Dans les conditions actuelles, le syndicat présidé par Jean-Louis Brillet considère la double fin comme le « moins mauvais des systèmes ». Discours musclé du SVBC, contre l’affectation des hectares et contre le SGV, désigné comme « l’autre syndicat ». Jean-Louis Brillet souhaite que la viticulture se positionne en faveur d’une double fin « bis », sans distillation aidée mais accompagnée d’une restructuration pour tous, financée par une CVO, cotisation volontaire obligatoire.
Ton mordant, propos acerbes, volonté de « mettre des chiffres en face des chiffres »… Lors de son A.G. qui s’est tenue à la Salamandre le 9 décembre dernier, le SVBC n’y est pas allé par quatre chemins. Au nom de la crainte de voir « tout affecté au Cognac », il ne veut pas entendre parler d’une affectation sèche, sans restructuration préalable. Et comme la restructuration – entendre l’arrachage – n’est pas vraiment à l’ordre du jour, il préfère encore défendre la double fin. « Un système qui n’est pas parfait mais qui a fait ses preuves », qualifié encore de « moins mauvais des systèmes », quitte à le bonifier par une restructuration « soft » de 10 % des surfaces. J.-L. Brillet décrit les vins de base mousseux, les jus de raisin « comme des produits systématiquement déficitaires, même à 180 hl vol./ha, dès lors qu’ils sont envisagés hectare par hectare ». « Les partisans d’une affectation aveugle idéalisent le système mais cela ne marche pas. Dès le départ c’était un projet moribond. » Propos relayés par Philippe Sabouraud dans la salle : « C’est scandaleux que des politiques locaux aient pu soutenir à Matignon le rapport Zonta/Boujut. C’est un projet purement politique et non économique. » Le SVBC dit ne concevoir les débouchés « autres » que comme « des compléments de revenu lorsqu’ils s’additionnent au Cognac dans un système de double fin ». Au moins s’agit-il de la reconnaissance implicite du phénomène d’addition, par rapport au discours entendu il y a quelques années sur « les hectares qui gagnaient de l’argent et ceux qui en perdaient » dans un système double fin. Aux yeux de J.-L. Brillet et de ses collègues, la disparition de la double fin ne semble pas gravée dans le marbre. « Le rapport Zonta l’annonçait mais en fait, que souhaite l’Europe ? Cesser de subventionner nos surproductions. La perte de la D.O. ne serait pas une catastrophe, d’autant qu’il resterait les jus de raisins. On peut toujours essayer de garder une double fin sans D.O. article 28. » Simulations chiffrées à l’appui, Olivier Louvet, trésorier du syndicat et l’un des deux membres du SVBC à siéger à l’assemblée plénière du BNIC, a indiqué que « le modèle double fin avec restructuration de 10 % mais sans D.O. était gagnant et même pas mal ». Pourquoi restructurer « un peu » ? Pour éliminer les vignes éponges. « Avec ce déséquilibre structurel, nous affichons notre faiblesse vis-à-vis du négoce. Il en profite, c’est son jeu. A nous de faire le ménage chez nous. » Pour « booster » l’arrachage, le SVBC propose l’idée d’une CVO, cotisation volontaire obligatoire d’un montant élevé, dont on pourrait se dédouaner, soit en arrachant, soit en apportant la preuve que l’on a bien restructuré depuis le lancement du Plan, en 1998. Jean-Louis Brillet reconnaît néanmoins que pour s’appliquer, ce projet devra d’abord recevoir l’accord de la viticulture et du négoce, tout comme d’ailleurs l’idée de conserver la double fin. D’où sa colère de n’occuper qu’un « strapontin » au BNIC. Pour remédier à cette situation, il a lancé un appel appuyé à l’adhésion. « Si nous arrivons à dépasser la barre fatidique des 500 adhérents, à ce moment-là, nous pourrons parler haut et fort. Il n’est pas exclu alors que nous demandions au BN des réélections. » O. Louvet a signalé que le seul montant des adhésions alimentait les recettes du syndicat. Pour l’année 2005, les cotisations restent inchangées : 25 € par exploitation. A ce jour, le syndicat annonce 355 adhérents, « 500 salariés et une couverture de plus de 10 000 ha de vignes ». « Nous sommes les professionnels du Cognac. Nous représentons une belle part de la monoculture charentaise, aussi bien en Charente qu’en Charente-Maritime. » A ce titre, le président du SVBC a exprimé le souhait que le ministre de l’Agriculture, ministre charentais, « le soit pour tout le monde ! » Et si cela ne suffit pas, il n’exclut pas « une grosse grosse manifestation ». « On ne se laissera pas faire. On ne laissera pas partir un projet d’affectation aussi fou. »
Moins de deux ans
Présente à la réunion en tant que représentante de Mme la sous-préfète de Cognac et des DDAF, Danièle Le Gall a réagi, d’autant qu’on lui donnait la parole. « Vous prétendez que l’Administration n’a pas fait son travail. C’est une analyse un peu rapide. Une prime d’arrachage à 100 000 F l’ha puis à 90 000 F a été mise en place. Mais l’arrachage procède d’une décision individuelle et manifestement, la volonté n’y était pas. » Sur l’adoption d’une position régionale opposable à Bruxelles, la chargée de mission a rappelé que tout devait impérativement passer par l’interprofession, selon la loi de 1975. « C’est à elle de faire remonter vos propositions. » Enfin, au plan réglementaire, D. Le Gall a fait observer qu’il était difficile d’envisager une double fin sans article 28. « L’analyse juridique suscitée par Antony Zonta a bloqué sur ce point. C’est bien l’article 28 qui donne l’assise juridique unique de la double fin. On peut toujours souhaiter une double fin améliorée mais ce point ne se réglera pas d’un coup de baguette magique. » Réaction de Jean-Louis Brillet à l’issue de la réunion : « La réglementation doit se mettre au service de l’économie et non l’inverse. »
Le SGV garde le cap
Au SVBC, qui incite à remettre sur l’ouvrage le Plan d’avenir viticole, le SGV oppose une position ferme : pas question de changer de cap.
Yves Dubiny, secrétaire général du Syndicat général des vignerons : « La région a adopté une position, validée par l’interprofession. A-t-on aujourd’hui la latitude de changer ? Je ne le crois pas. Nous restons fermes sur nos positions. Par contre, il faudra sans doute démystifier le discours et dire les choses clairement. La disparition de l’article 28 n’est pas une pure vue de l’esprit. On ne nous dira jamais à quelle date l’article 28 passera à la trappe. Par contre, le jour où cela arrivera, il vaudra mieux y être préparé. Sinon ce sera la dérégulation totale. Sans l’article 28, la région sera taxée au régime des vins de table. Vous me direz qu’à 90 hl vol./ha à 9 % vol., cela ne donnerait après tout qu’un rendement Cognac de 8,1 hl AP/ha. Mais les choses sont peut-être un peu plus perverses. Sans demande d’aides, le rendement applicable au vin de table ne connaît pas de limite. Déjà en 1983, quand la réglementation communautaire avait été modifiée, la région avait connu un certain flottement. Il ne faudrait pas qu’à l’occasion de la disparition de l’article 28, les Charentes mettent dix ans à s’en relever. » Yves Dubiny précise par ailleurs qu’avec ou sans régime double fin, les cépages Cognac resteront toujours double fin. Ils pourront continuer de produire du vin de table et du Cognac.