2003 : le millésime De La Technicité

19 mars 2009

La récolte 2003 restera gravée dans la mémoire des viticulteurs en raison de sa précocité et des conditions climatiques extrêmes auxquelles a été soumis le vignoble et qui ont eu des conséquences au niveau des caractéristiques des vins. D’une manière générale, les viticulteurs ont fait preuve d’une grande technicité et de réactivité pour adapter la conduite de leurs vignes et de leurs vinifications, mais cette volonté de bien faire a malheureusement été aussi souvent régulée par la dureté du contexte économique. Néanmoins, les premiers échos de la récolte 2003 semblent dans l’ensemble satisfaisants même si un certain nombre d’accidents fermentaires se sont produits.

Que dire du millésime 2003 sinon qu’il aura été marqué par un ensoleillement et des niveaux de températures très élevés pratiquement du débourrement à la récolte. Cette climatologie a eu des conséquences sur le déroulement du cycle végétatif et elles se sont amplifiées au fur et à mesure que la canicule estivale s’est intensifiée. Plus que jamais, l’état d’entretien agronomique des parcelles a fait la différence et à la fin du mois d’août, il n’était pas rare d’observer des différences de comportement très importantes à quelques centaines de mètres près. L’hétéro-généité de « la réaction » des vignes en 2003 constitue un sujet d’interrogation par rapport au comportement du vignoble dans des années aussi chaudes comme 1989, 1990 et 1995. Au cours des dix dernières années, la conduite du vignoble charentais a profondément évolué, que ce soit au niveau des systèmes de conduite, des objectifs de productivité (revus à la baisse), des apports de fumure, des méthodes d’entretien des sols… et les contraintes de gestion sont devenues prioritaires.

Certaines parcelles gérées trop à l’économie ont littéralement « craqué »

1028_21.jpegLa conjoncture économique a contraint les viticulteurs à remettre en cause des principes culturaux sûrement trop généreux à une époque au profit de méthodes rationnelles, voire radicales sur le plan économique. Ces dernières années, les impératifs de gestion ont supplanté les raisonnements culturaux plus agronomiques car il fallait absolument trouver des solutions pour gérer le court terme. La réduction des coûts de production est devenue une priorité et cela s’est encore amplifié depuis l’introduction des limites de rendement à 120 hl/ha. Tous ces éléments ont conduit au développement des méthodes de conduite du vignoble plus extensives dont les conséquences ne se font sentir qu’au bout de plusieurs années. Bon nombre de viticulteurs n’ont pas eu d’autres alternatives que d’opter pour ces démarches de conduite économique vu des niveaux de revenu brut/ha qui ne dépassent pas 3 800 E (25 000 E/ha). Heureusement, la vigne est une plante qui possède une grande capacité d’adaptation et de résistance, et les diverses impasses ne se sont réellement fait sentir qu’à la faveur d’événements climatiques exceptionnels. Or dans ce domaine, les cinq dernières années ont été malheureusement très contrastées avec des hivers et des printemps très pluvieux en 1999, 2000 et 2001, et une sécheresse sans précédent en 2003. La productivité moyenne du vignoble charentais au cours des années 1999, 2000 et 2001 ne semblait pas affectée malgré des variations de production importantes entre parcelle ou entre exploitation. Les premiers signes de faiblesse se sont réellement produits à l’automne 2002 où, à la faveur d’une sécheresse automnale bienvenue, les rendements avait littéralement fondu en quelques semaines et pour la première fois le rendement plafond régional n’était pas atteint. En 2003, le phénomène s’est fortement amplifié car les variations de rendement ne concernent plus exclusivement des propriétés situées dans des zones réputées moins productives mais pratiquement toutes les communes de la région délimitée. La sécheresse a fait littéralement « craquer » bon nombre de parcelles et le rendement moyen de nombreuses exploitations sera inférieur à 100 hl/ha.

Une baisse des rendements en jus brutale en cours de vendange

Chaque parcelle s’est plus ou moins adaptée et la vigne comme toutes les plantes a réagi à ce contexte climatique exceptionnellement chaud. Avec le recul, il semble que les potentialités agronomiques de chaque parcelle et la réactivité des viticulteurs au niveau de la conduite des vignes ont minimisé ou amplifié les effets de la climatologie. Les conséquences de la sécheresse ont été diverses : une difficulté des souches à mûrir les raisins, un état végétatif dégradé traduisant le mauvais fonctionnement de la surface foliaire, la difficulté des ceps à constituer des réserves et une alimentation déséquilibrée des raisins qui a eu des conséquences ultérieures au moment des vinifications. Néanmoins, il ne faut pas non plus trop dramatiser, les parcelles extériorisant des symptômes marqués de sécheresse restaient minoritaires mais par contre beaucoup de plantations d’âge indifférent laissaient apparaître des symptômes plus légers. Cela s’est traduit au niveau de la récolte par une baisse assez spectaculaire des rendements de certaines parcelles au bout d’une semaine de vendange, suite à de très fortes chaleurs et de vents du nord amplifiant les phénomènes d’évaporation (à partir du 15 au 20 septembre). On peut imaginer qu’une certaine concurrence en matière d’alimentation en eau s’est soudainement produite entre la surface foliaire et les raisins, et cela s’est matérialisé par une baisse des rendements en jus rapide et spectaculaire. Un phénomène de concentration s’est sûrement produit au niveau de la vendange sans que l’état foliaire de la vigne n’extériorise de nouveaux symptômes. A l’inverse, dans de nombreuses situations, les vignes n’ont quasiment pas extériorisé de symptômes de sécheresse et elles ont permis aux raisins d’accomplir leur maturation dans des conditions apparemment normales. Avec le recul, les analyses des techniciens et des viticulteurs semblent assez cohérentes, il y a eu une succession d’éléments propices et néfastes à l’extériorisation des symptômes.

Les vignes avec beaucoup de manquants ont décroché

Les parcelles, en manque de fumure depuis de nombreuses années, ayant une surface foliaire insuffisante et avec un enherbement en plein ont amplifié les effets de la climatologie alors qu’à l’inverse, les parcelles disposant d’une surface foliaire importante, normalement alimentées en éléments fertilisants et dont le sol a été cultivé mécaniquement les ont minimisés. Les propriétés ayant signé des CTE rendant obligatoire le maintien d’un enherbement permanent durant tout le cycle végétatif ont subi les conséquences de la sécheresse et les pertes de rendements ont été plus que significatives. Ces observations sont globalement communes à toutes les natures de sols, les terres de champagne, les groies, les doucins, les argiles du pays bas et les sables calcaires. L’autre observation qu’il est difficile d’interpréter concerne le traditionnel phénomène de compensation de rendement de l’Ugni blanc dans les parcelles où les taux de manquants sont importants qui n’était pas au rendez-vous de l’année 2003. Bon nombre de viticulteurs ont observé sur leurs propriétés que les vignes où 10 à 15 % des ceps ont disparu ont décroché en rendement cette année alors que, jusqu’à présent, la productivité ne baissait pas. Les conséquences de l’arrêt des traitements d’hiver et de la montée en puissance des maladies du bois ont-elles été amplifiées par la climatologie ? Les difficultés d’alimentation hydriques de certaines parcelles ont accéléré le vieillissement de parcelles déjà sur le déclin ? Ces interrogations restent sans réponses mais elles traduisent la réalité d’un vignoble dont le taux de renouvellement est depuis longtemps bien insuffisant.

Les viticulteurs ont globalement fait preuve d’une bonne technicité dans la conduite des vinifications

Malgré tous ces éléments perturbants au niveau du cycle végétatif, la récolte 2003 sera tout à fait correcte au niveau des rendements (plus de 100 hl/ha en moyenne mais avec des variations importantes) et inédite sur le plan des caractéristiques des vins de distillation. Les conditions de maturation ont été propices à une diminution rapide et forte des niveaux d’acidité totale, à l’obtention de teneurs en alcool forte et parfois amplifiées par des vendanges plus tardives et à un maintien d’un état sanitaire parfait durant toute la période de récolte. Les messages d’information des organismes techniques et des maisons de négoce dans le courant du mois d’août et du tout début septembre incitant les viticulteurs à récolter tôt pour éviter de rentrer en chais des vins peu acides et très alcoolisés ont eu un écho favorable. La précocité de l’année a fait démarrer les premières vendangeuses sur les Ugni blanc autour du 8 septembre, mais le réel démarrage des vendanges s’est situé autour du 15. La période de récolte s’est étalée jusqu’à la première semaine d’octobre en raison, d’une part, de retard dans la préparation des chais et, d’autre part, d’un manque de disponibilité des MAV des entrepreneurs de travaux viticoles bloqués sur les chantiers du Bordelais. Pour la première fois cette année, l’obtention d’une maturité phénolique plus tardive sur les Merlot correspondait avec la période de récolte idéale des Ugni blanc en Charentes. Globalement, les viticulteurs ont fait preuve d’une bonne technicité dans la conduite des vinifications en conditions chaudes. Le chantier de vendange démarrait, en général, entre 3 et 5 heures du matin et s’arrêtait vers 14 heures afin de rentrer en chais des raisins les plus tempérés possibles. Pour faire face aux caractéristiques des moûts, peu acides, concentré en sucres, souvent carencés en azote et dont l’aptitude à être fermenté s’annonçait plus difficile, beaucoup de viticulteurs n’ont pas hésité à pratiquer le levurage direct et des apports préventifs de matières azotées. La réalisation des décantations est aussi devenue de plus en plus systématique et des efforts considérables ont été réalisés au niveau de l’hygiène. La gestion du remplissage de la cuverie s’est effectuée avec sagesse afin d’obtenir des moûts dont la température ne dépasse pas 18 à 20 °C en début de fermentation alcoolique. Par contre, l’absence de moyens technologiques de maîtrise thermique dans la très grande majorité des chais a fait défaut car la cinétique fermentaire s’est largement déroulée au-dessus 25 °C et beaucoup de viticulteurs se sont senti scomplètement impuissants devant ces situations.

Une forte proportion de vins sains sur le plan analytique dont les niveaux d’acidité sont très bas

Prêt de deux mois après les vendanges, une grande partie de la production de vins de distillation est de bonne qualité. Les vins sont sains sur le plan analytique mais aussi atypiques de par notamment les très faibles niveaux d’acidité totale. Une proportion importante de lots a cette année des pH élevés, souvent supérieurs à 3,40, ce qui les rend potentiellement plus sensibles aux altérations bactériennes. L’état de surface des parois des cuves où sont stockés ces vins sera déterminant vis-à-vis des contaminations bactériennes et les citernes en ciment sont à éviter. Si la distillation de vins sains ayant un pH supérieur à 3,4 intervient avant la mi-décembre, leur conservation dans un environnement froid peut être envisagée sans risque. A l’inverse, si une distillation de ces vins est prévue de façon tardive, il conviendra de prendre un certain nombre de dispositions pour optimiser leur conservation. L’utilisation du soufre comme agent de conservation des vins reste déconseillée par plusieurs acheteurs importants de la région, et de toute façon l’apport à des doses maximales de 2 g/hl n’est pas en mesure de pouvoir stabiliser un éventuel développement de bactéries. L’acidification par ajouts d’acide tartrique est une bonne solution pour descendre le pH vers des valeurs de 3,2 à 3,3, mais il convient de réaliser cette opération délicate en se rapprochant des œnologues. Seuls ces spécialistes du vin sont en mesure d’apporter tous les conseils indispensables à la réussite de ce traitement et à la préservation de la qualité. Un suivi analytique régulier des vins (acidité volatile et FML si elle n’est pas effectuée) tous les mois est tout de même une sage précaution dans un contexte où les vins sont fragiles. Les vins ayant un pH inférieur à 3,35 ou 3,4 possèdent une meilleure aptitude naturelle à se conserver, mais il convient tout de même de les surveiller régulièrement surtout si leur distillation intervient après le 1er janvier.

Des lots altérés dont l’importance volumique reste difficile à apprécier

Un certain nombre d’accidents fermentaires se sont produits cette année et l’importance volumique de ces vins altérés reste minoritaire sans être non plus marginale. En ce début de campagne de distillation, il est bien difficile de savoir si l’ensemble des vins altérés représente 5 %, 10 % ou 15 % de la production totale, et en plus la nature et les conséquences de ces déviations qualitatives possèdent un gradient d’intensité et de dépréciation variable. Un des autres constats concerne aussi la répartition de ces accidents dans les chais qui paraît très aléatoire. Certains viticulteurs ne sont pas du tout concernés par ces problèmes, d’autres le sont d’une manière très ponctuelle sur seulement une ou deux cuves (soit l’équivalent de moins de 10 % de la production totale), et à l’inverse des propriétés se retrouvent dans des situations inquiétantes avec 30, 40 % et voire plus de vins altérés. Les accidents fermentaires se sont rarement produits en début de vendanges mais plutôt au milieu ou carrément dans les derniers jours de récolte.

Les conditions du déroulement des vinifications des vins de distillation en 2003 étaient particulièrement difficiles à maîtriser et un certain nombre d’éléments semblent avoir joué un rôle soit bénéfique soit au contraire néfaste. D’une manière générale, les vins d’un titre alcoométrique inférieur à 10 % volume issus de parcelles bien alimentées ont été plus faciles à vinifier, ce qui peut s’expliquer par une richesse en éléments azotés satisfaisante. A l’inverse, des éléments indépendants ou associés comme un manque d’hygiène dans le chai, des titres alcoométriques potentiels des moûts supérieurs à 11 % vol., des productions issues de parcelles ayant souffert de la sécheresse, des récoltes tardives, ont semblé favoriser les accidents fermentaires.

Les accidents fermentaires soulèvent un certain nombre d’interrogations

Néanmoins, il convient aussi d’être prudent vis-à-vis de ces derniers commentaires car plusieurs œnologues nous faisaient remarquer que des viticulteurs, soucieux de la qualité, bien organisés, bien équipés, maîtrisant bien l’hygiène, ayant levuré et apporté de l’azote systématiquement et ayant récolté des moûts apparemment sans risque majeur ont été confrontés à des difficultés fermentaires. A l’inverse, les propriétés où la gestion économique interfère trop sur la conduite des vinifications ont peut-être accentué les risques de mauvaise implantation des levures et de leur survie en présence de richesse alcoolique potentielle élevée. La pratique d’un levurage direct sur 100 hl/ha revient à 80-100 e ht (520 à 600 F ht) et ensuite le travail nécessaire à la réalisation des interventions d’hygiène encore plus rigoureuses et des aérations en cours de fermentation (avec un second rajout d’azote) mobilise une personne à plein temps sur une exploitation de 30 ha et ce supplément de charge est sûrement difficile à supporter lorsque les revenus bruts ne dépassent pas 3 650 à 4 270 E/ha (24 à 28 000 F). Les caractéristiques de la récolte 2003 et les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée soulèvent tout de même un certain nombre d’interrogations techniques.

Dans un contexte d’année très mûre et très chaude, le fait de ne pouvoir disposer de moyens antiseptiques pour contrôler dans les moûts en sortie de pressurage les populations de levures et de bactéries indigènes ne constitue-t-il pas un danger latent important vis-à-vis du déroulement ultérieur de la cinétique fermentaire ? Ce facteur de risque n’est-il pas amplifié par la difficulté à maintenir un niveau d’hygiène suffisant avec les méthodes habituelles de nettoyage en présence d’un environnement très sucré au niveau de l’ensemble de la chaîne technologique ? Est-il possible de réellement déloger les levures et les bactéries indésirables des systèmes de convoyage des machines à vendanger ? Les chocs thermiques liés à des fermentations alcooliques réalisées à 28-30 °C voire plus n’ont-ils pas bloqué l’activité des levures à un certain moment ? La conjonction de tous ces éléments n’a-t-elle pas favorisé la montée en puissance des populations de bactéries dans les chais et à un certain moment, elles ont en quelque sorte « pris en charge » le déroulement de la dégradation des sucres à la place des levures ? Enfin, plusieurs œnologues de terrain estiment que certaines souches de levures étaient plus propices à s’adapter au contexte de fermentation de l’année, et notamment la SM 102 et la B + C semblaient minorer la capacité des bactéries à coloniser les moûts.

Un gradient d’intensité des accidents et des dépréciations qualitatives

1028_22.jpegLes déviations qualitatives consécutives aux arrêts de fermentation ont été diverses et leurs conséquences sur la qualité des vins sont diverses. Un vin ayant subi un arrêt de fermentation avec 10 à 20 g de sucres résiduels et une acidité volatile inférieure à 0,60 ou 0,70 g/l est certes en dehors des normes analytiques fixées cette année par les principaux acheteurs de la région. Si les résultats analytiques des chromatographies ne révèlent pas de teneurs anormales en acétate d’éthyle et en butyrate d’éthyle, la distillation rapide (courant novembre) de tel vin peut être envisagée en évitant bien sûr de les préchauffer avant la charge de la chaudière. En 1989, bon nombre de lots de vins ayant seulement de l’acidité volatile et des sucres résiduels avaient été distillés et les eaux-de-vie ne présentaient pas de défauts et extériorisaient des caractéristiques aromatiques normales. L’acide acétique ne passe au cours de la distillation que durant la deuxième phase de coulage des secondes dans une proportion de 20 à 30 % au maximum. Les bouilleurs de cru sont en mesure de distiller très vite ces cuves à risque et de tirer le meilleur profit de ces vins. Les livreurs de vins sont certes confrontés à une situation plus délicate car de tels lots ne peuvent que se dégrader au cours des semaines à venir (la montée des teneurs en acétate d’éthyle est inévitable).

Dans les eaux-de-vie nouvelles, des teneurs élevées en acide acétique ont tout de même une incidence à terme sur les caractéristiques des eaux-de-vie puisque ce composé s’estérifie en acétate d’éthyle au cours du vieillissement. La réaction d’estérification commence dès la mise en fût et se prolonge durant toute la phase de vieillissement. Les vins ayant des sucres résiduels, des teneurs en acidité volatile fortes et en plus une concentration en acétate d’éthyle élevée ont un potentiel de qualité irrémédiablement entaché et la distillation de telles productions doit être appréhendée avec prudence. L’acétate d’éthyle est un constituant volatil qui au cours de la distillation passe dans les têtes de brouillis et de bonne chauffe en même temps que d’autres esters aromatiques intéressants pour la qualité. Le prélèvement de fractions de têtes plus importantes ne pourra à la fois que limiter l’extériorisation du défaut et réduire la structure aromatique des eaux-de-vie. De telles pratiques s’inscrivent dans des approches de distillation correctives qui ne correspondent plus aux attentes actuelles du marché où, au contraire, la distillation est devenue une des étapes clés « de la chasse aux arômes ».

Distiller les forts degrés en pensant d’abord à capter les arômes

La distillation des vins ayant un titre alcoométrique très élevé risque aussi de poser des problèmes spécifiques et en 2003 la gestion de la conduite des coulages demandera une certaine technicité. La parfaite connaissance de la qualité des vins mis en chaudière permettra de piloter la conduite de l’alambic avec le maximum de réactivité et il est souhaitable de s’entourer de conseils et de compétences extérieurs pour affiner la distillation des forts degrés. Les meilleurs spécialistes de la distillation sont unanimes pour dire que le critère titre alcoométrique ne doit pas supplanter les réflexes habituels des distillateurs pour extraire des arômes au moment des prélèvements de têtes, durant le coulage du cœur et au moment de la coupe. La maîtrise de toutes ces étapes sera encore plus déterminante cette année où des vins d’un TAV de 10,5 % vol. ne seront concentrés par l’alambic que 7 fois pour obtenir l’eau-de-vie alors que des vins de 9 % vol. l’auraient été 8 fois. L’apport des lies demeure toujours une pratique importante pour renforcer la typicité aromatique des eaux-de-vie, mais tous les acheteurs de la région ne la préconisent pas. La crainte des distillateurs d’obtenir des brouillis et des eaux-de-vie très forts peut aussi les conduire à minimiser les prélèvements de queues en fin de coulage. Or, cette fraction de distillats est constituée de produits lourds qui, s’ils sont recyclés, déprécient la qualité. Pour les chauffes de vin et le broullis, un arrêt des coulages à 2 % vol. est conseillé. Les premiers commentaires de dégustation des eaux-de-vie du millésime 2003 semblent plutôt encourageants en raison de la présence d’une certaine richesse aromatique au nez et d’une structure équilibrée en bouche (l’impact aromatique des lies semble aussi assez très intéressant). Plus que jamais, la qualité des vins mis en chaudière fait la qualité des eaux-de-vie et la fragilité de la récolte 2003 doit inciter à distiller tôt.

Communiqué de la Station viticole du BNIC

Distillation – Conseils de campagne 2003-2004

La Station viticole du BNIC a réuni les techniciens et œnologues régionaux afin de dégager un message technique circonstancié à l’attention des viticulteurs et des bouilleurs de cru.

Le premier bilan des vinifications des vins de distillation montre que la récolte 2003 est particulièrement atypique. D’une manière générale, les vins sont caractérisés par des acidités totales faibles (pH élevés) et par des acidités volatiles plus élevées que de coutume (de 0,30 à 0,45 g/l H2SO4).

On relève, dans certains cas, des déviations microbiologiques liées à un développement des bactéries de la fermentation malolactique en présence de sucres résiduels. Ces accidents peuvent aller jusqu’à la piqûre lactique avec une production plus ou moins importante d’acidité volatile.

Ce constat technique est comparable à celui observé en 1989, année qui présentait de grandes similitudes avec 2003.

Bilan de fin de vinifications. Si cela n’a pas déjà été réalisé, nous recommandons d’établir, pour tous les vins, un bilan analytique comprenant les paramètres suivants : acidité volatile, pH, fermentation malolactique, sucres résiduels.

Ces déterminations serviront à une présélection des vins aptes à la distillation et à préparer un calendrier de travail. Les analyses des constituants volatils ou la dégustatin des microdistillats constitueront, ensuite, le complément indispensable à une sélection qualitative.

En priorité, les bouilleurs de cru sont invités à procéder à la distillation des vins dont le pH est le plus élevé et qui présentent une acidité volatile acceptable (inférieure à 0,5 g/l H2SO4).

De plus, si tous les autres paramètres sont corrects, la présence de sucres résiduels (inférieurs à 10 g/l) ne constitue pas d’obstacle à la distillation du vin.

Conservation des vins. Les vins qui seront distillés après le 31-12 ne doivent en aucun cas contenir de sucres résiduels ni présenter une acidité volatile élevée. Ils peuvent être acidifiés par ajout d’acide tartrique, dès maintenant, si leur pH est supérieur à 3,40. Cette opération d’acidification sera mise en œuvre après un essai préalable, réalisé par un laboratoire œnologique qui en précisera les modalités opératoires, notamment la nécessité d’opérer à l’abri de l’air.

La réalisation d’un sulfitage, même raisonné, ne doit être pratiqué que sur les recommandations de l’acheteur ou de l’œnologue conseil.

Distillation. Elle doit commencer dès maintenant. Certains lots de vins, dont le titre alcoométrique est particulièrement élevé, poseront des problèmes techniques. Ne pas être tenté de pousser la distillation au-delà du raisonnable pour réduire le TAV des brouillis ou des eaux-de-vie. L’arrêt des brûleurs ne doit pas intervenir en dessous de 2 % vol. pour la chauffe de vin ainsi que pour la bonne chauffe. Par contre, et en accord avec l’acheteur, la réduction des distillats en cours de process, envisageable par ajout d’eau osmosée ou déminéralisée, sera qualitativement plus efficace. Ainsi, le TAV des brouillis peut être limité à 32 % vol.

Ces recommandations générales, relayées par les conseils des laboratoires œnologiques, et les préconisations des acheteurs devraient permettre d’élaborer des eaux-de-vie nouvelles 2003 de bonne qualité. Les premiers résultats obtenus par certains distillateurs sont encourageants.

Consultation technique. MM. Thierry Archereau, Philippe Guélin, Bernard Guionnet, Joël Lavergne, Dominique Martin, Dominique Métoyer, Louis Nondedeu, Bernard Pineau, Jean Pineau, Patrick Raguenaud, Alain Roy.

Invités. Œnologues des chambres d’agriculture et laboratoires œnologiques : Mme Valérie Baumann-Viaud, Maison des viticulteurs, CCO, Cognac Œnologie, Gensac Œnologie, Micheaud, Lacroix, LEC, Station œnologique de Saintonge.

 

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