Affectation Préalable : s’Y Préparer

24 juin 2009

L’affectation préalable des débouchés au 1er juillet devient une issue de moins en moins improbable. Pour le dire en termes moins « jésuitiques », ce qui était encore présenté il y a un mois comme un exercice relativement virtuel – on parlait alors d’affectation provisoire au 1er juillet, voire d’affectation « préalablement provisoire » – se précise. Début mai, une personne proche du dossier s’interrogeait tout haut : « Même si, au départ, la région souhaitait une affectation provisoire, je ne suis pas sûr que ce souhait puisse être validé. » Car, effectivement, le nouveau cahier des charges Cognac ne laisse pas planer l’ambiguïté : la déclaration préalable d’affectation est prévue de s’appliquer au 1er juillet 2009 pour la prochaine récolte. Les dispositions transitoires qui avaient permis, en 2008, de faire coïncider l’affectation préalable à la déclaration de récolte n’ont plus cours cette campagne. Il faut donc se préparer à anticiper de quelques mois l’orientation de ses quantités. Et d’ailleurs, avant même de correspondre à une obligation administrative, l’affectation préalable des débouchés n’est-elle pas déjà « dans les têtes », commandée qu’elle est par le renversement de situation. Exit la période où le Cognac faisait main basse sur 98 % des volumes. En six mois, la région délimitée a vécu un bouleversement hors pair. « Cette année, les autres débouchés vont jouer un rôle hyper-stratégique car le Cognac ne pourra pas tout avaler » pronostique sans grand risque d’erreur un observateur. Selon lui « il n’y en aura pas pour tout le monde ! ». En clair, ceux qui se seront positionnés le plus tôt seront les mieux servis. A la clé, que se joue-t-il ? La trésorerie des exploitations bien sûr, annoncée comme très difficile en fin d’année. Avec quelques hectares affectés aux débouchés dits « industriels », l’idée est que la viticulture engrange « le maximum de trésorerie » pour faire face aux atermoiements du Cognac. Après plusieurs années de monomanie Cognac, les esprits y sont-ils prêts ? Un professionnel en prise avec le terrain semble y croire : « En fait, plusieurs cas de figure se présentent : il y a les viticulteurs possédant des cépages « vin blanc autre » ou des vignes rouges, déjà habitués au déplafonnement. Pour eux, il n’y aura pas de souci ; même chose pour ceux qui ne sont pas couverts à 100 %. Par contre, les viticulteurs qui livraient jusqu’à présent la totalité de leur récolte à une maison ou qui disposaient d’un haut niveau d’engagement, de l’ordre de 10 de pur/ha, risquent d’avoir un peu plus de mal avec l’affectation, surtout en l’absence de réponse nette de leur acheteur Cognac. » Beaucoup prennent le pari que l’affectation touchera tout le vignoble ou presque. Ceci dit, personne ne nie l’inconfort qu’il y aura à engager préalablement des volumes sans en connaître le prix. « Sous prétexte de marché européen, de récolte espagnole ou italienne, les opérateurs jouent la montre. Ils nous annonceront les prix au cul du camion. » C’est peut-être pour cela qu’à la rescousse du rendement déplafonné beaucoup parlent d’emblée de rendements de 300 ou 350 hl/ha, pour amortir l’effet prix. Quant à ces prix justement, on les voit relativement impactés par le rendement moyen des Charentes, sans parler du niveau de récolte européen. De l’avis des spécialistes, le marché des vins de base mousseux devrait remporter la palme cette campagne, face à des opérateurs jus de raisin donnés comme peu présents. Des inquiétudes commencent à poindre sur la capacité de cuverie globale disponible. « Mine de rien, la région a perdu ces 4-5 dernières années des marchands en gros, négociants, intermédiaires, autrement dit des assembleurs chargés de faire des prêt-mises. Aujourd’hui, ces assembleurs ne sont plus légion. »

Un autre écueil, plus réglementaire celui-là, concerne la parution des textes servant de soubassement à l’affectation. Au 11 mai, le cahier des charges Cognac n’était toujours pas sorti. « Il est à la signature sur le bureau du ministre de l’Agriculture ; le problème, c’est qu’il n’y a personne derrière le bureau » notait, grinçant, un représentant viticole, en évoquant le départ annoncé de Michel Barnier, un ministre aujourd’hui en campagne pour les Européennes. Bon gré mal gré, le texte devrait tout de même poindre son nez assez vite puisque la date butoir de promulgation des cahiers des charges est fixée au 30 juin 2009 pour l’ensemble des AOC. Le calendrier de sortie du Plan de contrôle Cognac sera sans doute plus difficile à tenir, même si lui aussi interfère sur l’affectation préalable. Alors que l’ADG Cognac a choisi son organisme certificateur depuis six mois – Certipaq – le Plan de contrôle peine à voir le jour. Pourtant c’est lui qui sera chargé de dire ce qui se passe concrètement en cas de non-respect de l’affectation. Qui contrôlera quoi, qui notifiera aux opérateurs, que se passera-t-il si les volumes concernés ne se trouvent plus chez l’exploitant ? « Nous en avons tous une idée mais il faut que cette approche se traduise par un document opposable et transparent, le plus vite possible » note un professionnel. Le sort des excédents au-dessus des ha Cognac, lui aussi lié à l’écriture du Plan de contrôle, n’est pas davantage tranché. On ignore encore si la gestion de ces excédents se fera collectivement ou individuellement et à quel coût ? Car si l’absence de rémunération constitue une donnée de base à peu près admise, la question est de savoir si l’élimination de ces excédents coûtera ou ne coûtera pas, ne serait-ce que pour le transport du chai à la distillerie ? Silence radio du côté de l’interprofession. Côté distillateurs communautaires, la bio-carburation ne semble pas porter toutes les promesses mises en elle, à moins de modèles économiques bien spéciaux – utilisation d’une partie du vin comme source d’énergie pour distiller le reste – qui ne sont pas à la portée de tous. En sachant qu’au-dessus de tout ça plane le mot « interdit », celui de brandy.

Des groupes de travail ont planché sur le document qui servira de déclaration préalable d’affectation. Il a été voulu simple et très facilement reliable à la déclaration de récolte versus 2008, dont le nouveau document s’inspire d’ailleurs largement. En face des différentes destinations figureront des surfaces globales. Par contre chaque opérateur devra tenir à disposition chez lui, en cas de contrôle interne ou externe, la liste des parcelles cadastrales correspondant aux différentes affectations. Les deux Chambre d’agriculture 16 et 17 organisent depuis le 11 mai dernier une série de réunions sur le thème de l’affectation ainsi que des réformes et de l’ADG. Cette formation* d’une journée rencontre un vif succès. Elle offre l’opportunité d’une mise à jour des connaissances rapide et efficace.

* Prochaines dates : de 9 h à 17 h – les mercredi 20 mai à Jonzac, mardi 26 mai à Triac-Lautrait, mercredi 27 mai à Barbezieux ou à Matha, mardi 2 juin à Sigogne, mercredi 3 juin à Jonzac, jeudi 4 juin à Mirambeau, vendredi 5 juin à Blanzac, lundi 8 et mardi 9 juin à Saintes, mardi 9 juin à Cognac, mercredi 10 juin à Hiersac, jeudi 11 juin à Châteauneuf. Renseignements-inscriptions : antenne Chambre 16 Cognac – Chambre d’agriculture 17 La Rochelle – 30 e pour les exploitants (100 e pour les salariés avec possibilité de prise en charge par le FAFSEA).

Dernière minute

Dans la soirée du lundi 11 mai, un orage de grêle d’une exceptionnelle violence a détruit une partie du vignoble du Rouillacais et du canton de Jarnac. Dans la plupart des secteurs, les dégâts sont estimés de 80 à 100 %. « Apocalyptique, de la folie » décrivent les témoins. Des grêlons « comme des boulets » se sont abattus sur les vignes et les cultures, détruisant les jeunes pousses, cassant les lattes. Les blés sont hachés. « Ils ne restent plus rien » se désolent les exploitants. Dans le village de Vaux-Rouillac, épicentre du sinistre semble-t-il, un torrent de boue a envahi les rues du village. L’orage, qui a éclaté vers 18 h 30 – 19 h, a duré de quelques minutes à une demi-heure, semant 20 cm de grêle au sol. Une première estimation donne 100 km2 de touchés. A chaud, sont citées les communes de Vaux-Rouillac, Rouillac, Gourville, Marcillac, Saint-Cibardeau, Fleurac, Echallas, Mérignac, Foussignac… Le sinistre s’est abattu sur d’autres secteurs de la région délimitée, en Charente comme en Charente-Maritime.
« La solidarité sera nécessaire, certains viticulteurs ont tout perdu » relève un responsable syndical.

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