De d x ans en d x ans

22 mars 2009

Qui parle le mieux du « Paysan » que « Le Paysan » lui-même. Pour commémorer ce quatre-vingtième anniversaire – les cent ans en 2025 ! – nous avons choisi de partir du journal him-self et des articles parus de dix ans en dix ans, à partir de sa création, en 1925. Cette exhumation nous a valu de savoureux moments de lecture, des renoncements à la chaîne, des remords en veux-tu en voilà, des tergiversations à n’en plus finir. Par les commentaires à la marge, nous avons tenté d’être raccord à l’actualité, parce que l’autocélébration et la nostalgie « ce n’est pas pour nous ». Blaise Pascal n’a-t-il pas dit : « Le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. »

 

1925 : la naissance du journal

Le fondateur de la revue s’appelle Pierre Lucquiaud. C’est un humaniste social, qui a fait ses études au petit séminaire de Richemont. Adepte des classiques et du romantisme allemand – il avait un titre de docteur en philologie de l’université de Cologne – il avait aussi séjourné aux Etat-Unis, où il avait reçu le diplôme de docteur en philosophie de l’université de Washington, dans le cadre d’une « Oriental University ». Pétri de valeurs sociales, il a le sens de l’action chevillé au corps. Il croit aux vertus de l’organisation. A une époque où les prix d’achat des eaux-de-vie sont au plus bas, il crée la Coopérative de Cognac et des Vins Charentais. Le journal servira, au moins dans un premier temps, d’agent recruteur. Si la mauvaise foi et le cynisme le révoltaient profondément, il se méfiait de la médiocrité. A Jean-Vincent Coussié, alors jeune agronome fraîchement recruté par la coopérative, il disait : « Je préfère avoir affaire à un intelligent malhonnête qu’à un imbécile honnête. Vous verrez, Jean, vous ne ferez jamais rien avec un imbécile. Méfiez-vous toujours des imbéciles. »

1935 : la grande dépression économique

Le Cognac, qui n’a jamais été un produit de première nécessité, ressent au premier chef les atteintes de la récession de 1930, en France comme à l’export. Deux très fortes récoltes – 1934 et 1935 – rajoutent au marasme général. Les prix d’achat à la viticulture sont au plus bas, à Cognac comme partout en France où sévit une sévère crise de surproduction. Cependant, la levée de la prohibition aux Etats-Unis permet une reprise des expéditions de Cognac outre-Atlantique. Le décret-loi du 30 juillet 1935 crée l’INAO et, dans son sillage, le décret du 15 mai 1936 devient la charte de l’AOC Cognac (texte en cours de révision). Dès 1909, la région avait vu son territoire délimité, en vertu de la loi du 1er août 1905 sanctionnant la tromperie sur les qualités substantielles du produit vendu. C’est ainsi que l’on peut dire que le Cognac, avec le Champagne, sont à l’aube (sans mauvais jeu de mot) de l’idée d’appellation, constituant en quelque sorte la protohistoire des AOC.

1945 : la période de la guerre

La parution du journal s’interromp deux années de suite, faute d’encre et de papier. Elle reprend à la Libération. La guerre, l’Occupation, amènent un régime d’économie dirigée et, dans la région de Cognac, la création du Bureau de répartition des vins et eaux-de-vie de Cognac, créé par arrêté du 5 janvier 1941. Le 9 juillet 1946, au sortir de la guerre, un nouvel arrêté donne à l’organisme ses missions et son nom actuel, le BNIC. Les stocks sont préservés, grâce notamment à Gustav Klaebisch, l’officier allemand chargé de diriger la place de Cognac. Il avait fait ses études au collège de la ville et, à la veille du conflit sa famille importait les Cognacs d’une grande marque. Malgré la très faible récolte 1945 (rendement moyen de 7 hl vol./ha), les conditions sont réunies pour repartir à la reconquête des marchés.

1965 : « les années glorieuses »

De la fin de la guerre aux débuts des années 1970, les sorties totales de Cognac sont multipliées par quatre (96 870 hl AP en 1945-1946 à 374 406 hl AP en 1970-1971). Les ventes régionales ont rattrapé et même dépassé celles d’avant le phylloxera, pourtant donné comme un autre âge d’or du Cognac, suite aux accords de libre-échange signés entre la France et l’Allemagne le 23 janvier 1860. Nonobstant quelques à-coups – gelées de 56, 57, 58, baisse des prix de la récolte 1966 – cette période correspond à un moment de prospérité pour la viticulture et le négoce. L’inventivité est à l’œuvre : création du concept de coopératives associées, mécano interprofessionnel, économie contractuelle…

1975 : l’atterrissage en douleur

Un nouvel ordre mondial, un vignoble sur-dimensionné face à des ventes chahutées… Les années 75 sont celles du retour au principe de réalité, le dur atterrissage « sur le plancher des vaches ». Les Charentais sont un peu sonnés, la tête encore dans leurs rêves. Pourtant, ils se remettent au diapason en arrachant massivement.

1985 : l’enfoncement dans la crise

La région vit certainement l’une de ses heures les plus sombres. Pas ou peu de perspectives, une crise larvée qui dure depuis dix ans. Le moral est dans les chaussettes. Les relations avec le négoce sont mauvaises, un climat dû à des achats à la traîne et à un fort déficit de reconnaissance. Des paysans disent « plus jamais ça ». Leurs enfants ne seront pas viticulteurs.

1995 : L’espoir à nouveau

L’embellie de 1990-1992 est passée par là. Les viticulteurs ont joué aux apprentis spéculateurs. Certains ont beaucoup gagné. La crise sévit à nouveau mais le court moment d’euphorie a eu raison du sentiment de fatalité. Preuve est faite que toute situation est réversible. L’eau-de-vie charentaise a encore des atouts. Les années 2002-2005 s’emploieront à le démontrer, même si les viticulteurs hésitent encore à y croire. Le début de la sagesse ?

Remerciements – Ce texte doit tout à Jean-Vincent Coussié et à son indispensable ouvrage sur le Cognac, « Le Cognac et les aléas de l’histoire », inégalé depuis sa première édition en 1990. La seconde édition, parue en 1996, est toujours disponible au rayon librairie du BNIC (prix public de 14,50 e). A signaler également un intéressant ouvrage paru en anglais sous la plume de Kyle Jarrard : « Cognac, The Seductive Saga of de World’s moste Coveted Spirit ». Dans ce livre, l’auteur retrace le développement de l’industrie du Cognac, l’avènement de l’eau-de-vie au XVIe siècle, l’expansion de la distillation au cours des années 1600 ainsi que l’âge d’or du Cognac à la fin des années 1800. Kyle Jarrard, Senior Editor à l’International Herald Tribune, a signé plusieurs titres dont des romans.

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