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N°1252 - Juin 2022

La grêle touche fort les deux Charentes

5 juil. 2022 Par La Rédaction
La grêle touche fort les deux Charentes

Des orages de grêle violents impactent près de 10 000 ha

Un orage de grêle et de pluie d’une rare intensité s’est abattu dans le Sud-Ouest et le Val de Loire, touchant fortement les deux Charentes, le lundi 21 juin au soir. Les fortes précipitations mêlées à de la grêle ont fait d’énormes dégâts dans le vignoble selon les exploitations.

Les premiers constats sont sans appel : près de 10 000 ha de vignes auraient été touchés, soit près de 15 % du vignoble cognaçais. Un autre coup dur pour les viticulteurs qui, après avoir subi un gel sévère l’an passé, sont touchés par la grêle cette année. Et parfois très durement. C’est le cas de Nicolas Tricoire, viticulteur à Saint-Brice (Charente), qui estime les dégâts à 50 % sur les 45 ha qu’il exploite. « C’est très dur », confie-t-il, au bord d’une parcelle impactée. « Je n’ai pas de chance, depuis 2010, j’ai déjà été grêlé 8 fois », précise le viticulteur, l’air dépité. En l’espace d’un quart d’heure, il est tombé 60 mm d’eau mêlée à de la grêle qui a été projetée sur les rangs des vignes. Et c’est peut-être ces fortes précipitations qui ont permis de limiter la casse. Néanmoins le mal est fait. « Selon mes premières observations, on n’a pas de casse sur les rameaux, ou très peu, ni sur les feuilles, mais surtout des impacts sur les baies. » Sous le choc, le viticulteur espère que la météo des prochains jours sera clémente. Du vent et du soleil pourraient cicatriser les baies éclatées par les impacts de grêle. « La vigne pourrait alors continuer son cycle jusqu’aux vendanges, après ce traumatisme », espère Nicolas Tricoire.

« J’ai une pensée pour ceux qui n’ont plus rien »

Bien qu’affecté par ces conditions, Nicolas Tricoire est solidaire avec les viticulteurs, surtout ceux de l’Estuaire très impactés. « J’ai une pensée pour ceux qui ont tout perdu en l’espace d’un moment. J’ai connu cela. C’est terrible. Pour eux, les vendanges sont réglées ! », souligne-t-il, plein d’émotion. Pour Sébastien Lepetit, sous-préfet de Charente, « ces orages sont le fruit de la canicule du mois de juin et des aléas climatiques. Cela va malheureusement se reproduire plus souvent ». C’est à craindre. « Face aux aléas climatiques, il faut trouver des solutions avec l’ensemble des acteurs concernés, non seulement pour l’agriculture, mais aussi pour la viticulture et l’arboriculture. C’est un sujet de société », martèle Sébastien Lepetit. Si les parcelles de Nicolas Tricoire n’ont pas été touchées sur les rameaux et les feuilles, ou très peu, ce n’est pas le cas pour Romain Martin.

Les rameaux, les feuilles et les grappes très impactés

Le jeudi 2 juin à 20 heures, un autre orage a aussi frappé la Charente. Cette fois, les dégâts n’ont été observés que sur le vignoble charentais. Romain Martin, viticulteur et céréalier sur la commune du Breuil, au Nord de la Charente, s’en souvient encore. « Un orage de grêle d’une rare violence s’est abattu sur mon exploitation. Il est tombé 60 mm de pluie en 30 minutes montre en main. C’était impressionnant ! », dit-il. Des grêlons d’une grosseur de balles de ping-pong ont impacté environ 30 % de son exploitation viticole de 35 ha (lire son témoignage page 11).
Lorsqu’on arrive sur les parcelles touchées de Romain Martin, ce qui frappe c’est l’état général de la vigne. Rien n’a été épargné par l’orage de grêle, ni les rameaux, ni les feuilles, ni les grappes. Après ce constat et le passage des experts pour évaluer les dégâts, les viticulteurs sont parfois enclins à apporter des engrais foliaires pour booster leurs parcelles. « Mais, il n’y a rien à faire. Il faut laisser faire la nature », souligne Laurent Duquesne, responsable du pôle viticole à la chambre d’agriculture de Charente, qui précise néanmoins de bien « continuer les traitements phyto pour protéger le feuillage. Il faut maintenir une protection de qualité, pour éviter que le mildiou s’installe dans les parcelles touchées ». S’agissant des impacts sur grappes, « la vigne, dit-il, a une certaine faculté à refaire des tissus et à reprendre son cycle. Je ne pense pas que les impacts sur grappes soient en mesure de compromettre le rendement, hormis les grappes sectionnées par les grêlons ». On l’a compris, il faut laisser la vigne se remettre de ce traumatisme, et qu’elle reprenne son cycle végétatif lentement.
On sait par ailleurs qu’à ce stade du développement de la vigne, « on était en phase d’induction florale. C’est pourquoi, il est possible que la floraison soit perturbée la campagne prochaine, ce qui impactera le rendement final. C’est à craindre.

Une taille plus technique

Les impacts de la grêle sur les rameaux auront comme conséquence une taille plus technique, « une taille à soigner » l’année prochaine.
Cela prendra donc plus de temps. L’essentiel sera bien de trouver du bois pour tailler, des lattes et des pousses.
Bien que la grêle ne soit jamais « la bienvenue », « il est préférable d’avoir une grêle tôt dans la campagne plutôt qu’à la fin juillet. Dans cette configuration, on peut s’attendre à une perturbation du cycle cultural de l’année suivante », explique Laurent Duquesne. Et le mois de juillet est déjà là. « Espérons que la grêle épargne notre vignoble », résume Romain Martin.

Des orages supercellulaires, c’est quoi ?

Selon Bernard Georgeon, co-président de l’Aidelfa (Association inter-départementale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques des Charentes), à Segonzac, « les orages sont de plus en plus précoces dans la campagne ». C’est effectivement ce que rapporte une étude statistique qui indique que « les orages qui se produisaient durant l’été dans les années 1990, aujourd’hui ont lieu à la fin du printemps ou au tout début de l’été. Mais, cette année particulièrement, ce qui caractérise les épisodes de grêle du mois de juin, « ce sont des orages appelés supercellulaires ». Ce sont des orages les plus puissants au monde, qui peuvent s’étendre sur une distance de plusieurs centaines dekilomètres. Ils provoquent dans leurs passages des dégâts importants. « Ils avancent aussi très vite, ce qui rend d’autant plus difficile l’ensemencement de l’iodure d’argent », explique Bernard Georgeon précisant qu’aujourd’hui « 100 postes anti-grêle sont opérationnels sur les deux Charentes ».

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