emplois viticoles : la croisade de la formation
Pendant trop longtemps peut-être, le facteur humain a été obéré, marginalisé. Ce qui comptait, c’était le foncier, les hectares, les équipements. Aujourd’hui, on réalise que sans les hommes – et les femmes – dans les parcelles, dans les chais, les pieds de vignes ne sont pas grand-chose. Cette prise de conscience, une tâche l’incarne : la taille de vigne. Quintessence des travaux viticoles, la taille de la vigne ne peut pas être confiée à n’importe qui. Elle nécessite une qualification. Signe des temps ! L’hiver 2013-214 a vu une floraison des formations à la taille de vigne. Dans les pages qui suivent, nous relatons deux parcours à la formation, à tous égards intéressants. Le premier concerne la communauté des gens du voyage. Cette main-d’œuvre disponible, implantée de longue date dans la région, apprécie les travaux saisonniers, qui correspondent bien à son rythme de vie. Jusqu’à maintenant, elle se contentait de tâches peu qualifiantes. Le centre social « Le chemin du hérisson » a eu l’idée de mettre en place une formation à la taille de vigne, spécialement destinée aux voyageurs. Une première et une réussite, qui pourrait être dupliquée.
Avec la formation « Ouvrier viticole 2013 », l’intérim a vu la formation en grand. Non seulement elle propose une formation à la taille de vigne mais elle l’assortit d’autres modules : conduite du tracteur, Certiphyto… Une façon plus actuelle de considérer l’emploi viticole, décloisonné.
Présidée par François-Jérôme Prioton, l’association ADEFA Charente se donne pour mission de rapprocher employeurs et candidats à l’emploi. Ses services, localisés en Charente, sont à découvrir par les exploitants.
Début 2013, la société Hennessy avait signé une charte avec les établissements scolaires charentais. Objectif ! Soutenir l’enseignement viticole. Elle confirme ses intentions et s’engage de façon concrète aux côtés des élèves et de leurs professeurs.
Cette série d’initiatives prouve que le recul de l’emploi viticole n’est pas une fatalité, à condition de persévérer dans l’effort.
Créée en 2011 en Charente, l’ADEFA (Association départementale pour l’emploi et la formation en agriculture) se positionne comme un facilitateur à l’emploi et à la formation agricole dans le département. Association paritaire des syndicats employeurs et salariés, ses services sont gratuits et ouverts à l’ensemble des exploitants et salariés agricoles. Car son financement s’appuie sur une cotisation conventionnelle, prélevée par la MSA sur tous les salaires. ADEFA Charente fonctionne en réseau avec l’échelon national de l’ANEFA.
ADEFA Charente c’est quoi ? C’est d’abord une base de données qui, d’un côté, recense des offres d’emploi agricole 16 (côté employeurs) et des demandes d’emploi émanant du même département. Cette base de données, pour la trouver, il faut taper sur son moteur de recherche internet préféré l’adresse suivante : www.anefa-emploi.org. Car la base de données départementale est hébergée sur le site de l’ANEFA (Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture). On tombe alors sur une bourse d’emploi classique, segmentée en deux espaces, espace employeur et espace salarié.
« Rechercher un profil »
Admettons que vous vous rangiez dans la catégorie de l’employeur à la recherche d’un salarié. La page « Rechercher un profil » est pour vous. Ne vous reste plus qu’à rentrer le nom du département (Charente), le secteur de production concerné (vigne & vin par exemple), voire plus de spécifications (niveau d’expérience, niveau de formation…). Un clic sur « recherche » et s’affiche alors une liste de candidats au poste d’ouvrier viticole, sous numéros de référence. L’un d’entre eux habite-t-il près de chez vous ? Vous consultez sa fiche synthétique. Vous apprenez que c’est un homme, qu’il a 30 ans, qu’il a le permis, qu’il est disponible à partir de février 2014. Son profil vous intéresse. En bas de la fiche, on vous oriente vers l’ADEFA Charente (05 45 61 90 37), pour la mise en relation.
L’ADEFA Charente, c’est aussi une salariée à plein-temps, Sandrine Boinot. Recrutée en octobre 2012, elle avait auparavant travaillé pour l’agence Pôle emploi de Cognac et Manpower Egalité des chances. Une journée par semaine, Sabrina Berton lui prête main-forte. Juriste à l’Association de service juridique et fiscal (Maison de l’Agriculture 16), S. Berton a assuré l’intérim en attendant la création du poste de l’ADEFA.
Un travail de réseautage
Sandrine Boinot est non seulement chargée de mettre en relation employeur et salariés, mais de tout un travail de réseautage. En contact quasi journalier avec Pôle emploi, les missions locales, les chantiers d’insertion, l’association Ohée Prométhée pour l’emploi des salariés handicapées, elle entretient des relations étroites avec les établissements d’enseignement agricole (lycées agricoles, MFR). Cette fois, il s’agit de capter à la source des jeunes gens formés aux métiers de l’agriculture.
S. Boinot participe aux forums, salons de l’emploi et de la formation et autre FOF. « C’est un vrai travail de fourmi » confirme François-Jérôme Prioton, président de l’association. Si l’objectif est de nourrir le fichier des demandeurs d’emploi, l’approche n’est pas uniquement volumique. Elle est aussi qualitative. « Notre atout essentiel, c’est la présélection des candidats que nous sommes capables d’opérer » souligne Sandrine Boinot. Une trame précise de questions (autonomie, activité…) permet de mieux cerner les profils, ajuster les recrutements aux postes. La charte qualité de l’ADEFA l’engage à livrer sa recommandation dans les trois jours ouvrés du dépôt de la demande. « Notre taux de réponse s’est élevé à 48 % sur 2013 » précise le président de l’association.
Le secteur viticole pourvoyeur d’emploi
« A 80 %, les offres d’emploi émanent du secteur viticole » indique la salariée de l’ADEFA Charente. Ainsi, sur les 91 offres d’emploi (CDI – CDD) publiées en 2013 par l’association départementale sur la bourse de l’emploi de l’ANEFA (rubrique Charente), 70 provenaient de la viticulture. Dans le même temps, l’association a relayé les annonces de 583 demandeurs d’emploi. À coup sûr, bon nombre de ces demandes – comme sans doute une partie des offres – furent diffusées sur d’autres canaux (Pôle emploi…). Une situation qui ne perturbe pas l’ADEFA. « Chaque relais possède sa spécificité et nous poursuivons tous le même but. »
L’ADEFA Charente, c’est enfin des élus. La dissolution de l’ASAVPA (Association des salariés de l’agriculture pour la vulgarisation du progrès agricole) en 2009, due à un manque de moyens financiers, a conduit à la naissance de l’association. « Les OPA ont souhaité qu’une structure prenne le relais sur la problématique de l’emploi et de la formation agricole » note François Jérôme Prioton. L’actuel président a lui-même remplacé, en cours de mandat, Joëlle Michaud, élue à la présidence de Corali, le groupement d’éleveurs charentais.
Les statuts de l’association prévoient une alternance de la présidence entre salariés et employeurs. Actuellement, Bernard Angibaud, du collège des salariés, occupe la vice-présidence.
« Au-delà des chapelles syndicales, l’association a vocation à regrouper tous les acteurs de l’emploi. Pour pro-
fiter des services d’ADEFA, nul besoin d’un numéro d’adhérent, d’une création de compte ni rien de ce genre » précise
F.-J. Prioton.
Un tiers évoque « une structure très intéressante, où le dialogue social est facile ».
Association paritaire créée en 2011 par les partenaires sociaux de la convention collective agricole de la Charente, l’ADEFA regroupe des représentants des syndicats de salariés et d’employeurs. À côté de la promotion de l’emploi agricole et des métiers de l’agriculture, son autre mission vise la formation des salariés. Relevés sur le terrain, les besoins de formation remontent vers le FAFSEA. « Nous ne sommes pas dispensateurs de formation mais nous pouvons actionner les leviers » indique F.J. Prioton.
Facteur limitant
Viticulteur à Auge-Saint-Médard (canton de Rouillac), François Jérôme Prioton voit le manque de « ressource humaine » comme le principal facteur limitant de l’activité Cognac. « Si nous voulons respecter les engagements du Business Plan (étude du cabinet Eurogroup pronostiquant une substantielle évolution des ventes de Cognac à terme NDLR), nous devons relever le défi de l’emploi. » « L’agriculture, dit-il, est un métier d’avenir, qui a beaucoup changé ces trente dernières années. Il est devenu beaucoup plus technique. Aujourd’hui, un salarié peut être fier de travailler dans la filière agricole. Avec l’agrandissement des exploitations, des postes d’encadrement apparaissent. »
Bureau de l’ADEFA Charente
Président : François-Jérôme Prioton
Vice-président : Bernard Angibaud
Secrétaire général : Jean-François Broc
Secrétaire général adjoint : Alain Brodu
Trésorier : Fabien Paquet
Trésorière adjointe : Muriel Wieber
Le réseau ANEFA/ADEFA
L’ANEFA (Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture) a été créée en 1992 par les partenaires sociaux de l’agriculture, à l’issue de la négociation de la convention collective agricole de 1992. FNSEA, FNCUMA, entreprises du paysage, du bois et d’autres participent au collège employeurs. Au titre du collège salariés, siègent les sections agricoles CFDT, CGT, FO… Les missions de l’ANEFA ? Communiquer sur les métiers et les formations de l’agriculture ; promouvoir l’emploi agricole ; informer sur les besoins en recrutement de salariés agricoles. Cela dit, sa plus grande visibilité, l’ANEFA la trouve sur internet, où elle anime une bourse de l’emploi agricole, en réseau avec 42 structures décentralisées, régionales (AREFA) et départementales (ADEFA). Sur cette base, l’ANEFA est financée par une cotisation de 0,02 %, due à parts égales (0,01 % chacun) par tous les employeurs et salariés de la production agricole nationale. Sur les bulletins de salaires, la ligne servant à financer l’ANEFA regroupe aussi l’AFNCA (Association nationale paritaire pour la négociation collective en agriculture) et PROVEA (Prospective, recherche, orientation et valorisation de l’emploi en agriculture). Sur un pourcentage global de prélèvement de 0,27 % de la masse salariale agricole française, l’organisme d’études PROVEA en perçoit la plus grande part (0,21 %). L’association PROVEA est régulièrement épinglée par la presse et certaines organisations syndicales (Coordination rurale) comme un fonds « au service de la FNSEA ».
Le financement de l’ADEFA a été approuvé par les partenaires sociaux de la branche agricole charentaise, sur le fondement de la convention collective du 7 juin 1990. Comme pour l’ANEFA, la MSA se charge du recouvrement de la cotisation. La cotisation conventionnelle (par différence avec la notion de cotisations sociales légales) s’élève à 0,1 % de la masse salariale, versée à parité par les employeurs et les salariés charentais (0,05 % chacun). ADEFA et ANEFA partagent à peu près la même composition (UDSEA, FDCuma…).
D’un côté comme de l’autre, la Coordination rurale n’y siège pas. De même, l’actuelle Chambre d’agriculture de Charente n’apporte pas son concours financier à l’ADEFA. Franck Olivier, agriculteur à Vitrac-Saint-Vincent, en Charente Limousine, est le président départemental de la Coordination rurale. Il dénonce « des prélèvements toujours en augmentation et une association qui fait double emploi avec d’autres ». Il parle « d’empilement de structures » et de difficulté à en apprécier l’efficacité. « En général, les candidats à l’emploi s’inscrivent un peu partout. Derrière, chaque structure revendique le placement. »
La région Poitou-Charentes compte deux ADEFA, en Vienne et en Charente. En Cha-rente-Maritime, la FDSEA gère une bourse de l’emploi.