ADG Cognac : Incontournable Interprofession

7 juillet 2009

Lors de son assemblée constitutive en juillet 2007, il avait été convenu que l’ADG Cognac (Association de défense et de gestion de l’appellation Cognac)* serait « adossée » au BNIC. Une bien jolie expression pour signifier que l’ADG Cognac était toute proche de l’interprofession mais « indépendante » de celle-ci. Le 10 juin dernier, s’est tenue l’assemblée générale annuelle de l’ADG Cognac. Après les « hors-d’œuvre » – rapport moral, rapport financier – « la » question est venue à l’ordre du jour : « l’ADG Cognac doit-elle, oui ou non, se rapprocher davantage du BNIC ? ». Les urnes ont parlé. C’est oui. Le négoce a voté « comme un seul homme ». Quant à la viticulture, elle s’est retrouvée désunie. Malgré les consignes de vote, quatre ou cinq membres sur les 68 ont fait sécession. Quelque part, cette décision invalide l’une des ultimes tentatives de la viticulture à conserver un pré-carré face à l’interprofession. Autrement dit, elle confirme le caractère incontournable et pour tout dire hégémonique du BNIC dans la gestion des affaires du Cognac. Commentaire d’un protagoniste : « C’est un espace de liberté qui disparaît. A Cognac, on aime bien maîtriser le plus de chose possible. Que constate-t-on ? Tout ce qui pourrait avoir tendance à contrebalancer le rapport de force s’effiloche. Dans cette région, tout le monde critique le BNIC mais s’avoue prêt à lui reconnaître la prééminence. A la fois, cette concentration des pouvoirs dans une seule entité confère une grande force au Cognac pour aller négocier à Paris ou Bruxelles. Mais elle crée aussi un climat bien particulier. » Des leaders syndicaux ne le cachent pas. Ils se disent extrêmement déçus, voire totalement démoralisés. « Nos collègues n’ont pas mesuré l’enjeu politique de ce scrutin. Sous prétexte d’économiser une centaine d’euros, ils se trompent de combat. Comment pourra-t-on résister, demain, lorsqu’il s’agira de défendre un rendement ? C’est dramatique. Parfois, on se demande pourquoi on se bat. » Certains dénoncent la parité négoce/viticulture au sein de l’ADG, qu’ils qualifient « de copieuse hypocrisie ». « A partir du moment où on acceptait la parité négoce/viticulture, on savait à quoi s’attendre ! Il aurait fallu faire front commun entre les deux interprofessions régionales pour refuser cette parité. La division syndicale nous a fait très mal. Le temps passé à des luttes intestines ne l’a pas été à un travail de lobbying. »

Que l’ADG ne soit plus « dehors mais dedans » ne provoque pas les mêmes réactions de rejet chez tous les représentants syndicaux. « Nous considérons que la viticulture a toujours eu son mot à dire au BNIC. Elle n’a jamais été écrasée. En même temps, face à des décisions qui se prennent à 50/50, l’argument d’indépendance nous semblait un peu tiré par les cheveux. Pour nous, la vraie indépendance, c’est l’indépendance financière. C’est pourquoi il nous paraît primordial que la viticulture puisse reconstituer ses stocks. Quant au financement des syndicats via les ODG, on sait que ce n’est pas possible. » A l’écoute de ce discours, faut-il croire qu’une des deux formations syndicales siégeant à l’ADG – le SVBC pour ne pas le nommer – était favorable à la fusion de l’ADG au sein de l’interprofession ? C’est moins simple qu’il n’y paraît. A quelques voix près, les membres du SVBC ont joué le vote unitaire. Et pour certains avec conviction. D’ailleurs, un fervent partisan de l’ADG « en dehors du BNIC » comme Jean-Bernard de Larquier, ne s’y trompe pas. Il ne jette pas l’opprobre sur tel ou tel mais évoque une « co-responsabilité, une responsabilité collective ». « Dans cette affaire, tout le monde a fauté, le SGV comme le SVBC. C’est l’ensemble de la profession qui a manqué de sens des responsabilités. » Un de ses collègues parle d’un défaut de préparation évident, souligne un certain laxisme à mobiliser les délégués viticoles, délégués viticoles eux-mêmes peu impliqués. Un représentant de la viticulture qui n’assistait pas au scrutin n’a-t-il pas omis d’envoyer son pouvoir ! Ainsi, même sans les voix manquantes, le vote « était plié d’avance ». Un acteur concerné témoigne : « Tout ça a traînassé un peu. Nous n’y sommes pas allés avec nos tripes. Si, en elle-même, la consultation était organisée au cordeau, avec isoloir et tout – « mieux qu’en Iran ! » – pour le reste c’était moyen » « Un bug » résume un autre.

Il faut dire que le contexte budgétaire du BNIC n’a certainement pas joué en faveur de « l’indépendance » de l’ADG. De longue date, les négociants en appelaient « au bon sens et aux économies d’échelle ». Des arguments que la baisse des mouvements d’eaux-de-vie n’a fait que conforter. Par ailleurs, l’autre argument « massue » consistait à dire : « s’il y a prélèvement à la source – via le BNIC – personne ne pourra échapper au paiement de la cotisation ADG. » Une accusation « de viticulteurs mauvais payeurs » contre laquelle s’insurgent nombre de représentants syndicaux. « Dans les ODG déjà en place, on s’aperçoit que les cotisations rentrent à hauteur de 96-100 %. On a tiré prétexte d’une adhésion en demi-teinte des viticulteurs à l’ADG (2 800-3000 exploitations sur les 6 200 de l’aire délimitée) pour conclure qu’ils ne paieraient pas mieux leurs cotisations. Mais les bouilleurs de profession et les négociants n’ont pas été plus nombreux à acquitter la leur, entre 50 et 60 %. » Enfin, la collecte des cotisations par le canal de l’interprofession reconnue ODG ne risque-t-elle pas de poser un problème technique ? Car, pour prélever des cotisations, faut-il encore trouver la bonne base de prélèvement. Or la logique voudrait que la cotisation à l’ADG repose sur les ha affectés au Cognac. Cependant, dans le cas d’un prélèvement à la source, il paraît difficile de s’exonérer d’une cotisation sur les hl d’AP, dans la mesure où ce sont les négociants qui servent d’agents collecteurs. Un point qui, dit-on, « devra être examiné tant du point de vue de la faisabilité qu’au niveau de l’équité ».

Qu’une interprofession devienne ODG, c’est possible. La loi de modernisation de 2006 portant réforme des signes officiels de qualité le prévoit et le Code rural en porte mention. Même si l’INAO doit au préalable donner son blanc-seing, le CAC (Conseil des agréments et contrôles) pourra-t-il passer outre à la volonté régionale ? Pour l’heure cependant, seules les interprofessions laitières et fromagères sont dans le cas. La région de Cognac serait donc la première interprofession viticole à être reconnue ODG, comme elle est déjà, en France, la seule région d’appellation vins et eaux-de-vie a avoir inscrit la parité viticulture/négoce dans les statuts de son ADG. Atypique, Cognac l’a toujours été. Dans le grand bain de la normalisation ambiante, la région casse les codes de la bienséance réglementaire. Incorrigible ! n

* Dans le cadre de la réforme des signes officiels de qualité par la loi de modernisation du 5 juin 2006, les ODG (ou ADG) acquièrent le rôle de garant des cahiers des charges (ex décrets d’appellation).

 

 

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