amblard est le nouveau directeur de Charentes Tourisme (Charentes avec un s), fusion des deux comités départementaux du tourisme. Il a beaucoup insisté sur l’intérêt de capitaliser « sur quelque chose qui donne du sens. » A ce titre, la candidature à l’Unesco lui semble exemplaire. « Elle donne un objectif, permet de ne pas oublier où l’on va. Au moins, nous connaissons le point d’arrivée. A partir de là, on peut bâtir une stratégie partagée. Le label est certes intéressant mais pas suffisant. A la limite, il est secondaire par rapport au sens qu’il donne. » Même avis de J.B de Larquier – « le label n’est pas une fin, c’est un catalyseur ».

Anne Frangeul anime un cabinet de conseil en communication, Allure Atlantique. Elle tient aussi un blog sur le Cognac – livingcognac.com. En bonne « communicante », elle est partie d’une histoire pour plébisciter cette démarche « porteuse de sens ». « En 1992, la ville de Lille décide de se porter candidate aux JO de 2004. Elle n’est pas retenue mais décroche, la même année, le titre de capitale européenne de la culture. A travers ces candidatures, la ville a retrouvé sa fierté. Le cheminement est aussi important que le but à atteindre. »

En termes de calendrier, la fiche d’inventaire pourrait être déposée, au mieux, en fin d’année 2017. « Et s’il faut un an de plus pour monter un très bon dossier, nous prendrons un an de plus » a admis Jérôme Sourisseau. A ce délai, s’en ajoute un autre, incompressible. Pour des problèmes d’engorgement, la France ne peut déposer de dossier à l’Unesco que tous les deux ans. A supposer que le dossier Cognac soit accepté dans les meilleurs délais par le Ministère de la culture, s’en suivra toute une procédure Unesco, longue et complexe. Au mieux, la candidature Cognac ne pourrait aboutir que dans huit, dix ou douze ans. « Une aventure loin d’être gagnée » a glissé, un peu rabat-joie, Michel Adam. Plus optimiste, J. Sourrisseau y croit. « Entre-temps, nous aurons beaucoup de travail à faire, y compris de lobbying ».

 

Si la candidature de Cognac est retenue, le Cognac sera le premier spiritueux à se classer dans la catégorie du patrimoine immatériel de l’Unesco. « Nous avons l’ambition de positionner notre candidature dans le haut de gamme, pour en faire quelque chose d’exceptionnel. A l’image d’un XO » a commenté le président de l’Association.


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