« Vous avez dit viticolcrates ! »

4 janvier 2009

La Rédaction

tribune_ag.jpgCharge au vitriol de Paul Giraud contre les tracasseries administratives qui s’abattent sur l’agriculture en général et la viticulture en particulier.

Kafka, Courteline ou Coluche… Entre de si fameux parrains de l’absurde, il hésite, le président des Caves particulières de Charentes ou plutôt des Vignerons indépendants, selon la nouvelle terminologie en vigueur. Exemple parmi d’autres, la « simplification » des Douanes conduit les vendeurs directs à s’interroger sur le sens même de leur métier. « Pour les TPE (très petites entreprises) que nous sommes, le temps passé à remplir des papiers dont on ne voit pas toujours la signification, mord sur le temps “utile”, celui consacré à élaborer un produit de qualité et à essayer de le vendre. Dans une région comme la nôtre, où le revenu/ha est très faible, ces contraintes prennent un tour encore plus dramatique. “Vous produisez trop cher à la vigne !” nous dit-on. Faudra-t-il supprimer un ouvrier pour embaucher quelqu’un au bureau ? Deviendrons-nous des “viticolcrates” ? » Autre question qui interpelle les vignerons indépendants : le respect de la charte. Lors de leur assemblée générale, le 19 avril dernier à Jonzac, ils ont longuement débattu de leur règlement intérieur et du respect de « l’éthique ». A un postulant qui s’inquiétait de voir tant de temps consacré à parler d’éventuelles entorses à « l’esprit des caves », un adhérent a apporté la réponse suivante : « au lieu de vous perturber, ces débats devraient vous rassurer. Une attitude non conforme à l’éthique décrédibilise l’ensemble. Il y va non seulement de votre avenir mais de celui de tous les vignerons indépendants des Charentes. Nous devons porter les couleurs du logo. » Ainsi, au sein des caves, « celui qui vend est celui qui produit », sans dérogation possible. Mais les structures évoluent et les sociétés fleurissent, même en Charentes, un peu à la manière du Bordelais. Ainsi faut-il se « border » pour éviter les dérives.

Une section « anciens adhérents de plus de 65 ans », en activité ou pas, a été créée. Ses membres acquitteront une demi-cotisation. Paul Giraud a également annoncé une réforme des cotisations, dont le montant ne sera plus fixe mais variable selon la surface (100 euros TTC jusqu’à 15 ha, 130 euros de 15 à 30 ha et 160 ha au-delà de 30 ha). S’y ajoutent la participation aux Salons (30 euros), facultative et la cotisation logo obligatoire de 45,73 e qui, elle, ne revient pas à la Fédération des Charentes mais à la CNCP (Confédération nationale des caves particulières). Des adhérents se sont demandés pourquoi ne pas asseoir la cotisation sur le nombre de bouteilles vendues. L’idée fut jugée intéressante mais difficilement applicable. Les Vignerons indépendants des Charentes sont en cours de recrutement d’un emploi jeune, partagé à mi-temps avec l’association des Etapes du Cognac. Sa tâche : le suivi administratif et l’animation du réseau des caves, fort de 80 adhérents à ce jour. Pour la première fois cette année, le mouvement des Vignerons indépendants a animé le stand du BNIC au Salon de l’agriculture, les 2 et 3 mars derniers (voir encadré). D’autres initiatives de ce genre pourraient se développer pour mieux communiquer autour des caves.

Analyse des dangers, maîtrise des points critiques, surveillance des conditions d’exercice… voilà telle qu’en soi-même la méthode HACCP, qui va bien finir par s’imposer aux viticulteurs. Démarche de précaution oblige, les Vignerons indépendants s’y préparent comme les autres et peut-être mieux que les autres, eux qui, dans la réalité des marchés, sont déjà confrontés à ce type de démarche. « Depuis 5 ans, mes clients américains et allemands me réclament des fiches de lot » indique un viticulteur. Paul Giraud avait demandé à Eric Rozas, directeur de la CNCP, de venir en parler. En présence de Gérald Ferrari, chargé du dossier au BNIC, le jeune directeur a rappelé la genèse de la méthode HACCP, qui remonte en fait au 1er janvier 1993, date de l’ouverture du marché européen. Au contrôle des frontières se substitue un contrôle sur le lieu de production, sous la responsabilité du chef d’entreprise. La réglementation a un double ancrage : réglementaire, à base de directives, lois, arrêtés et volontaire, à partir de tout ce que la profession s’auto-impose (sigles de qualité, normes, cahier des charges de type Terra vitis…). C’est ce que l’on appelle le guide des bonnes pratiques hygiéniques. Au plan réglementaire, l’arrêté du 28 mai 1997 oblige de former le personnel à l’hygiène pour obtenir un vin sain, dénué de risque pour la santé et met en demeure l’entreprise de le prouver. L’arrêté impose une obligation de résultat mais laisse le choix des moyens, ce qui est un peu nouveau. Toutefois, la méthode HACCP est fortement conseillée. Ce système à l’anglo-saxonne consiste en une démarche pratique permettant d’examiner le process d’élaboration du produit et d’analyser ses points critiques. Le risque qualité ou le « danger consommateur » s’apprécie par son degré de gravité et de fréquence. La preuve s’acquiert par l’écriture du process de fabrication, après que les points critiques aient été identifiés. Contrôle et traçabilité constituent la dernière étape. Objectif : zéro danger pour le consommateur. « Et les arêtes dans le poisson, vous en pensez quoi ? » a demandé benoîtement un viticulteur.

Caves particulières

Première participation au Salon de l’agriculture

Paul-Jean Giraud, président de la Fédération régionale des caves particulières, y tenait : emmener ses troupes au Salon de l’agriculture pour symboliser la place des vendeurs directs dans le concert des metteurs en marché. Expérience concluante avec quelques idées à la clé pour améliorer les prochaines éditions.

P.-J. Giraud – « Le Salon de l’agriculture constitue une belle vitrine, incontournable pour le Cognac. Ceci étant, il s’agit d’une foire et même de “la” foire. Le public qui en fréquente les allées n’a rien à voir avec les visiteurs avertis que nous côtoyons habituellement dans les différents Salons des caves particulières, même s’il ne faut voir là aucun jugement de valeur. Plus on ratisse large, plus on a de chance de convaincre des gens. Par contre, le profil des visiteurs interfère sans doute dans l’approche que l’on peut avoir de la manifestation. Nous nous sommes par exemple aperçus qu’une équipe de 12 personnes comme la nôtre s’avérait un peu juste pour tenir un stand aussi grand que celui du BN, de 9 heures du matin à 19 heures le soir, surtout quand on voulait assurer une rotation autour du bar, de l’alambic et dans les allées. Il aurait mieux valu être 20 personnes. Car, autre caractéristique du Salon de l’agriculture, les visiteurs ne viennent pas spontanément sur le stand. Il faut aller les chercher. D’où l’intérêt qu’il y aurait sans doute à envisager une animation. Mais ceci fera peut-être partie de la réflexion globale conduite a posteriori par les participants et le Bureau national du Cognac. Nous avons également remarqué que notre mailing habituellement utilisé en région parisienne – environ 1 000 clients cavistes, restaurateurs, particuliers – qui, par expérience, fonctionne bien sur nos salons, tombait un peu à plat au Salon de l’agriculture. Il ne rencontrait pas sa cible. Un effort d’imagination serait sans doute nécessaire pour renouveler les angles d’attaques du public. Chargés d’animer le stand le dernier week-end (*), nous avons eu la satisfaction de faire ce que nous savions faire, c’est-à-dire parler du métier de vigneron, expliquer le produit et éventuellement le faire déguster, sur glace ou avec tonic, pour coller à la promotion du BNIC. Ainsi, une centaine de bouteilles de Cognac ont dû être ouvertes en deux jours, provenant d’une quarantaine de propriétés différentes, celles des adhérents des Caves particulières (environ la moitié d’entre eux). A noter qu’il est assez scandaleux que l’Etat ne prévoit pas une franchise de droits pour les produits voués à la dégustation, sachant que tout ce qui sert à la progression des ventes concourt à l’augmentation des recettes fiscales. Naturellement, la consommation était payante – 2,50 e – pour ne pas créer de concurrence à l’égard de nos collègues viticulteurs qui avaient payé – cher – leur stand. De toute façon, en tant qu’adhérents des Caves particulières nous assignons un seul but à la dégustation : convaincre et donner envie d’acheter. Faire de la dégustation pour de la dégustation serait un coup épée dans l’eau. »

(*) Se sont chargés de l’animation du stand du BNIC : l’Association des bouilleurs de cru, la JAAC, Martell et Hennessy (une journée chacun) et la Fédération des caves particulières.

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