Viticulteurs : une relation assez lointaine à La Marque

14 mars 2009

Manifestement, la marque ne dégage pas la même aura côté négoce et côté viticulture. Quand le négoce a tendance à sacraliser sa marque, la viticulture la traite avec une certaine légèreté pour ne pas dire négligence. Le temps manque, elle ne « voit pas à mal » et répugne à investir. « Encore des soustractions ».

porte.jpg« On a prévu de le faire mais ce n’est toujours pas fait. » Cette dynamique entreprise viticole, qui commercialise ses produits sous une marque de « fantaisie » dont elle est satisfaite car elle lui procure une bonne identification, n’a toujours pas pris le temps de la déposer. C’est envisagé… un jour. Même chose chez cet autre viticulteur, pourtant très affûté au plan marketing. De nouveaux cocktails naissent régulièrement sous sa patte mais aucun n’a fait l’objet d’un dépôt de marque. « Peut-être par négligence, par manque d’infos, on y a pensé mais ça n’est pas allé plus loin. » Pourtant, tous les discours ne se ressemblent pas. Ce viticulteur, lui, a pris la mesure de la valeur de sa marque. Sans doute parce qu’il a un homonyme dans la partie Cognac. « Un homme charmant au demeurant, explique-t-il, mais s’il lui prenait l’envie de déposer son nom comme marque, je serais coincé. J’ai préféré prendre les devants. » Il a donc fait enregistrer son nom patronymique qui lui servait de marque ainsi qu’un petit logo de sa maison. Aujourd’hui, il se sent protégé. « A condition d’être à jour de mes dépôts, je suis le seul à pouvoir exploiter mon nom comme marque. Au pire, mon homonyme pourrait se prévaloir de son nom au bas d’une étiquette comme identifiant du responsable de la commercialisation. » La gestion de ses dépôts de marque, il l’a confiée à un cabinet spécialisé, « sans doute par facilité » avoue-t-il. Il lui en coûte plus cher que s’il s’en chargeait seul : « environ 15 000 F pour les 10 ans en France et 40 000 F sur un marché d’export lointain ». Il ne le regrette pas. Sur le marché d’export notamment, « tout le monde peut déposer une marque et vous demander des royalties ». Dans ces conditions le dépôt lui paraît indispensable. « Ne pas le faire engendre trop de tracas. »

Une propriété viticole, implantée de longue date, dont les produits jouissent d’une excellente réputation, a choisi de gérer en direct l’enregistrement de ses marques. « Je ne sais pas si c’est la bonne solution s’interroge son manager, car nous manquons de rigueur. » D’ailleurs, pour un marché, la date du renouvellement du dépôt est dépassée de quatre mois. « En l’absence de relance, il faut être vigilant », reconnaît le chef d’entreprise qui avoue bien volontiers que, jusqu’à maintenant, le dossier « dépôt de marque » ne faisait pas partie de ses priorités. « Nous ne sommes pas une grosse entreprise. Je ne suis pas toujours là pour donner à la secrétaire les renseignements dont elle a besoin pour effectuer le renouvellement. » Alors que son packaging est régulièrement copié, qu’il le sait et que ça l’agace, il ne s’inquiète pas trop pour sa marque. « On ne pense pas à mal. Parfois mes enfants me disent que je ne suis pas assez méfiant. » Au moins estime-t-il que la protection en directe auprès de l’INPI ne lui coûte pas cher. Il ne nourrit pas une confiance immodérée dans les cabinets spécialisés. « On est jamais sûr de rien. Je répugne un peu à confier ma marque à quelqu’un d’extérieur. » Peut-être sa position pourrait-elle évoluer s’il trouvait un cabinet « vraiment sérieux ».

Copie conforme

Viticulteur à Chamouillac, entre Mirambeau et Montendre, Robert Daviaud s’est taillé une belle renommée sur le marché belge avec son Pineau « Maison Daviaud, domaine de la Coussaie ». Il y a quinze ans, quelle n’est pas sa surprise puis sa colère de voir apparaître un nouveau Pineau Daviaud en Belgique. La ressemblance est frappante, « copie conforme ». Même étiquette verte et beige, même bouteille, même cible géographique. Seul diffère le système de bouchage, bague à visse au lieu de bouchon liège. Pour R. Daviaud, le doute n’est pas permis. Il y a bien intention de tromper le consommateur et de récolter le fruit d’années de travail. D’autant que « l’autre » Pineau Daviaud est vendu 7 F moins cher. « Mes clients me faisaient remarquer cet écart de prix. J’ai dû passer du temps pour “rattraper le coup” et sauver ma clientèle. » Reprise par le groupe allemand Aldi, la marque perdure et continue de semer la confusion. De Belgique, elle a gagné le Nord de la France puis le Sud. La famille Daviaud n’avait pas déposé sa marque. Elle n’a pas pris le risque d’attaquer en justice. « Si tout va bien, nous aurions pu être condamnés par les tribunaux. » Re-surprise quand les Daviaud reçoivent une lettre d’un grand cabinet d’avocats parisien les sommant de lui fournir des informations sur le Whisky qu’ils vendent à Taïwan. Les viticulteurs tombent des nues. En fait, un opérateur charentais avait adopté la marque Daviaud pour vendre du faux Whisky à Taïwan. Cette fois, la mystification fut vite levée.

Depuis quinze ans, les Daviaud père et fils ont appris à vivre avec une marque qui leur ressemble. « Quelque part c’est nuisible mais qui peut-on ? Nous nous appellerons Daviaud toute notre vie. » La famille ne pense même pas à déposer sa marque. Trop tard « et ce serait encore des soustractions ». « Le mal est fait dit-elle. Nous sommes rodés. »

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