A chacun son tempo

4 juin 2013

On ne dira jamais assez combien le Cognac n’est pas un mais pluriel. Il n’aura pas fallu plus d’une once d’inquiétude sur le marché chinois pour que la belle façade unitaire du Cognac montre, non pas ses lézardes mais son architecture interne. A chacun sa logique, à chacun son tempo.

Justement, la maison Rémy Martin a revendiqué son « calendrier propre » pour annoncer le contenu de son nouvel engagement, à l’orée du renouvellement des contrats individuels à trois ans des bouilleurs de cru. Cela s’est passé le 23 avril dernier, devant les 1 200 partenaires d’Alliance Fine Champagne et leurs conjoint(e)s, lors d’une soirée spéciale organisée sur le site de Merpins (article dans le prochain Paysan Vigneron). « Nous faisons cette annonce, a dit Patrick Piana, le directeur général de la société, bien en amont des autres maisons mais aussi du cycle végétatif de la vigne, pour vous permettre de vous projeter dans le temps. » Un terme a résumé son propos : ambition. Ambition de la maison en terme de volume, ambition en terme d’engagement contractuel, ambition en terme de prix. Les volumes tout d’abord. Rémy Martin souhaite voir les volumes collectés auprès des adhérents d’Alliance Fine Champagne progresser de l’ordre de 30 % d’ici à la récolte 2016, fin de la nouvelle période triennale. Un « potentiel de conquête »
qu’elle juge atteignable – « Rémy Martin est la seule maison qui défende les crus de Petite et Grande Champagne sur les marchés. Par ailleurs, l’augmentation de la production permet des allocations supplémentaires et, à la marge, il y a certainement des arbitrages possibles entre maisons. » L’engagement contractuel ensuite – Pour les exploitations dont l’engagement sera égal ou supérieur à 6 hl AP/ha (en cumulé, contrats individuel et collectif), la maison propose de pouvoir porter le contrat à 6 ans. De plus, les mêmes se voient accorder un « bonus de vieillissement » avec la possibilité de livrer 20 % du contrat en compte 5. Les prix enfin – « Sur les crus de Grande et Petite Champagne, la maison veut redevenir leader » a-t-il été précisé. En conséquence, des revalorisations significatives de prix ont été annoncées sur la « cote Rémy Martin », d’autant plus importantes que le compte d’âge évolue. A titre d’exemple, les comptes 2 voient leur prix progresser de 19 %, les comptes 4 de 27 % et les comptes 6 de 35 %. « Les résultats de la maison, la santé du groupe, le dynamisme de nos marques nous permettent de conduire cette politique. Nous avons les moyens de nos ambitions. Nous sommes en capacité de dérouler notre feuille de route » a déclaré Patrick Piana.

C’est le 14 mai que s’est tenue l’assemblée générale de la Sica de Bagnolet, principal fournisseur de la maison Hennessy. L’occasion, à chaque fois, d’une « prise de parole » de ses dirigeants. Dans le climat qui préside au Cognac aujourd’hui, Bernard Peillon, P-DG de la société, a largement insisté sur le « modèle Hennessy ». « Il se base, a-t-il dit, sur une double logique : un étalement géographique de nos ventes – « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » – et une croissance sur l’ensemble de notre portefeuille, du Hennessy VS jusqu’au Richard. » Passant sur le million de caisses atteint par la marque en Chine – « ce n’est pas une fin en soi, seul compte le long terme » – il a confirmé les objectifs de développement de sa maison : atteindre les 10 millions de caisses. Dans cette perspective de développement volumique, il a annoncé l’acquisition par Hennessy d’une trentaine d’ha sur la commune de Salles-d’Angles pour doubler la chaîne d’embouteillage de la Vignerie. « Hennessy, a-t-il dit, est le leader incontesté de la région. Cela confère à la maison des responsabilités. Ces investissements considérables préparent l’avenir. » Alors que la région ausculte de près ses statistiques, B. Peillon a indiqué que sa maison ne remettait pas en cause ses objectifs de hausse pour 2013. « Comme toujours, dans les moments un peu plus compliqués, une marque puissante tire mieux son épingle du jeu. Elle peut se redéployer, attaquer de nouveaux relais de croissance. C’est plus difficile pour les opérateurs moins armés, qui agissent sur des marchés d’opportunité. »

Il y a des périodes que l’on peine à qualifier ; des périodes « d’entre-deux » où le temps semble comme suspendu. Certains parleront d’attentisme. Les affaires continuent, le marché ne s’effondre pas, rien d’alarmant ne se passe. Pourtant tout le monde est un peu plongé dans l’expectative, sans doute dans l’attente de « voir comment le vent tourne ». Tel est le climat qui prévaut aujourd’hui sur le marché de place des eaux-de-vie. Après une envolée très forte des prix avant le changement de compte, l’heure est à un certain tassement, conjugué à une demande assez molle. « Quand nous avons une belle marchandise, il n’y a pas de raison qu’elle ne s’en aille pas. Mais quand la marchandise est moyenne, c’est un peu plus difficile à passer » indique un professionnel qui rajoute : « Nous ne sommes pas harcelés par les appels. Les acheteurs sont plutôt en service minimum. » Des opérateurs prudents, qui ne veulent pas se charger. Les plus grands sont couverts et les petits se contentent d’assurer leurs besoins vitaux. A tout dire, on attend une éclaircie courant d’été. Bon côté des choses : la viticulture n’est pas aux abois. Ses besoins de trésorerie ne se manifestent pas de façon criante. Ce qui éloigne le risque d’une spirale à la baisse associée à un mouvement de panique. Pour une fois, la région à les moyens de temporiser. Par ailleurs, si, sur les eaux-de-vie jeunes, les spécialistes ne s’émeuvent pas outre mesure d’un certain retour à la normalité – y voyant même un semblant de logique – rien de tel sur les rassises. « Ces eaux-de-vie vieilles étaient finalement sous-évaluées. Souhaitons que les prix des comptes 10 restent malgré tout pas loin de leur niveau actuel. »

Aujourd’hui, plus personne n’ignore l’existence d’un Plan collectif à la restructuration pour le bassin Charentes-Cognac. Les quatre réunions d’information organisées par le syndicat UGVC ont reçu un large écho : 450 viticulteurs y ont participé.

Ce qu’il faut bien avoir présent à l’esprit, c’est qu’après le 30 juin 2013, il sera trop tard pour s’inscrire dans le Plan collectif à la restructuration. « Il n’y aura pas de séance de rattrapage » précise Marlène Tisseire, directrice du syndicat. Ainsi, les personnes intéressées doivent-elles impérativement déposer leur dossier avant cette date (1), pour les trois ans à venir. Car la caractéristique du Plan collectif est de courir sur trois ans – 2013, 2014, 2015 – même si cela n’oblige pas à planter tous les ans. Par contre, dans le dossier, doit figurer le programme de plantation, pour l’ensemble de la période. A noter toutefois que la souscription au Plan collectif n’empêche pas le viticulteur de bénéficier des aides à la restructuration individuelle sur d’autres surfaces. Les deux démarches sont compatibles.

L’un des avantages du Plan collectif est de majorer de 3 500 €/ha l’indemnité pour perte de recette, une indemnité versée que si les plantations font suite à un arrachage. Mais l’avantage le plus substantiel peut-être consiste à garantir le niveau de prime actuel sur toute la durée du plan (2013-2015), quelle que soit l’origine de la plantation : plantation après arrachage ou plantation anticipée. Ce qui veut dire que les plantations anticipées ont droit de cité dans le Plan collectif. Elles y rentrent de plain-pied. Certes, elles ne bénéficient pas du bonus sur la perte de recette mais si on les porte dans le Plan, on est sûr du maintien de la prime à la restructuration.

Il faut savoir qu’au niveau européen les enveloppes nationales d’aides viticoles sont en cours de renégociation. Si une baisse des aides venait à être décidée, cela toucherait exclusivement les plantations individuelles. Car les instances nationales ont décidé de « sanctuariser » les programmes couverts par les Plans collectifs à la restructuration, au nom de l’intérêt présenté par la démarche – « Non seulement cela permet de prévoir les enveloppes financières mais cela aide aussi le viticulteur à avoir une démarche prospective sur son exploitation. Qui plus est, le bassin affiche de cette façon son dynamisme aux yeux des autres bassins viticoles. » Pour sa part, le bassin Charentes-Cognac a souscrit un Plan collectif à hauteur de 4 400 ha sur trois ans (sur la base des chiffres de plantations observées ces dernières années, assortis d’un « delta » supplémentaire). Si, par hasard, les surfaces se révélaient insuffisantes pour répondre à toutes les demandes, le « premier inscrit serait le premier servi », selon les usages en vigueur.

(1) Dossier à déposer auprès de l’UGVC, reconnue comme structure porteuse. Les documents sont à télécharger sur le site de France-AgriMer. Le syndicat conseille aux viticulteurs de rédiger un premier « brouillon » de la demande – avec notamment le programme de plantation – et ensuite de prendre contact avec la personne ressource à l’UGVC, Marie-Emmanuelle Brodeau.

 

 

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