Manifestement, la marque ne dégage pas la même aura côté négoce et côté viticulture. Quand le négoce a tendance à sacraliser sa marque, la viticulture la traite avec une certaine légèreté pour ne pas dire négligence. Le temps manque, elle ne « voit pas à mal » et répugne à investir. « Encore des soustractions ».
Une propriété viticole, implantée de longue date, dont les produits jouissent d’une excellente réputation, a choisi de gérer en direct l’enregistrement de ses marques. « Je ne sais pas si c’est la bonne solution s’interroge son manager, car nous manquons de rigueur. » D’ailleurs, pour un marché, la date du renouvellement du dépôt est dépassée de quatre mois. « En l’absence de relance, il faut être vigilant », reconnaît le chef d’entreprise qui avoue bien volontiers que, jusqu’à maintenant, le dossier « dépôt de marque » ne faisait pas partie de ses priorités. « Nous ne sommes pas une grosse entreprise. Je ne suis pas toujours là pour donner à la secrétaire les renseignements dont elle a besoin pour effectuer le renouvellement. » Alors que son packaging est régulièrement copié, qu’il le sait et que ça l’agace, il ne s’inquiète pas trop pour sa marque. « On ne pense pas à mal. Parfois mes enfants me disent que je ne suis pas assez méfiant. » Au moins estime-t-il que la protection en directe auprès de l’INPI ne lui coûte pas cher. Il ne nourrit pas une confiance immodérée dans les cabinets spécialisés. « On est jamais sûr de rien. Je répugne un peu à confier ma marque à quelqu’un d’extérieur. » Peut-être sa position pourrait-elle évoluer s’il trouvait un cabinet « vraiment sérieux ».
Copie conforme
Viticulteur à Chamouillac, entre Mirambeau et Montendre, Robert Daviaud s’est taillé une belle renommée sur le marché belge avec son Pineau « Maison Daviaud, domaine de la Coussaie ». Il y a quinze ans, quelle n’est pas sa surprise puis sa colère de voir apparaître un nouveau Pineau Daviaud en Belgique. La ressemblance est frappante, « copie conforme ». Même étiquette verte et beige, même bouteille, même cible géographique. Seul diffère le système de bouchage, bague à visse au lieu de bouchon liège. Pour R. Daviaud, le doute n’est pas permis. Il y a bien intention de tromper le consommateur et de récolter le fruit d’années de travail. D’autant que « l’autre » Pineau Daviaud est vendu 7 F moins cher. « Mes clients me faisaient remarquer cet écart de prix. J’ai dû passer du temps pour “rattraper le coup” et sauver ma clientèle. » Reprise par le groupe allemand Aldi, la marque perdure et continue de semer la confusion. De Belgique, elle a gagné le Nord de la France puis le Sud. La famille Daviaud n’avait pas déposé sa marque. Elle n’a pas pris le risque d’attaquer en justice. « Si tout va bien, nous aurions pu être condamnés par les tribunaux. » Re-surprise quand les Daviaud reçoivent une lettre d’un grand cabinet d’avocats parisien les sommant de lui fournir des informations sur le Whisky qu’ils vendent à Taïwan. Les viticulteurs tombent des nues. En fait, un opérateur charentais avait adopté la marque Daviaud pour vendre du faux Whisky à Taïwan. Cette fois, la mystification fut vite levée.
Depuis quinze ans, les Daviaud père et fils ont appris à vivre avec une marque qui leur ressemble. « Quelque part c’est nuisible mais qui peut-on ? Nous nous appellerons Daviaud toute notre vie. » La famille ne pense même pas à déposer sa marque. Trop tard « et ce serait encore des soustractions ». « Le mal est fait dit-elle. Nous sommes rodés. »