La réunion du jeudi 23 juin 2011, où Dominique Hériard-Dubreuil, présidente du groupe Rémy-Cointreau et Jean-Marie Laborde, P-DG, vinrent présenter les résultats, était la première assemblée d’Alliance à laquelle n’assistait pas Bernard Guionnet. Cette réunion s’est tenue dans un cadre intimiste, partagé par les seuls membres de la coopérative. « Nous avons souhaité rester entre nous, « en famille » pour éprouver, chacun à notre façon, ce moment d’émotion. »
C’est donc quelques jours plus tard, le mercredi 29 juin, que Patrick Piana, directeur général de Rémy Martin et Vincent Géré, directeur des Domaines Rémy Martin, ont présenté les résultats de la maison et les perspectives pour la prochaine récolte.
En ce qui concerne les résultats de la maison, tout va bien. Sur la base de l’exercice clôturé à fin mars 2011, Patrick Piana a confirmé que Rémy Martin avait réalisé une bonne année. « La croissance organique de notre chiffre d’affaires s’est élevée à 12,1%, sans effet de change (hors devises). Il s’agit de la réalité de nos ventes. Elles ont progressé à la fois en volume, en prix et en montée de gamme. A titre d’exemples, il a cité la bouteille Club en Asie, la bouteille 1738 aux Etats-Unis, la bonne santé de la marque Louis XIII ».
Sur l’exercice 2010-2011, la maison a réalisé un chiffre d’affaires de 486 millions d’euros. Le résultat opérationnel courant (le bénéfice), s’est établi, lui, à 140,5 millions d’euros, en augmentation de 20 %. Ce niveau de performance, Patrick Piana l’a mis en relief avec le chiffre d’affaires de 2008-2009. A l’épicentre de la crise, le chiffre d’affaires de la maison s’affichait à 311 millions d’euros, en chute de 11 %. On mesure le chemin accompli durant ces deux dernières années.
« Il y a dix-huit mois, nous parlions encore d’incertitudes, il y a un an d’optimisme réservé. Aujourd’hui, nous pouvons regarder avec optimisme le marché » a commenté le directeur général de Rémy Martin. Il a dépeint un marché du Cognac « solide, stable, avec des marchés clés bien orientés, tant aux Etats-Unis qu’en Chine ou en Asie du sud-est. Les marchés « matures » comme la France, l’Angleterre, l’Allemagne se comportent bien aussi et la marque enregistre de bonnes performances en Russie et dans les pays d’Europe centrale.
« Bien sûr, a pris la précaution d’ajouter P. Piana, on ne peut jamais exclure une nouvelle crise, due à l’effondrement de la dette en Europe ou à d’autres facteurs. » Toutefois, cet optimisme ne se fonde pas que sur des critères « macro-économiques », liés à l’état de l’économie mondiale. Il se nourrit aussi d’éléments internes à la maison. Clairement, la sortie du réseau Maxxium représente, aux yeux du directeur général de Rémy Martin, un facteur décisif de réussite. « Depuis deux ans, la maison a bénéficié à plein du réseau Rémy-Cointreau, avec ses équipes dédiées, ses commerciaux qui ne pensent, ne respirent que par Rémy Martin et les marques du groupe. Aujourd’hui, 80 % de notre activité sont couverts par ce réseau. Est-ce un hasard si nous sommes repassés, depuis, au-dessus de la barre des 400 millions d’euros. Notre stratégie fonctionne, notre moteur d’innovation également, avec la sortie des éditions limitées VSOP, du Centaure de diamant en Duty free, du jéroboam Louis XIII, des programmes de formation, de communication, des campagnes de publicité, des actions virales. »
Baisse du niveau d’endettement
A son tour, Vincent Géré a cité un élément de confiance supplémentaire : la baisse du niveau d’endettement de Rémy Martin. « Le groupe n’a jamais connu tel niveau d’étiage, ce qui nous donne les reins suffisamment solides pour lisser, anticiper les événements. Il s’agit d’une composante majeure, qui ouvre en quelque sorte une nouvelle ère. Notre commande en hausse, quoiqu’il arrive, nous pourrons l’honorer.»
Hausse du contrat collectif
Justement, de cette hausse de commande, il fut question. La maison a officiellement annoncé à son partenaire Alliance Fine Champagne son intention d’augmenter ses achats contractuels globaux de 13 % sur la récolte 2011. Le volume total d’engagement contractuel de Rémy Martin passerait donc de 58 500 hl AP à 66 000 hl AP. Un niveau qui dépasserait d’un poil le palier « historique » des récoltes 2007-2008-2009, balisé à 65 000 hl AP. « Nous franchissons un nouveau cran ».
En fait, la hausse n’intéressera pas tout le « périmètre contractuel Rémy Martin ». Les contrats individuels triennaux ne sont pas visés. Présentés comme « le socle de la relation contractuelle de Rémy avec les viticulteurs », ces contrats triennaux concernent 550 bouilleurs de crus de PC et GC, ceux qui livrent des eaux-de-vie rassises (du compte 1 au compte 6). Souscrit pour trois ans, le volume de ces contrats est « verrouillé » à 32 000 hl AP, en sachant que 2011 correspond à la deuxième année d’exécution de l’engagement triennal. L’augmentation de volume ne touchera que le contrat collectif des 1 050 livreurs de vins et bouilleurs de profession livrant des eaux-de-vie nouvelles (compte 00). Triennal sur une brève période, le contrat collectif est redevenu annuel en 2010, pour des raisons de « flexibilité ». Parallèlement, il avait accusé une baisse de 30 %. Avec l’annonce d’un volume de 34 000 hl AP, en hausse de 28 %, il retrouve grosso modo son volume d’avant 2010. « Cet engagement contractuel démontre notre degré de confiance dans les années à venir » a indiqué V. Géré. « En sortie de crise, nous avons privilégié la prudence et le discours de vérité, tout en organisant les moyens de la réactivité. Cette année, les chiffres communiqués affichent notre ambition de repartir de plus belle. »
Le directeur des domaines Rémy Martin a cité les deux indicateurs clés qui orientaient le niveau d’engagement de Rémy Martin, ainsi que « sa vision des actions à mettre en place dans les deux crus de Petite et Grande Champagne ». Ces deux indicateurs principaux sont « la santé de la maison et ce qui se passe dans la région ». Au titre de la région, a-t-il dit « les ventes de Cognac à fin mai, sur les douze mois roulants, ont progressé de 12 % et les achats du négoce à la viticulture de plus de 20 %. » Alain Bodin, le nouveau président d’Alliance, a loué les vertus d’une évolution régulière. « Evitons les grandes ruptures de commandes. Les mouvements de balancier, de fortes amplitudes, perturbent le fonctionnement de nos entreprises. » Vincent Géré lui a donné quitus : « Dans ce type de partenariat à long terme, ce que nous souhaitons de plus en plus, c’est une montée en puissance régulière. Nous sommes bien conscients que des variations de plus ou moins 30 % sont compliquées à gérer. »
La sécheresse actuelle permettra-t-elle à toutes les commandes d’être honorées, à tous les acheteurs de trouver la marchandise qu’ils souhaitent ? Réponse de Vincent Géré : « Les achats contractuels ne représentent pas la totalité des achats de la maison Rémy Martin, même si c’est pour nous le moyen de consolider notre niveau d’approvisionnement. Par ailleurs, nous sommes les spécialistes des qualités vieilles. En prévision des ventes de VSOP, d’XO, nous avons préparé des années de stocks, ce qui procure quand même un certain confort, un certain coussin pour amortir les aléas. Je ne tiendrais pas le même discours si la maison vendait principalement du VS. Ce serait sans doute plus inconfortable. »
Après avoir répondu sans se dérober à la question des prix (voir encadré), Patrick Piana a pratiqué une échappée sur l’avenir… en partant du passé. « Sur dix ans, la commande de Rémy Martin à Alliance Fine Champagne a augmenté de 57 %, ce qui se traduit par une moyenne de 5 % l’an. Dans le futur, je ne pourrais rêver mieux que de renouveler ce schéma. Je souhaite “une progression linéaire”, qui satisfasse à la fois nos objectifs commerciaux et permette à nos partenaires d’investir, de renouveler le vignoble. Eviter au maximum les à-coups… c’est un peu ça qui nous anime pour réussir un bon partenariat. »
Un partenariat sable
Les signes d’un partenariat « solide et consistant », V. Géré est déjà tenté de les voir à travers quelques chiffres. « A Alliance Fine Champagne, la moyenne des surfaces viticoles s’élève à 22-23 ha, avec deux types d’exploitation, les 15 ha et les 40 ha. Si l’agrandissement est passé par là, je remarque que le nombre des adhérents à Alliance a peu baissé. En 15 ans, il est passé de 1 200 à 1 050. Nous sommes loin de l’érosion qui a décimé, sur la même période, 50 % des exploitations de la région. Ce maintien des forces vives de nos livreurs constitue pour nous un grand motif de satisfaction. »
Le point sur les chiffres
Alliance Fine Champagne
• Contrats individuels : 32 000 hl AP
• Contrat collectif proposé en 2011 :
32 000 hl AP
Rémy Martin
• Chiffre d’affaires 2010/11 :
486 millions d’euros
• Résultat opérationnel courant : 140,5 millions d’euros