2016 : Une année cabossée

3 novembre 2016

Gel printanier, sécheresse estivale, orages de grêle à répétition (mai, juillet, août, septembre)…Au niveau de la région délimitée Cognac, l’année 2016 fut une année cabossée pour ne pas dire plus. En termes de rendement, ces circonstances particulières donnent une récolte que l’on pourrait qualifier de « moyenne moins ». A travers les exploitations de son réseau matu. la Station viticole du BNIC table sur un rendement moyen régional compris entre 9,5 et 10 hl AP/ha. A titre de comparaison, le rendement 2015 s’élevait à 12,4 hl AP ha et celui de 2014 à 11,3 hl AP.  Cela dit, ne pas oublier que, sur la décennie passée, le rendement moyen ne fut « que » de 10,6 hl AP/ha. D’où un assez faible écart avec le score actuel. La récolte 2016 n’est donc pas catastrophique, loin de là. Ce qui frappe davantage cette année, ce sont les très fortes disparités entre secteurs. Si, globalement, la Charente-Maritime s’en sort bien, surtout au sud d’une ligne Pons, Archiac, Baignes, la Charente a été beaucoup plus malmenée. La grêle a très fortement impacté certaines zones de Grande Champagne. La partie nord du vignoble a également vécu une situation compliquée, surtout due à la sécheresse, de même qu’une partie du Pays bas, en 16 comme en 17. A côté d’exploitations qui frisent les 130 hl vol à 10 % vol (13 de pur ha) – autant voir plus qu’en 2015 – d’autres se contenteront d’un petit 60 hl vol ha. La bonne nouvelle de cette récolte, c’est son état sanitaire satisfaisant du notamment à des vendanges sans pluie, ensoleillées, associées à des nuits fraîches. Ces conditions favorables ont cantonné les foyers de pourritures a presque rien. Pour l’élaboration du degré (plus encore que du volume), les techniciens notent l’effet très bénéfique des pluies d’avant récolte. «L’effet sur la maturité fut très net et s’est prolongé tard ». Ainsi ceux qui différèrent un peu les vendanges ont sans doute gagné, y compris dans certains configuration de vignes grêlées. Un pari plutôt positif, que les analyses de vins et d’eaux-de-vie devront cependant confirmer.

 

Ces épisodes de grêle à répétition et de haute intensité, que disent-ils ? Sont-ils les marqueurs d’un changement de fond ? La résultante d’un dysfonctionnement dans la chaîne  opérationnelle de la lutte ? Ou le reflet d’un hasard statistique, qu’il faut se garder de surintérerptérer ? Quoi qu’il en soit,  ils ont frappé les esprits et pourraient bien déboucher sur un risorgimento. Une première réunion entre les différents acteurs – profession, intervenants à la protection – a déjà eu lieu en juillet. Une autre est prévue dans les prochains jours. Les pistes qui ressortent ont trait à la densification du réseau de postes à iodures d’argent, à un rapprochement des structures, peut-être au niveau de la Nouvelle Aquitaine et à la recherche de nouvelles sources de financement. L’idée ! Qu’un financement filière, peut-être dans le cadre des ODG, vienne renforcer (et alléger) celui des communes. En même temps, les discussions se poursuivent avec les organismes chargés de l’alerte météo. En ce qui concerne les deux premiers orages, le dispositif d’avertissement a été mis en question.

 

Compte tenu du volume de récolte 2016, le Cognac risque-t-il de souffrir d’un manque de marchandise ? Rien n’est moins sûr. Avec le déblocage de réserve climatique, on risque de s’approcher d’un 10 de pur ha ce qui donnerait, au final, des quantités disponibles autour de 700 000 hl AP. Certes on sera loin des 900 000 hl AP de la campagne 2015/2016 ou des 800 000 hl AP de 2014/2015. Mais faut-il le regretter ? Commentaire d’un professionnel – « Récolte plus libération de climatique devraient satisfaire les besoins du négoce. Car le rendement annuel de 11 de pur ha recouvre une part d’anticipation. » Des crus périphériques y voient une chance – « Cette récolte plus faible nous sauvera peut-être de la mévente. »

 

S’il y a un domaine où les projections jouent à plein, c’est bien celui des plantations. Le 25 octobre dernier, a été porté en Conseil de Bassin Charentes-Cognac la demande de contingent de plantations nouvelles pour la campagne 2017. A l’heure où s’imprimaient ces lignes, la réunion n’avait pas encore eu lieu. Mais, sauf grosse surprise de dernière minute, la demande portera sur 800 ha, toutes filières confondues (Pineau, Cognac, Vins de pays, VSIG). Ce chiffre de 800 ha hectares se calque sur le 1 % national d’accroissement du vignoble. Surtout, il correspond aux attentes du négoce. Quelqu’un comme Bernard Peillon, Pdg d’Hennessy, s’en fit le farouche défenseur au printemps dernier. Début septembre, le conseil d’administration de l’UGVC a validé, à quelque voix près, ce niveau de 800 ha. Pour « accompagner les ventes du négoce » ; « pour répondre aux attentes des viticulteurs , dans la mesure où les 250 ha attribués l’an dernier avaient fait l’objet de demandes dix fois supérieures » ; « Pour que les « légalistes » ne se sentent pas flouer par rapport aux « petits malins » qui ont joué les failles de la réglementation » ; et aussi comme une sorte de contrepartie à une promesse du négoce de ne pas acheter, dans les années futurs, les productions  issues de transferts extérieurs à la région. Il n’empêche ! Cette volumétrie ne satisfait pas tout le monde – « Avec ces 800 ha, la viticulture est en train de se tirer une balle dans le pied. Compte tenu des sorties mais aussi des prix pratiqués actuellement par certains opérateurs, la période n’est pas des plus favorable à une augmentation des surfaces. » Une opinion sans doute plus largement partagée que ne le laisserai croire les commentaires autorisés. A ce titre, quelle signification accorder au silence assourdissant qui a entouré le chiffre du contingent de plantations nouvelles ? Silence sur toute la ligne lors des réunions d’avant vendanges.

 

Le Cognac et les innovations. Un dossier intemporel – l’innovation n’est-elle pas le propre des entreprises ? – mais qui connaît des flux et des reflux. A la fin des années 90, la sévère crise du Cognac vaut à la quête d’innovation de connaître un pic. Sort en vrac une floraison de cocktails et de boissons spiritueuses au Cognac (Alizé….) mais aussi un Hennessy Pure White. Quand les chinois découvrent les charmes des très vieux Cognacs, plus vraiment question d’innover. La région surfe sur la vague et gère le flux. A la fin des années 2000, changement de décor. Les affaires deviennent un peu mois faciles. Surtout, les alcools blancs super-premiums captent des parts de marché. Dans une optique de communication, leurs marges font rêver. C’est l’époque du lancement, par Rémy Martin, de Rémy V, une eau-de-vie de vin issue de la région délimitée mais non vieillie.  Et aujourd’hui ? La question de l’innovation revient très fort dans le jeu. Non pas tant une innovation de nécessité, comme à la fin des années 90 mais une innovation « pour se différencier ». Car une marque a tendance à « truster » le marché américain, Hennessy pour ne pas la nommer (2,7 millions de caisses vendues aux Etats-Unis). Comment exister à ses côtés ? Des sociétés ont l’idée de proposer des produits « différenciants » en jouant la carte des « craft products », des produits artisanaux. En sortant son Cognac « American Oak », la maison Bache-Grabielsen lance un ballon d’essai. Les eaux-de-vie sont élevées en partie dans des fûts de chêne américain. Une initiative qui fait beaucoup causer et qui n’est pas la seule, loin de là. Mais avec le lancement, cet automne, de «Martell Blue Swift », un nouveau pas est franchi. Car Martell, par son histoire, sa dimension, fait partie des piliers du Cognac. La marque appartient à l’un des majors des spiritueux, le groupe Pernod-Ricard. Enfin, Blue Swift s’attaque frontalement au domaine du Cask finished, du vieillissement pour partie dans des fûts ayant contenu autre chose que du Cognac (du bourbon du Kentucky en l’occurrence). Si l’étiquette indique bien « eau-de-vie de vin » et non Cognac, le mot Cognac s’y retrouve au titre de « l’allusion aux ingrédients ». Surtout, la marque apparaît en clair, avec ses signes distinctifs, le martinet, la couleur bleu…Une fois de plus et comme pour Rémy V, c’est la question de la notoriété d’une marque construite sur une appellation – le Cognac – et le risque de détournement de cette notoriété qui est posé.  Risque réel, fantasmé ? « Le dossier de l’innovation est chaud en ce moment» reconnaît sans ambages un responsable viticole qui évoque la ligne de fracture sur le sujet au sein du négoce. Et la viticulture, qu’en pense-t-elle ? «D’une part, nous ne voulons servir de variable d’ajustement dans un débat entre négociants ; d’autre part nous serons vigilants à ce que l’ADN du Cognac ne soit pas dénaturée ». Pour tout dire, la question embarrasse.

 

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