Une longue histoire

24 juin 2009

L’appellation Cognac n’est pas née en 1936 ni même en 1909. Son histoire remonte loin, très loin dans le temps.

 

distillerie_opt.jpegUn auteur du 16e siècle, passant par les provinces d’Aunis, de Saintonge et d’Angoumois, décrit la région comme un pays de « promission ». « Je n’y vois, dit-il, que bons fruits, grosses poires, auberges, muscats, pommes, poires, pêches, melons, les plus surins que j’aye jamais mangé. Je vais ajouter safran et truffes. Avec cela bonne chair, bon pain, bonnes eaux le possible et, qui est la seconde âme, bons vins, tant blancs que clairets, grosses carpes, brochets et truites en abondance »… Pour les spécialistes, la distillation, fait son entrée « en grand » vers 1630. En ce début du 17e siècle, elle est enfant de la misère. Les guerres de Religion ont mis à sac les campagnes. Chargés de droits excessifs, les vins ne se vendent plus aux contrées du nord de l’Europe comme c’était le cas dans les années 1550-1580. En à peine 60 ans, les propriétaires apprennent à « brûler » leurs vins, d’abord pour répondre à la demande des matelots hollandais, peu exigeants sur la qualité. « Puis, raconte Pauline Reverchon, historienne du Cognac, au cours du 18e siècle, apparut une élite de consommateurs – anglais essentiellement – capables d’apprécier la finesse des eaux-de-vie de qualité. Seul le Cognac, contrairement à tous les autres alcools, n’avait pas besoin d’être parfumé, soit pour dissiper de mauvaises saveurs, soit, après l’invention de l’appareil à rectifier en 1800, pour donner meilleur goût. » « Les viticulteurs, poursuit l’historienne, avaient observé que l’eau-de -vie ne perdait pas de qualité à être conservée un certain temps, suite à la mévente liée aux crises économiques. Mieux, elle s’améliorait avec les années, acquérant une saveur moelleuse, un bouquet plus raffiné, une belle teinte dorée. » Les eaux-de-vie de Cognac constituèrent dès 1730 un objet de spéculation. Elles acquièrent le caractère de produit limité. A la fin du 18e siècle, la valeur commerciale de l’appellation Cognac fut définitivement établie et commença à faire l’objet de tentatives d’usurpation. Tous les bons auteurs retiennent cette curieuse déclaration signée le 14 mai 1791 par les principales maisons de Cognac. Les signataires s’engagent d’une façon solennelle « à n’acheter ni employer d’autres eaux-de-vie que celles qui seront prouvées être des crus des provinces de Saintonge et d’Angoumois ». C’est que, disent-ils en substance, « la réputation dont jouissent les eaux-de-vie de Cognac est liée non seulement à leur qualité supérieure mais à la confiance fondée sur l’opinion qu’il n’y entre point de mélange d’eaux-de-vie étrangères ». Comment mieux exprimer le concept d’appellation d’origine. A la même époque, au Portugal, la compagnie Pompalienne de l’Alto Douro pratique de même pour son Porto. Les négociants font preuve de solidarité afin de se défendre contre la fraude et la concurrence déloyale. Pourtant la notion d’appellation d’origine ne date pas de cette époque. Le juriste Jean-Michel Aubouin l’a fait remonter au Moyen Age. « Lorsque le commerce était soigneusement réglementé par les corporations, la protection des appellations d’origine ne faisait pas de difficulté. La marque spéciale de la confrérie, de la maîtrise, de la jurade, ajoutée à la raison sociale du négociant, indiquait l’origine. C’est ainsi que dans chaque région viticole réputée, les négociants devaient expédier leurs produits dans des barriques, revêtues d’un poinçon spécial, afin d’éviter la confusion avec d’autres régions. » Mais le régime des corporations qui, par ailleurs, paralysait le commerce par sa rigidité, fut démantelé d’abord en 1776 puis, plus sûrement par la loi Le Chapelier du 17 mars1791, sous la Révolution. Le premier texte réprimant la tromperie du consommateur remonterait à 1810. Cependant les tribunaux mettront longtemps à se faire « une religion » et fixer leur jurisprudence. Un arrêt de la Cour de cassation du 2 juillet 1888 confirme un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 11 août 1886 d’après lequel « le mot Cognac désigne l’eau-de-vie d’une grande région commerciale pouvant être utilisé jusqu’à Bordeaux. ». Si au cours du 19e siècle, la défense des marques avait fait de grands progrès, le nom « Cognac » était mal protégé. La notion d’appellation d’origine restait confuse dans l’esprit des juges. Le salut viendra de l’extérieur, et notamment de cet « Arrangement de Madrid » qui, le 14 avril 1891, se donne pour objet « la répression des fausses indications de provenance ». Mieux ! Dans son article 4, il dispose « que les appellations d’origine des produits vinicoles ne pourront être considérées dans les pays contractants comme ayant un sens générique ». Ainsi le terme « Cognac » n’est pas synonyme d’eau-de-vie de vin ni même d’eau-de-vie de qualité particulière « mais bien comme la dénomination réservée aux eaux-de-vie d’une origine déterminée ». Une fois posé ce principe, les lois nationales allaient faire le reste.

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