Pas question de changer la donne réglementaire tant que la restructuration ne sera pas faite ! Pour atteindre à la rentabilité des ha Cognac, Jean-Louis Brillet et les membres de son syndicat estiment qu’il y a encore 4 000 ha en trop sous le régime de la double fin et 9 000 ha sous un régime d’affectation parcellaire. Avant toute modification de système, ils réclament donc un nouveau plan d’adaptation, plus incitatif et plus clair sur les moyens « de faire gagner ceux qui bougent ».
Pour estimer le nombre d’ha « baladeurs » qu’il faudrait faire disparaître avant toute modification éventuelle, le syndicat s’appuie sur le Projet d’avenir viticole, document actualisé tous les ans par le BN. Le postulat de base de l’étude consiste à partir du point d’équilibre économique d’un ha Cognac (recettes couvrant les dépenses). Le Projet d’avenir viticole arrive ainsi à un chiffre de 8 hl AP/ha en système double fin et à 9 hl AP/ha en système d’affectation, la différence d’1 hl AP s’expliquant par le fait « qu’il n’y a plus rien au-dessus du Cognac ». Sur ces bases, l’étude en tire la superficie qui conviendrait d’être dédiée au Cognac – 57 000 ha dans un système double fin, 52 900 ha dans un système d’affectation – et, in fine, les superficies à restructurer – 4 000 ha ou 9 000 ha – une fois déduites les surfaces vouées aux autres débouchés. Dans la salle, un viticulteur a pourtant exprimé sa perplexité : « Ce chiffre de 9 000 ha de restructuration est un peu ambigu car aujourd’hui tous les ha n’ont pas vocation à aller au Cognac. » Réponse de Jean-Louis Brillet : « Chaque viticulteur doit avoir le choix de ses débouchés. On ne peut obliger personne à vendre aux jus de raisin ou aux vins de base mousseux. N’importe qui est libre d’arracher une partie de sa surface pour ne produire que du Cognac. » Prenant son exemple personnel, il a signalé avoir restructuré 17 % de son vignoble. « J’estime qu’il serait normal que je profite d’ores et déjà des 9 hl AP/ha, or personne ne semble prêt à me les accorder. » Dans le cas où un régime d’affectation parcellaire déboulerait sans un ajustement préalable des surfaces, il estime « que ce sont 10 000 ha qui nous reviendraient dans la figure, avec comme traduction immédiate un rendement ha de 5 hl AP. Car, dit-il, pas question de dépasser les besoins du marché. Il y aurait donc une répartition du volume global avec, comme conséquence, une diminution pour tout le monde de la partie Cognac. On partagerait la misère. Dans ce cadre-là, les monoculteurs vignes seraient plus pénalisés que les autres. » Et le président du SVBC d’enfoncer le clou : « Nous ne sommes pas contre un système d’affectation mais nous y mettons une condition sine qua non, celle d’obtenir 9 hl AP/ha. » Pour ce faire, il ne voit qu’une seule solution : poursuivre la restructuration.
Le chiffre de 3 000 ha sans débouché cité dans le rapport Zonta inspire à Jean-Louis Brillet le terme de « rapport politique », dans le sens noble du terme certes mais tout de même. « A travers ce rapport dit-il, on a cherché le compromis entre toutes les parties, les départements, les zones en périphérie. Nous, avec le Plan d’adaptation viticole réactualisé tous les ans, nous défendons une vision fondée sur l’économie. » L’idée du syndicat est de prolonger le Plan d’adaptation viticole lancé en 1998 ou en susciter un nouveau « pour arriver à rééquilibrer la région ». « Vis-à-vis de Bruxelles, notre demande de changement de régime ne s’en trouvera que facilitée et vis-à-vis des autres régions aussi. Un projet d’affectation peut-il être validé tant qu’il existe une telle surcapacité à produire ? » interroge le président du syndicat. Prenant à témoin Bernard Guionnet (voir ci-contre), il conteste le côté inéluctable de la suppression de la double fin ou en tout cas son caractère immédiat. « Cette suppression est sans doute souhaitable, envisagée, mais nous n’avons pas trouvé de traces écrites de sa disparition programmée. » De cet argument, il tire la conclusion que « Bruxelles nous donne peu de temps. Alors, tant qu’il est possible, servons-nous de la double fin pour mettre en œuvre la restructuration ». Jean-Louis Brillet a lancé un appel appuyé à Bernard Guionnet, chef de la famille de la viticulture, pour qu’il l’aide à mettre sur pied un nouveau Plan d’adaptation. Pour donner de la consistance à ce Plan, le SVBC évoque deux grandes pistes : des primes initiatives et la définition de « règles du jeu claires » pour celui qui reconvertirait, « ce qu’elles n’ont jamais été ». Concrètement, cela signifie l’obtention d’un quota d’exploitation qui permettrait au viticulteur de gérer son quota Cognac comme il l’entend, c’est-à-dire sur la surface qu’il veut. Manifestement, Jean-Louis Brillet considère cette idée de quota d’exploitation de loin la plus porteuse et de nature à délier les choses. « Il faut faire gagner ceux qui rendent la bonne copie. Ils doivent y trouver un véritable intérêt économique. Si nous y parvenons, d’autres suivront. » Olivier Louvet indique que depuis le début du Plan en 1998, il s’est déjà restructuré 6 000 ha. « Nous avons fait la moitié du chemin. Sur un potentiel de 76 000 ha, la reconversion de 9 000 ha représenterait chez chacun un effort de 1,5 ha. Ce n’est pas énorme. » Echo favorable dans la salle. « La restructuration constitue une bonne piste. Pour moi c’est la seule » a applaudi un propriétaire foncier qui s’est demandé pourquoi la situation viticole m… depuis vingt ans. « Nos négociants gagnent beaucoup d’argent et la viticulture ne gagne rien. Faisons le travail une fois pour toutes sinon nous allons en crever ! »