Aides aux investissements : Une manne financière concentrée dans le temps

3 novembre 2009

Depuis les CTE viticoles du début des années 2000, la viticulture ne s’était pas vue proposer un tel volume de subvention. Les dossiers ne sont pas simples à monter. Ils héritent du cadre administratif européen. Mais le jeu en vaut la chandelle. Fin de partie en
2012-2013.

 

 

L’Europe l’avait dit. Elle l’a fait. En 2008, la nouvelle OCM viticole (Règlement 479/2008 du Conseil) a démantelé les principaux mécanismes de soutien, jugés inefficaces voire contreproductifs. Exit toutes les distillations européennes ou presque ainsi que les aides au stockage. En remplacement, l’U.E avait promis de booster l’arrachage – c’est en cours –, de structurer différemment l’offre de vin et enfin de favoriser les investissements stratégiques, le tout à budget égal (1,5 milliard d’€ par an). Elle a tenu son engagement. Les Etats membres viticoles ont hérité d’enveloppes nationales leur permettant de cibler les aides.

Sur le volet investissements, l’objectif vise à améliorer la compétitivité des entreprises, en modernisant les installations. Mais la mesure est concentrée dans le temps. Car l’Europe mise sur l’effet « coup de poing », pour entraîner un sursaut salvateur. Une fois la mise à niveau réaliser, sans doute entendra-t-elle tourner la page, « pour ne plus y revenir ». Le Plan quinquennal s’achève en 2012-2013. Il n’y a donc pas de temps à perdre pour consommer les enveloppes.

des aides « fléchées » vin

Préalable à tout, les aides à l’investissement sont « fléchées » vin. Normal ! C’est de l’OCM vin dont on parle. Traduction en Charentes : les investissements se rapportant aux vins aptes à produire du Cognac, aux vins sans IG (sans indication géographique), aux vins avec IG (Vins de pays charentais, Vins de pays de l’Atlantique), le Pineau (classé dans la catégorie communautaire des vins), peuvent postuler à la démarche. Par contre les dépenses afférentes aux eaux-de-vie de Cognac sont exclues du dispositif (voir en fin d’article la ligne de démarcation et les questions concrètes qui se posent).

La mesure n’introduit pas de discrimination entre les porteurs de projets. Elle s’adresse à tous les opérateurs, sans distinction de catégorie, qu’il s’agisse de petits viticulteurs ou de gros négociants, de caves coopératives ou de caves particulières, à condition bien sûr que les structures œuvrent dans le domaine du vin. Ainsi un négociant vinificateur peut émarger à la mesure mais aussi un négociant conditionneur, pour sa chaîne de mise en bouteille. Attention toutefois ! Si les investissements d’amont (autour des bâtiments, de la vinification, du stockage, des matériels de transfert) relèvent directement de l’OCM (1er pilier de la PAC) et sont donc financés à 100 % par des fonds communautaires, les investissements d’aval (conditionnement, commercialisation, études de marché, promotion…) relèvent du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural), c’est-à-dire du second pilier de la PAC. Et qui dit second pilier dit co-financement : pour un euro communautaire investi, un euro doit émaner des collectivités locales, Conseil régional et/ou Conseil général. Dans leur Document régional de développement rural, certaines régions – comme l’Aquitaine par exemple – ont réservé une ligne budgétaire à la viticulture. Ce n’est pas le cas en Poitou-Charentes. Faut-il en conclure que le soutien aux investissements d’aval est banni entre Cognac et Poitiers ? « Non répond un bon connaisseur des rouages régionaux. L’opérateur a tout intérêt à présenter son dossier à la Région. Le Conseil régional ne prendra jamais de position de principe mais examinera les demandes au coup par coup, dans le cadre de la procédure normale. »

investissements éligibles

En application des règlements communautaires, c’est l’arrêté du 17 avril 2009 qui définit la mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements. Mais, d’un point de vue plus concret, l’économie générale de la mesure figure dans la circulaire nationale du 26 mai 2009. Son annexe 1 liste de manière exhaustive les investissements éligibles (voir tableaux pages 17-18). Attention ! La circulaire précise que « les investissements de renouvellement à l’identique et les dépenses d’auto-construction (matériaux et main-d’œuvre) sont exclus des dépenses admissibles ». Que recouvre l’expression « investissements de renouvellement » ? Une pompe cassée, dont le remplacement se justifierait à ce titre, ne pourra pas être prise en charge. « Il doit y avoir une amélioration qualitative derrière » note une praticienne associée à l’instruction des dossiers. Remplacer un vieux pressoir par un matériel plus sophistiqué rentrera dans les clous ; même chose quand on installera du carrelage là où il y avait de la terre battue. Par contre la substitution d’un carrelage neuf à un vieux ne passera pas. Pas plus que la réfection d’une ancienne toiture, sauf à apporter la preuve d’une amélioration substantielle, comme une meilleure isolation. Pour le réagréage de la cuverie béton, à l’aide de fibre de verre par exemple, il faudra justifier d’une garantie au moins décennale. Au fil de l’eau, une jurisprudence est en train de se forger entre ce qui est éligible et ce qui ne l’est pas (voir encadré sur l’instruction des dossiers). Ce retour d’expérience, les autorités administratives (FranceAgriMer, DRAAF) le font transiter de manière privilégiée aux syndicats de filières et autres OPA. Ce sont ces structures qui constituent le relais naturel du porteur de projet soucieux d’étayer son dossier.

Pour pouvoir être financé, le projet doit représenter un volant minimum de dépenses. La circulaire fixe le seuil plancher à 8 000 € (une somme qui fait référence non au montant de l’aide mais bien au montant de l’investissement). Fait assez rare pour être souligné : il n’existe pas de plafond d’investissement. « C’est cadeau ! » s’exclame un professionnel. L’idée n’est pourtant pas d’entraîner les porteurs de projets dans une impasse financière. La circulaire recommande d’écarter de la mesure les entreprises en difficulté. C’est le but des tableaux d’analyse financière à joindre au dossier même si la notion « d’entreprise fragile » est sujette à interprétation.

aide à 40 %

L’aide s’élève à 40 % du montant total de l’investissement, au moins pour les « PME ». Par PME l’Europe entend des entreprises réalisant moins de 50 millions d’€ de chiffre d’affaires et employant 250 salariés. Cette définition balaie large et recouvre, on l’imagine bien, l’immense majorité des cas. Pour les autres, la participation communautaire se limitera à 20 % des dépenses éligibles.

Le taux de 40 % d’aide est à entendre d’un bloc, sans dégrèvement prévu. Ou l’investissement est reconnu éligible et débouche sur une subvention de 40 % ou il n’est pas éligible et ne donne droit à rien. Pour l’instant les fonds nécessaires au financement de la mesure existent. Mais les autorités nationales conseillent de ne pas trop tarder pour déposer un dossier. « Les enveloppes fonctionnent en circuit fermé. Ce qui n’est pas consommé une année n’est pas reportable l’année suivante. Dans le cadre européen, les budgets courent du 16 octobre de l’année n au 15 octobre de l’année n + 1. Les dossiers dans les tuyaux après le 16 octobre 2009 émargeront déjà sur l’enveloppe 2009-2010. Même si une montée en charge des enveloppes est prévue, on peut tabler sur un effet d’accumulation des demandes en 2011-2012. » Pour l’heure et jusqu’à nouvel ordre, les autorités de tutelle se montrent pourtant rassurantes : « les 40 % sont acquis ». Et au moins, avec cette mesure, on ne s’expose pas à une demande de remboursement de l’U.E puisque c’est l’Europe elle-même qui pilote directement le dispositif, avec ses propres critères.

De façon classique, une fois l’aide notifiée, le porteur de projet peut demander une avance de 50 % du montant de la subvention, à charge pour lui de constituer une garantie bancaire de 110 %. La totalité de l’aide (ou son solde) sera versée à la réalisation complète des investissements et après contrôle sur place.

Dans la région délimitée Cognac, l’essentiel du vin va à la production d’eau-de-vie. Malgré cette particularité, la ligne de partage entre ce qui est éligible aux aides et ce qui ne l’est pas s’établit assez facilement. Question de logique. Un bâtiment qui servirait à stocker de l’eau-de-vie ne sera pas éligible. Par contre, tout ce qui a trait au traitement de la vendange, à la vinification ne soulève pas de difficulté. En fait, les matériels mixtes sont assez rares.

cuve inox 316

Concrètement, un seul chapitre fait vraiment débat, la cuverie, et plus précisément la cuve inox 316. Avec la réserve climatique qui a jeté un coup d’éclairage sur la question, personne n’ignore plus que l’inox 316 est la qualité d’inox exigée pour entreposer de l’eau-de-vie. Mais qui peut le plus peut le moins et, dans la pratique, l’inox 316 sert aussi à loger des vins, des jus de raisin. Dans ces conditions, quelle attitude prendre ? A première vue, les autorités seraient plutôt enclines à exclure l’inox 316 des investissements éligibles. Au nom du principe de précaution. « La région est suffisamment en délicatesse avec l’Europe au sujet des subventions pour ne pas prêter le flanc à la critique. » Mais les professionnels ne l’entendent pas de cette oreille. Et, manifestement, l’Administration ne cherche pas à jouer les jusqu’au-boutistes. « On aimerait bien y regarder de plus près, à condition de trouver des critères objectifs. » Il est clair qu’en terme de critères objectifs, un simple engagement du viticulteur à ne pas entreposer d’alcool dans sa cuve inox 316 ne suffira pas. La filière devra se montrer plus persuasive si elle veut emporter la conviction des organismes instructeurs sur le dossier de l’inox 316.

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