« Les nouveaux vins de l’ancien monde »

18 septembre 2009

Parce que la production 2002 (environ 65 000 caisses) arrivera sur le marché dès septembre 2003, la coopérative ACV est en train d’arrêter son plan marketing. Présentation lors de l’A.G. du 16 décembre, devant des viticulteurs « bluffés ».

 

L’année 2001 avait joué comme un ballon d’essai, 2002 aura été la véritable année de lancement de la coopérative et 2003 sera celle de la concrétisation commerciale. C’est en effet 65 000 caisses (la production de 5 800 hl portant sur 40 ha de blanc et 130 ha de rouge) qui vont débouler en septembre 2003. Par rapport au millésime 2001 (2 800 hl représentant 25 000 caisses), la coopérative va donc devoir faire face à un doublement de ses volumes. Elle s’y prépare depuis plusieurs mois déjà en réfléchissant à son plan marketing. Elle bénéficie pour se faire du concours de la maison Rémy Martin, conformément à l’engagement implicite qui constitue l’un des ciments de l’ACV. Vincent Géré, directeur international communication-produit chez R.M., s’est associé à Pierre Delair pour travailler sur la stratégie marketing de la coopérative. Objectif : extraire du projet le « cœur de l’histoire » et soumettre – autrement dit « vendre » – cette histoire aux distributeurs et futurs clients. « Le marketing, explique V. Géré, ce n’est pas de la magie mais beaucoup de bon sens. » Cela revient souvent à se demander quelle est la vraie différence du projet ; ce qui le différencie par rapport aux autres ; et comment mettre en avant cette différence de la manière la plus simple et la plus séduisante possible ?

Marchés cibles

Le premier préalable a consisté à identifier les pays cibles, les « target markets ». La coopérative en a retenu quatre : Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et Canada. Pourquoi ces pays ? Parce qu’ils sont d’une certaine manière incontournables, soit par leur vision innovante des vins, soit par leur pouvoir d’achat qui laisse espérer la meilleure valorisation possible ou, dans le cas de la France, parce qu’il s’agit d’un marché vitrine. D’autres marchés sont porteurs mais sans doute avec moins de facilité. Dans un deuxième temps, Vincent Géré et Pierre Delair se sont lancés à recherche des « valeurs clés du projet ». « D’où vient-on et où est-ce que l’on va ? » L’identification d’un potentiel vin au cœur du Cognac leur a semblé une valeur fondatrice. Que l’esprit d’entreprise anime les producteurs de Cognac, voilà qui n’avait rien de très original. Mais que cet esprit d’entreprise ne soit pas tourné vers le seul Cognac mais s’étende aussi au vin, manifestement, il s’agissait d’une attitude nouvelle et un bon support de communication. « La culture du vin préside chez les grands du Cognac ! » Si l’on y ajoute l’utilisation des technologies modernes de vinification, l’attention portée aux terroirs, le souci de traçabilité, une stratégie se dessine, résumée d’une phrase : « les nouveaux vins de l’ancien monde ». Ce slogan pourrait bien servir de credo à la marque car « sans marque, il n’y a pas d’avenir ». D’autres convictions animent le groupe ACV, comme par exemple que la culture de l’AOC n’est pas forcément exportable ; qu’à l’international, une politique de vins de cépages est quasi incontournable ; que la visibilité sur les linéaires passe par une forte identité visuelle ; que la marque ombrelle ne va pas sans une gamme de produits, à la fois concentrée et complète. « A partir d’une feuille blanche, nous sommes en train d’obtenir le meilleur d’une région » soutiennent les protagonistes. Mais comment le traduire sur l’étiquette ?

La naissance d’une marque

C’est la notion de « meilleur » qui va servir de fil rouge à la démonstration. Et d’assister quasi en « live » à la naissance d’une marque et de ses différentes déclinaisons. Le point de départ est de dire que les vins proviennent de « la vallée des meilleurs domaines », des domaines qui, dans le parlé local, se disent aussi « maines ». Mais, dans la langue de Shakespeare, « main » signifie également « meilleur », « principal », d’où, par association d’idées, les « Mains Valleys » comme il existe la Nappa Valley. Reste ensuite à adapter ce concept aux différents terroirs de la coopérative, par une traduction plus ou moins littérale du français vers l’anglais. Pour le Val de Graves, ce sera la Stone Valley, pour les groies de Jarnac la Red Lime Stone Valley, pour les terres blanches du Cognaçais, les Lime Stone Terraces. Le dernier étage de la construction va consister à accoler à ces dénominations les notions de cépages ou de rareté (les vins premium) pour donner toute sa densité à la marque.

Un positionnement en prix élevé

Comme dans toute démarche marketing, le positionnement prix est lourd d’enjeu. Pour V. Géré, « se positionner à un prix d’entrée est le meilleur moyen de ne pas arriver à son objectif ». « Le prix a une valeur de démonstration auprès des distributeurs. » Ainsi, pour un « Stone Valley Merlot », la recommandation de prix en Grande-Bretagne va être de 7,90 euros, 10 euros aux Etats-Unis et 6,80 euros en France. « Le haut de gamme ne tourne pas autour de 3, 4 ou 5 euros mais du double. Le vin qui a connu cette année la meilleure progression est un vin australien qui a progressé de 20 000 à 80 000 caisses en six mois. Il jouait d’un packaging décalé et d’un prix élevé. On a également vu un distributeur anglais s’approprier une marque chilienne, au bénéfice de cette dernière. Les acheteurs n’attendent pas nécessairement de l’ancien monde des innovations. Si vous le faites, vous serez parmi les premiers. »

Si le projet ACV se déroule comme prévu, la marque devrait avoisiner à terme les 250 000 caisses, représentant un volant de chiffre d’affaires de 3 millions d’euros. « Avec un tel potentiel, nous serons capables d’intéresser les distributeurs » espère Jean-Louis Brillet, président de la cave.

Premières rémunérations

C’est en octobre 2002 que les adhérents de l’ACV ont reçu leurs premiers versements. Un prix honnête mais qui devra s’améliorer.

A la mi-décembre, 60 % du millésime 2001 était vendu, moitié aux adhérents et moitié à l’extérieur, en Charentes mais aussi à la centrale d’achat Metro. Le versement du premier acompte est intervenu en octobre 2002, un deuxième suivra en mars 2003 et le versement du solde est prévu en septembre 2003. Si, à terme, la coopérative s’est donnée comme objectif de rémunérer les vins sur une base de 10 F le litre, l’engagement de départ portait sur une rémunération nette d’au moins 6 F le litre. Pari tenu avec le versement d’un euro par litre (6,5 F), diminué cependant de 30 % affectés au compte courant bloqué. Ces prélèvements, le président Brillet laisse entendre qu’ils pourraient se réitérer pendant 4 ou 5 ans encore, le temps de constituer suffisamment de fonds propres. « Il faut bien voir que la coopérative part de rien. » Justement, c’est pour assurer le fonds de roulement de la nouvelle structure et lui permettre de financer ses stocks que la coopérative Champaco a consenti un prêt à l’ACV*. La convention a été ratifiée en AGE le 16 décembre.

200 adhérents

La coopérative compte à ce jour 200 adhérents pour un engagement de 360 ha de vignes plantées sur les deux départements. Elle a fonctionné la saison dernière avec quatre permanents dont Laurent Lespinasse, maître de chai, et vient de recruter « un chef d’équipe » qui prendra ses fonctions en mars prochain. Disposant d’une formation commerciale et de gestion, il connaît bien le vin pour avoir vinifier dans un Château bordelais avant un passage à la Caisse des dépôts et consignations. L’embauche d’un cadre export est prévue en fin d’année. Des intérimaires, au nombre de six, sont venus renforcer les effectifs durant les vendanges et la vinification, sans parler de l’équipe de vendangeurs. A propos de la récolte manuelle, J.-L. Brillet a parlé de « chaîne humaine », « l’occasion de ressouder les liens entre membres de la coopérative ». Parmi les projets immédiats, la cave envisage d’implanter le centre de vinification de Pons avant les vendanges prochaines avec, promet-on, un bouclage des travaux moins serré qu’à Segonzac. Le site de Mérignac-Jarnac, en région de groies, devrait voir le jour en 2004, sachant que la demande de subvention est déjà déposée. Quant à Segonzac, un doublement du site est prévu, pour faire face aux 180 ha plantés alentours, dont les 4e et 5e feuilles vont bientôt arriver en production. A terme, le site de Segonzac devrait accueillir une chaîne d’embouteillage pour traiter les 3 millions de cols correspondant au niveau d’étiage de la coopérative.

(*) Plus de 100 adhérents de l’ACV sont également adhérents de Champaco.

 

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