Aérer, décompacter et respecter les sols : des principes agronomiques essentiels

21 août 2019

Une initiative de stimulation du potentiel agronomique imaginée par un «passionné de vignes»

 

            Les viticulteurs portent beaucoup d’attention au développement végétatif de leurs parcelles qu’ils entretiennent actuellement généreusement avec l’apport de fumures conséquentes et régulières. Ces démarches sont importantes vis des enjeux de productivité mais ce potentiel « alimentaire » est-il accessible et assimilable par les plantes ? Il ne suffit pas de « remplir régulièrement le garde-manger » pour que les racines viennent y puiser ce que les souches réclament. Les sols ne sont pas des supports alimentaires mais un lieu de vie très complexe abritant une diversité d’organismes vivants. C’est un univers à part entière qu’il convient de respecter et de valoriser pour bien nourrir les cultures. Un sol viticole « qui vit bien » facilite forcément le développement de la vigne. Cette réflexion pleine de bon sens est un des fondements de la culture d’Arnaud Borol, un viticulteur de Saint-Fort sur Gironde. Il a mis en place dans sa propriété une  réflexion  agronomique globale pour « faire bien vivre » les sols.

Arnaud Borol fait partie de ces viticulteurs qui ont un sens avisé du respect et de la valorisation du potentiel agronomique des sols viticoles. Prendre le temps d’essayer de relier le développement végétatif des plantes à la nature et à l’équilibre agronomique des sols représente pour ce volet un aspect essentiel de son métier. Sa réflexion repose des observations quasi-permanentes des cultures et des sols pour essayer de mieux appréhender leur fonctionnement et répondre aux exigences de productivité. L’exploitation est située à Saint-Fort sur Gironde sur des terres de Champagnes calcaires assez profondes et disposant de bonnes réserves hydriques.

 

Un challenge permanent : l’amélioration de la vie et de l’aération des sols

 

            Le bagage presque culturel d’A Borol en matière d’agronomie lui a été en partie transmis par son père Francis Borol qui a été, il y a plus de 40 ans, un pionnier de l’enherbement naturel des vignes et des méthodes de cultures simplifiées pour les céréales. Le jeune viticulteur avant de reprendre l’exploitation familiale s’est beaucoup intéressé à tous ces sujets et a fait le choix de se former en multipliant les expériences de gestion agronomiques des sols en France et à l’étranger. A Borol vit son métier de viticulteur -agriculteur en ayant une philosophie de conduite agronomique globale ce qui l’amène à faire évoluer régulièrement les méthodes de production. Dans ses vignes, il a développé une approche novatrice fondée à la fois sur la limitation des zones de compactages et l’amélioration de l’aération et de la vie du sol sans remettre en cause l’itinéraire cultural historique.

 

Un sol qui vit bien facilite le développement des cultures

 

             La valorisation de la terre est l’âme de son métier et il y prête une grande attention: « Les sols sont bien plus que le support de notre activité. Nous devons y porter une attention soutenue et permanente ! Prendre le temps, d’observer leur comportement en surface et en profondeur, de s’intéresser à la nature de la flore qu’ils portent, d’apprécier l’intensité de la vie biologique, d’être attentif aux problématiques d’aération, de tassement (en surface et en profondeur) me paraît essentiel. Un sol qui vit bien facilite forcément le développement des cultures sans qu’il soit nécessaire d’apporter des fumures et des couvertures phytosanitaires très importantes. Tout part de là et la mise en valeur du potentiel de nos terres représente aussi un acte économique majeur pour la pérennité de notre propriété ». Le modèle de production de cette propriété d’une cinquantaine d’hectares de vignes et d’une centaine d’hectares de céréales s’est construit depuis 30 ans avec à la fois de la constance et de la progressivité.

 

Les points clés de l’approche agronomique des vignes d’Arnaud Borol :

 

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    • Un vignoble de vignes larges et hautes palissées implanté sur des terres de champagne calcaires, fertiles et souvent profondes

    • Un itinéraire cultural pensé pour atteindre des niveaux de productivité élevées

    • Des niveaux de rendements généralement élevés

    • Une situation de forte sensibilité à la chlorose

    • Des sols ayant naturellement de bonnes réserves hydriques

    • L’enherbement naturel permanent de tous les inter-rangs implanté depuis 40 ans

                  Un vécu objectif des avantages et des limites de cette méthode d’entretien des   sols

                  – Une capacité des  vignes à supporter l’enherbement en présence de porte-greffes adaptés é

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    • Un nombre de passage de broyage de l’herbe limité ( de 3 à 5 passages /an) intéressant  sur le plan de la charge

       

       

      Des enseignements positifs et des interrogations vis à vis de l’enherbement permanent:

       

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      • – Pas d’effet dépressif sur la productivité

      • Une capacité des vignes à s’adapter au contexte de concurrence

      • – Des racines qui s’installent dans les horizons de terre plus profonds

      • – Une diminution du risque de chlorose

      • – Un accroissement des taux de matière organique

      • – L’adaptation du choix des porte-greffes dans les les nouvelles plantations

      • – Une nette amélioration de la portance des sols

      • Une  flore dominée par des ray-grass de plus en plus puissants

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      • Des zones de compactage marquées au niveau des bandes de roulement

      • – Une aération des sols en profondeur insuffisante

         

        Une forte antériorité au niveau des céréales

         

                    Au niveau des grandes cultures, la charrue n’est plus l’outil de base des interventions culturales. Les pratiques culturales dites simplifiées et les semis de couverts végétaux sont mis en pratique depuis longtemps et donnent de bons résultats. Dans ce type de terres naturellement assez sensibles au tassement, parfois à la compactions, ayant des teneurs en argile suffisante et de bonnes réserves hydriques la création de bonnes structure du sol en surface et en profondeur et la stimulation de la vie du sol sont essentielles. Cette réflexion est l’aboutissement du vécu d’A Borol et de son père : « Un sol respecté vit forcément et est en mesure de bien alimenter et de stimuler le développement des plantes. Le fait de minimiser les passages d’outils et d’intervenir à des moments opportun pour reprendre les sols (en terme ressuyage) constituent des règles de bases à toutes les périodes de l’année. Il faut adapter le cycle de nos interventions en tenant climatologie  et ce n’est pas toujours simple. Nous essayons de conduite l’itinéraire des céréales de l’année en tenant compte des pratiques de l’année précédente et de celles que l’on envisage de mettre en œuvre durant l’année suivante ».

         

        Dans les vignes, une réflexion pérenne et progressive

         

                    L’approche agronomique mise en œuvre dans ce vignoble est l’aboutissement d’une réflexion pérenne et globale privilégiant la recherche d’un équilibre végétatif qui soit propice à rendre les parcelles plus fortes. Ce ne sont pas des baisses de rendements qui ont amené  ce viticulteur à s’intéresser au fonctionnement des sols. En effet, les niveaux de rendement de cette propriété se situent généralement dans la fourchette haute des niveaux de production régionaux sauf les années d’aléas climatiques. En 2018, A Borol a pu mettre en stock des volumes de réserve climatique. Le vignoble de cette propriété est implanté sur des terres de champagnes profondes qui possèdent de bonnes réserves hydriques. Les vignes larges, hautes et palissées extériorisent une bonne vigueur en présence d’un enherbement toutes les interlignes. Cette pratique d’entretien des sols introduite depuis 40 ans n’a jamais perturbé le régime hydrique même lors des derniers étés secs. L’apport d’azote minéral se limite à une vingtaine d’unité par an car le niveau de minéralisation est élevé. En hiver la présence de sarments suffisamment denses et bien aoûtés atteste du bon équilibre végétatif des vignes.

         

        Faire mieux travailler le sol pour avoir des souches mieux «armées»

         

         On peut donc se demander pourquoi A Borol a souhaité remettre en cause un itinéraire cultural performant. En fait, même si la productivité des vignes était bonne, le viticulteur a commencé à percevoir depuis cinq à six ans les limites de son modèle de production. Son souhait permanent de faire « mieux travailler le sol »  et  différents éléments ont commencé à l’inquiéter : « L’équilibre de notre modèle de production était de conférer aux souches un état physiologique qui leur permettent d’être naturellement mieux armées pour supporter diverses situations de stress (hydriques, carences, pathologiques, ….). Or, au fil des années, en parcourant les parcelles, j’avais le sentiment que notre méthode de travail marchait bien mais risquait d’être dans l’avenir moins adaptée aux conséquences de l’évolution climatique et aux nouvelles exigences environnementales. Dans les terres plus lourdes, la présence de zones de compactage de plus en plus marquées suite aux passages répétés de matériel lourd commençait à apparaître. J’ai observé aussi une évolution de la flore de l’enherbement naturel. Progressivement, la densité du ray-grass est montée en puissance et a littéralement étouffé et dominé le reste de la flore. Le trèfle, les graminées annuelles, les pissenlits, les véroniques, …. avaient pratiquement disparu. Dans beaucoup de parcelles, le ray-grass couvrait 95 % du sol et avait un tempérament  de plus en fort au fil des années.  Cette évolution de la flore n’était-elle pas un indicateur d’un fonctionnement plus déséquilibrée de l’activité biologique des sols ?»

         

        L’entretien mécanique, une alternative pas adaptée à la nature des sols

         

                    La solution de facilité pour contrôler la flore de ray-grass dans  aurait pu être de la détruire systématiquement chaque printemps en revenant à des pratiques d’entretien des sols mécaniques systématiques. A Borol a considéré que cette alternative n’était pas cohérente par rapportà l’approche agronomique bénéfique qu’il avait mise en œuvre depuis longtemps. Par ailleurs, le retour à des passages de divers outils mécaniques tout au long de la saison allait générer une charge de travail très importante et surtout ne lui semblait pas adapté à la nature des terres de champagne de la propriété. L’utilisation d’outils mécanique allait engendrer, des blessures profondes au niveau des racines dont les conséquences sont connues et nombreuses ; l’accentuation la sensibilité aux risques de chlorose (et à d’autres carences) et une incidence dépressive à court terme sur la vie biologique.

         

        Les racines ont les capacités à la concurrence de l’enherbement

         

                    La mise en place de l’enherbement dans tous les inter-rangs depuis plusieurs décennies a été l’aboutissement d’une démarche pensée par rapport à la nature des sols et au comportement des vignes. Dans ces terres profondes et potentiellement riches, les vignes extériorisent généralement une forte  vigueur avec tous les problèmes qui en découlent (végétation surabondante, entassement, forte sensibilité au parasitisme). A & F Borol fort de ce vécu, ont testé la pratique de l’enherbement avant de la systématiser ; Comment les parcelles allaient « supporter et s’adapter » à la concurrence d’un couvert végétal présent toute l’année ? L’introduction de l’herbe provoque une concurrence « alimentaire » dans les 10 à 15 cm de la couche de terre arable. Cela oblige le système racinaire à aller chercher plus en profondeur les nutriments et l’eau qui sont moins disponibles en surface. Les racines « plongent » littéralement dans les couches de terres plus profondes. Les parcelles ont dans un premier « mal vécu » cette concurrence inhabituelle puis se sont bien adaptées une fois que leur potentiel racinaire a retrouvé une pleine fonctionnalité en profondeur. L’introduction de l’enherbement naturel permanent a aussi considérablement limité l’extériorisation des symptômes de chlorose au printemps et facilité l’accès aux parcelles pour les travaux mécaniques en périodes humides (meilleure portance).

         

        L’effet porte-greffe très perceptible sur les parcelles enherbées

         

                    A et F Borol ont vécu l’adaptation de leur vigne à cette pratique culturale de concurrence en faisant preuve de beaucoup de sens de l’observation ce qui les a amenés à l’optimiser et à aussi en percevoir les limites. Ils ont notamment observé des différences notables de réaction des parcelles enherbées liée à l’adaptation du porte-greffe à la nature des sols porte-greffes. La présence au sein de la propriété de sols tous calcaires, voire très calcaire dans certains endroits crée un contexte de forte sensibilité à la chlorose ferrique . La juste appréciation de ce risque dans les différents îlots est pilotée en implantant des porte-greffes adaptés à chaque situation. A Borol et son père ont observé qu’en présence de l’enherbement en plein, le risque chlorose avait tendance à diminuer partout. Néanmoins, certains porte-greffes s’en « sortaient » mieux que d’autres. Dans les situations de sensibilité moyenne à forte, « le vieux Rupestris » donne d’excellents en termes d’équilibre végétatif alors que le SO4, le 161-49 étaient plus décevants. Dans les terroirs à hauts risques, le Fercal après une phase d’adaptation à la concurrence arrive à conférer aux vignes un bon équilibre de vigueur. D’ailleurs, tous ce travail d’anticipation a des retombées concrètes puisque dans propriété, aucun apports de chélates au sol est effectué.

         

        Les taux de matière organique élevés, une source d’azote minérale gratuite

         

                    Un des aspects pénalisant de l’enherbement concerne un effet dépressif sur  la vigueur lors des étés secs. Or ce phénomène ne se révèle pas être un problème dans le vignoble l. Le travail d’adaptation du choix des porte-greffes évoqués précédemment (privilégiant le choix de porte-greffes plangeant) explique la rareté des situations de stress hydrique en été. L’effet dépressif sur la vigueur  est constaté durant les premières années d’implantation des couverts végétaux mais  ensuite, il  s’atténue quand le système racinaire a retrouvé une meilleure fonctionnalité en profondeur.  La capacité des souches a aller puiser plus facilement l’eau dans les zones de terre plus profondes explique aussi leur aptitude à résister aux situations de stress hydriques. L’un des apports bénéfiques de l’enherbement est le renforcement progressif et régulier du taux de matière organique des sols. Cela accentue le niveau de minéralisation de l’azote et permet d’assure pratiquement l’auto-alimentation des besoins. Les apports de fumure azotée minérale très faibles (de seulement 20 u/an )  attestent de l’importance des phénomènes de minéralisation et du dynamisme de la vie des sols.

        Photo 4 (472) et 5 (468 ) à mettre l’une à côte de l’autre.

        Légende 4 / Le fissurateur Jammet vue l’arrière dans une allée enherbée de vigne à 3 m

        Légende 5 / L’élément de de fissuration constitué à l’avant d’un double disque ouvreur, d’une dent rigide d’aération et d’une roue de fermeture du sol.

         

        Un choix : faire évoluer le pilotage de l’enherbement

         

          A Borol a essayé d’avoir une analyse objective sur sa pratique de l’enherbement permanent et en est arrivé à la conclusion suivante : « la remise en cause de tous les éléments positifs de l’enherbement, l’apparition des effets du compactage (des bandes de roulement du matériel) et l’insuffisance de l’aération des sols en profondeur (et stimuler la vie biologique) étaient des réalités qu’il ne pouvait pas nier. La solution ne serait-elle pas de faire évoluer la conduite et le pilotage de l’enherbement plutôt que de l’arrêter ». Un vécu de problématiques de sols assez au niveau des céréales l’a aidé à construire une alternative agronomique dans les vignes. Après les récoltes de céréales d’automnes (tournesol et mais), l’état de la structure des sols s’avérait dégradé et la réalisation des labours n’améliorait pas les choses. C’est grâce à l’introduction des méthodes de culturales simplifiées (sans labour) et des couverts végétaux en inter-culture que les sols et les céréales ont retrouvé un meilleur équilibre.

         

        La compaction des sols : Des conséquences sous-estimées

         

                    La compaction des sols représente sur le plan agronomique une préoccupation importante qui a des conséquences sur le développement et la productivité des cultures. Elle affecte à la fois le développement et le fonctionnement des racines des plantes et aussi la qualité des sols. Des effets de compaction forts affectent durablement le potentiel agronomique et la fertilité des sols. Un sol bien structuré se compose de 25 % d’air, de 25 % d’eau,  de  45 % de matière minérale et de 5 % de matière organique.

         

        Une incidence forte sur le développement et le fonctionnement des racines

         

                     Les effets de tassement liés à des passages fréquents d’outils lourds (souvent en conditions humides), engendre un effet de compaction dont l’importance n’est pas toujours perceptible visuellement. Il se matérialise par  une perte de porosité, une diminution de capillarité entre les différents horizons et un accroissement de la densité des sols. De telles situations perturbent à la fois la vie biologique des sols et le développement racinaire des plantes. Dans des sols compactés, l’activité des indispensables vers de terres est toujours pénalisée. Les phénomènes de compaction sont lourds de conséquences  dans les cultures annuelles (à cycle court, à pivot, le maïs, le colza, les tournesol, les légumineuses , …. )  et aussi pour les plantes pérennes. Les arbres fruitiers et les vignes développent un tissu de racines principales installées en profondeur pour durer sur lequel chaque année, un réseau de racines capillaires est présent. La fonction de ces «racines jeunes» est de capter les éléments fertilisant et l’eau. Au moment de la plantation des parcelles,  les jeunes souches au cours des 3 à 5 premières années développent  leur réseau de racines principales pour tout leur cycle de vie.

         

        La compaction de surface pénalisante mais plus facile à maîtriser

         

                    Les phénomènes de compaction sont de deux ordres, la compaction de surface (à moins de 20 cm) et la compaction en profondeur ( au délà 20 cm). En général, les effets de compaction de surface sont causés par des pressions excessives de surfaces. Ils se produisent souvent lors de passage d’outils (pas forcément lourds) en conditions humides. Leurs conséquences peuvent-être dommageables sur les cultures annuelles mais il est assez facile d’y remédier en ayant des approches de reprise des terres  rationnelles. La solution pour limiter la compaction de surface est d’augmenter la surface de contact au sol des tracteurs, des automoteurs et  des matériels tractés. L’utilisation de pneumatiques à basse pression mais leur adhérence est moindre.

         

        La compaction en profondeur a des conséquences qui s’accentuent avec le temps

         

                    Les effets de compaction en profondeur sont causés par des charges au niveau de chaque essieu trop élevées. Des études réalisées en grandes cultures ont permis d’identifier que ces phénomènes se produisent au-delà une charge de 10 t/essieu. Leurs conséquences moins immédiates les rendent plus difficiles à percevoir mais elles s’avèrent très pénalisantes dans la durée pour le fonctionnement du sol et des racines. Les passages des bennes de grandes capacités, des automoteurs de pulvérisation et des matériels de récolte engendrent des bandes de roulement propices à ces phénomènes.  La solution est d’essayer de limiter au maximum le trafic du matériel lourd en optimisant l’organisation des interventions mécaniques quand c’est possible.

                                                      

        Le vécu convainquant du Traffic Controlé sur les céréales

         

                    Les conséquences du tassement des sols au niveau des bandes de roulement des passages d’outils dans les parcelles de céréales sont devenues un sujet de préoccupation pour A Borol depuis plusieurs années. Ses recherches d’informations sur ce sujet l’ont amené à s’intéresser à la technique du Trafic Contrôlé (ou CTF Controlled Traffic Farming) une approche de pilotage des moyens mécaniques novatrice développée à l’origine en Australie. La pratique s’est développée en France à partir des années 2010, sous l’impulsion de plusieurs entrepreneurs de travaux agricoles. Son intérêt est de concentrer au maximum l’ensemble des interventions mécaniques sur les mêmes bandes de roulement pour que le reste de la  surface du sol ne soit pas exposé à des phénomènes de compactage. Très concrètement, les semis, les traitements, les désherbages des céréales sont effectués en passant toujours dans les bandes de roulement qui ont servi au semis. Au moment des récoltes, la moissonneuse peut aussi rouler sur ces mêmes zones. L’utilisation des systèmes de guidage facilite les passages des équipements les plus lourds toujours dans les mêmes zones. À Borol s’est équipé pour les céréales d’une barre de guidage Trimble qu’il utilise pour les semis, les traitements, les désherbages, les apports de fumure et les passages de la moissonneuse batteuse. Après quelques années de pratique du CTC, il a pu mesuré le bienfait au niveau de l’amélioration de la structure des sols, de la qualité des levées et de la résistance des cultures aux différents stress climatiques .

         

         

        Le Traffic Contrôlé, une méthode agronomique pour limiter la compaction des sols

                   

                    La technique du Traffic Contrôlé ( CTF)  a été développée en Australie dans les années 90. C’est une méthode agronomique de gestion ds travaux mécaniques pensée pour limiter les effets de compaction des sols. Elle  permet de réduire la surface roulée à 20 à 30 % contre 60 à 80 % dans des itinéraires culturaux classiques.

         

        Utiliser les mêmes bandes de roulement tout au long de l’année

                    La circulation des équipements est concentrée  au maximum toujours sur les mêmes bandes de roulement. C’est une évolution importante car jusqu’à présent, les voies des différentes machines et leur largeur de travail obligeaient souvent à rouler sur toute la surface des parcelles durant l’année. Le principe du CTF en présence de charges lourdes est à l’inverse d’essayer de toujours faire circuler le matérièl aux mêmes endroits plutôt que de décaler les passages.  La compaction est en quelque sorte localisée et limitée aux  mêmes surfaces et est de fait beaucoup plus réduite sur l’ensemble du parcellaire. 75 % des phénomènes de compaction se produisent au moment du premier passage d’outil. Cette démarche qui s’inscrit dans le prolongement des TCS ( Techniques Culturales Simplifiées) commence à se développer dans les zones céréalières Françaises grâce aux avancées de l’agriculture de précision.

         

        Une réduction importante du tassement et des surfaces compactées

         

                    Leur mise en œuvre est facilitée par l’utilisation des systèmes de guidage et de cartographie des parcelles. L’introduction de ces technologies sur les tracteurs permet aux exploitants de repérer les différents passages, de les mémoriser et ensuite de reprendre toujours les mêmes bandes de roulement. Ainsi, la gestion des travaux mécaniques en ayant une approche de Traffic Contrôlé peut être gérée avec facilité. La constance des passages entre chaque intervention est assurée. Un trafic contrôlé des passages mécaniques sur les mêmes bandes de roulement limite fortement les phénomènes de tassement des sols et l’importance de surfaces compactées. Des Études réalisées en Australie et en Suisse  le CTF confirment les aspects bénéfiques sur la structure des sols et pour le développement des cultures. Le lessivage des éléments nutritifs et les pertes hydriques des sols sont moindres. L’amélioration de la porosité des sols favorise les infiltrations de l’eau, l’aération et l’ameublissement des couches superficielles. L’ensemble de ces éléments contribue à la nette amélioration de la structure de la terre qui est favorable au développement racinaire des plantes en surface et aussi à la pénétration des racines en profondeur.  

         

        Aérer le sol, régénérer l’enherbement  sans déstabiliser le système racinaire

         

                    Dans les vignes, les conséquences du tassement des sols ont  amené A Borol à s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour  aérer en profondeur les zones tassées en profondeur et à la  surface des interlignes enherbées. Son idée a été en quelques sorte de favoriser la régénération de l’enherbement en réalisant un décompaction en profondeur localisée à proximité des bandes de roulement : « Au fil des années, les passages mécaniques de tracteurs et de la machine à vendanger s’effectuent toujours au même endroit et cela a eu tendance à créer des zones de tassement de plus en plus importantes en surfaces. Malgré la présence de l’herbe, les sols me paraissaient être plus compacts au début de chaque printemps. J’avais l’impression qu’ils « respiraient mal» et manquaient d’aération. Ce phénomène s’est aussi accompagné d’une transformation de la flore avec une du ray-grass très forte. Ce dernier élément m’a convaincu qu’il était nécessaire à la fois de régénérer l’enherbement naturel et d’aérer en profondeur le sol à côté des bandes de roulement pour stimuler la vie du sol  sans déstabiliser le système racinaire des vignes ».

         

        Fissurer en profondeur le sol sans le bouleverser en surface

         

                    Le passage d’un décompacteur classique à 6 dents rigides constituait sur le principe un moyen d’aérer en profondeur mais cela allait entraîner un bouleversement du tissu racinaire et une destruction importante de l’enherbement naturel. Un tel équipement ne représentait pour A Borol qu’une réponse partielle à ses attentes. Après avoir sollicité beaucoup de fournisseurs de matériel de travail du sol viticole, il a donc décidé de réfléchir à la conception d’un équipement idéal : « Mon souhait était de fissurer le sol à 20 à 30 cm de profondeur sans casser trop de racines, en destructrant superficiellement une partie de l’herbe  et en limitant aussi maximum les projections de terre en surface. De par mon expérience du semis direct dans les céréales, un seul outil n’était pas en mesure de réaliser ces trois opérations en un seul passage. J’ai imaginé le principe d’un équipement qui ouvrait le sol, le fissurait en profondeur et ensuite refermait en surface la zone travaillée. Les responsables de la société Jammet (1) ont été réceptifs à mon projet et ont décidé de fabriquer le matériel que j’utilise actuellement depuis quatre ans ».

         

        Un module de 3 outils combinés et assemblés sur le même appareil : un fissurateur

         

                    La société Jammet (1) a développé un équipement novateur dont la fonction est de fissurer le sol en profondeur sans le déstructurer en surface. Toute l’innovation de cet appareil repose sur la conception d’un module de 3 outils combinés constitué d’un double disque ouvreur (monté sur ressort), suivi d’une dent rigide de faible épaisseur et d’une roue fermant le sol. Le premier élément découpe les végétaux et prépare l’ouverture du sol en surface ou s’insère la dent rigide. C’est en quelque sorte l’étape de préparation superficielle de la phase d’aération. Le second élément, la dent rigide fine avec un petit soc à son extrémité fissure le sol en profondeur (entre en 25 et 35 cm maximum) et limite l’éclatement de la terre en surface. Cela permet la phase d’aération en profondeur en sectionnant le moins possible de racines. Le troisième élément, une roue de gros diamètre vient fermer la fente après la fissuration et écrase les projections de terre en surface. Cette roue reliée à l’arrière un trois point mécanique sert à régler la profondeur de travail. Dans les vignes à 2,50 et 3 m d’écartement, quatre trains d’outils sont utilisés et deux seulement dans les vignes à 2 m. Le fissurateur Jammet est un équipement lourd dont la traction nécessite une puissance de 80 CV.

         

        Une intervention de fissuration à chaque printemps est pratiquée depuis 3 ans

         

                    Les premiers essais ont commencé en 2015 et après plusieurs modifications, le matériel a été opérationnel l’année suivante. Après trois années de recul, A Borol, commence à percevoir le bien-fondé de sa démarche agronomique d’aération des sols associée à une régénération de l’enherbement. Le fissurateur Jammet est utilisé une seule fois par an et toujours au printemps dans la période du 15 mars au 15 mai. Un broyage de la végétation intervient avant le passage de l’appareil. Aussitôt l’intervention, l’état de surface de l’herbe est un peu déstructuré par le travail du double disque sur ressort. L’ameublissement en surface de la terre détruit le ray-grass et favorise la levée de nouvelles herbes moins colonisantes. Les fissures occasionnées par le passage des dents bien visibles au départ disparaissent au bout de 5 à 6 semaines. L’état de surface du sol permet le passage des broyeurs car les remontées de terres sont en général bien écrasées. Dans les parcelles trop infestées par le ray-grass et fissurées en conditions humides, cette intervention peut être complétée par un léger passage de herse rotative pour seulement niveler le sol et accentuer la destruction de la végétation. Cela reste une situation rare et que le viticulteur qualifie de recours exceptionnel suite à des conditions difficiles.

         

        Les points clés de la pratique de fissuration des sols :

         

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    • Une pratique culturale développée par Arnaud Borol et testée dans sa propriété

    • Une méthode assurant l’aération en profondeur des sols, la régénération de l’enherbement naturel et la stimulation de la vie biologique.

    • Une approche de travail du sol localisée à côté des zones de tassement et limitée pour éviter au maximum la destruction des racines

    • La conception d’un matériel spécifique à partir d’un module spécifique associant trois outils, un double disque de travail superficiel, une dent rigide pour aérer en profondeur et une roue large pour aplanir la terre en surface.

    • Le fissurateur fabriqué par la Sct Jammet (1) est adapté à des vignes de 2 m (avec 2 modules) et à 3 m (avec 4 modules)

    • L’intervention doit se dérouler au printemps en présence de sols bien ressuyés pour être pleinement efficace

    • Après 3 années de recul, une amélioration de l’aération du sol en profondeur, une surface moins tassée dans les inter-rangs et une flore d’herbes plus diversifiées

       

      Les résultats convaincants de la fissuration en présence de sols ressuyés 

       

       La réussite des interventions de fissuration est très dépendante des conditions climatologie au moment de leur réalisation. L’expérience acquise par A Borol depuis trois ans lui a permis de bien quelles étaient les conditions les plus appropriées pour effectuer le travail et surtout en tirer  le meilleur profit : « Le fait d’intervenir sur des sols ressuyés permet de rendre  l’opération de fissuration pleinement efficace. En présence de conditions trop humides, la fissuration en profondeur devient trop intense et peut sectionner plus de grosses racines. La dégradation de l’enherbement en surface est également trop intense et le matériel fonctionne également moins bien. En présence d’un sol plus sec, l’appareil donne pleine satisfaction, les sols sont bien fissurés sans être lissés. La végétation en surface dans le passage  les disques est bien déstructurée ce qui crée des conditions favorable au développement de nouvelles herbes. On voit repousser des pissenlits, des trèfles, des paturins, …. . Dans les mois qui suivent l’intervention, les sols donnent l’impression d’avoir retrouvé une meilleure aération et leur état de surface paraît moins compact. Je pense réellement que la vie biologique est  stimulée. L’aspect végétatif des parcelles n’a jamais extériorisé d’effets dépressifs suite à la fissuration. La réalisation du travail avec le matériel de la société Jammet se déroule facilement et  mobilise beaucoup moins de temps qu’un passage de herse rotative. L’appareil s’avère fiable et s’adapte facilement aux différences de nature des sols mais demande une certaine puissance de traction dans les vignes larges».

                                                                                                    

      (1) :SASJAMMET 5 chemin du souchon
      45390 ECHILLEUSES
      Tel: 02.38.33.60.04
      Fax: 02.38.33.59.74
      Email :
      ets-jammet@wanadoo.fr

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