Le Cognac Tiré Par l’Amérique

18 mars 2009

Le phénomène marquant de cette dernière campagne est sans nul doute la confirmation des Etats-Unis comme marché n° 1 du Cognac et de très loin. En découle toute une série de conséquences, du déséquilibre du stock en comptes jeunes à la tendance à l’agrandissement des exploitations sur le long terme en passant par l’effet dollar, élément majeur dans la recherche de valeur.

Lors de différentes réunions d’avant vendanges, Jean-Pierre Lacarrière, président de l’interprofession et Alain Philippe, directeur du BNIC, ont eu l’occasion de commenter les chiffres de la dernière campagne, close au 31 juillet 2003. Ce sont leurs propos qui sont repris ici, en exergue des tableaux présentés lors de la réunion des courtiers (source BNIC). Certains graphiques parlent d’eux-mêmes et n’ont pas suscité de renseignements supplémentaires.

Une évolution vers l’agrandissement

L’évolution constatée depuis plusieurs années se poursuit. Les superficies Cognac diminuent, les exploitations s’agrandissent et le nombre de déclarants baisse. A ce jour, on compte 75 000 ha de vignes « vins blancs Cognac », plantées en cépages aptes à produire du Cognac ; il y 6 800 déclarants dans la région délimitée et la moyenne des exploitations atteint 11 ha, en progression exponentielle depuis quelque temps. La production de Cognac s’est élevée cette campagne à 391 408 hl AP, à jeu égal avec la précédente campagne mais en progression par rapport à la campagne 2000-2001, qui avait battu un record : celui du plus petit chiffre de distillation depuis vingt ans : 324 000 hl AP. Même le chiffre de 1991 lui était légèrement supérieur. Le tableau « évolution de la production par tranche » décortique la distillation de Cognac par tranche de production : volume de distillation (en hl AP) réalisé par les exploitations qui se situent dans la tranche de production de 0 à 2 hl AP/ha, par celles dans la tranche des 2 à 4, des 4 à 6 et au-delà de 6. A signaler tout de suite que dans cette dernière tranche ne se retrouvent pas les volumes en dépassement de QNV (cela ferait beaucoup !) mais les structures bénéficiant de la QNV d’exploitation, qui sont donc amenées à dépasser la production de 6 de pur ha. Pas de surprise à attendre. La logique est respectée : ceux qui sont dans les tranches de production les plus faibles sont aussi ceux qui fabriquent le moins de Cognac. CQFD. Tranche par tranche on assiste même à un probable effet multiplicateur ou encore un effet « d’aubaine » pour les tranches les plus élevées de production. Manifestement, ces dernières font davantage le plein de leur potentiel de production que les tranches faibles. Ainsi très peu de Cognac provient des exploitations qui produisent entre 0 et 2 hl AP/ha ; environ 25 000 hl AP sont issus des exploitations dans la tranche des 2 à 4 hl AP/ha ; de l’ordre de 130 000 hl AP pour la tranche des 4 à 6 et pas loin de 210 000 hl AP pour celle supérieure à 6 hl AP/ha. En fait, ce graphique vaut autant pour les chiffres en valeur absolue que pour la tendance qui s’en dégage. Sur les trois dernières campagnes – 2000-2001, 2001-2002, 2002-2003 – on s’aperçoit que les positions sont à peu près figées : dans chacune des tranches, la production de Cognac n’a guère évolué. Ce tableau, demandé par la famille viticole, a suscité beaucoup de commentaires et d’analyses.

Rotation du stock : 6,6 ANnées

Après avoir culminé à 7,83 dans les années 1996, le taux de rotation du stock est redescendu à 6,6 années. Mais ce déstockage ne gomme en rien le déséquilibre du stock, bien au contraire. Les comptes 6 restent quasi inamovibles dans leurs volumes. La vague de déstockage a touché prioritairement les comptes jeunes, ceux qui servent à alimenter la demande de marché. Sous l’effet conjugué de l’appel des ventes et des faibles distillations de ces dernières années, les comptes 2 et 3 ont fondu comme un Cognac tonic un jour de canicule. Ils atteignent leur niveau le plus bas depuis longtemps et le phénomène est encore amplifié sur les comptes 4 et 5 qui ne représentent que 387 000 hl AP au 31 juillet 2003. Quant aux volumes de comptes 9 et plus, on convient à Cognac « qu’il va probablement falloir les “traîner” pendant quelques années encore ».

Sur la dernière campagne, le Cognac a récupéré ses sorties de 1995. Ont été vendus grosso modo 147,5 millions de bouteilles ou encore 10,5 millions de caisses de Cognac. Dans ces commentaires, le président de l’interprofession a tout de même fait remarquer que le total des alcools bruns – famille de produits dans laquelle se classe le Cognac – représentait 390 millions de caisses et qu’à l’intérieur de cette catégorie, le Whisky écossais en vendait à lui seul 95 millions de caisses. De quoi relativiser le chiffre du Cognac. Mais on peut aussi dire que le spiritueux charentais a de belles marges de progression devant lui. En volume, les ventes de Cognac se répartissent en trois grands pôles : l’Europe avec 40 % des volumes, l’Amérique avec un autre 40 % et l’Asie avec un petit 20 %. La performance du jour est bien sûr celle des Etats-Unis dont le marché mobilise à lui seul ou presque 40 % des sorties. Mieux, le marché américain maintient un taux de progression remarquable : + 9,8 % sur l’année mobile à fin juillet.

EUROPE : l’encéphalogramme plat

Rien de tel en Europe qui, avec environ 2 % de progression sur la même période, donne l’impression de faire du surplace. « C’est l’encéphalogramme plat » diagnostique Alain Philippe. La situation est cependant contrastée entre un Royaume-Uni qui affiche un beau redressement – + 5 % en volume, + 7 % en valeur – et un marché allemand toujours à la peine. Là-bas, le Cognac est un produit de marques distributeurs, largement vendu à la casse. L’Asie, un temps grand espoir de la région, ne s’est toujours pas remise de la sévère crise de 1997-998. Le Japon, surtout, a vu ses ventes chuter de façon vertigineuse. En moins de dix ans , les expéditions dans ce pays ont perdu plus d’un million de caisses, passant de 1,4 million de caisses à 350 000 caisses. Et tout se passe comme si le processus de déclin n’avait pas encore dit son dernier mot : – 3,6 % en volume à fin juillet 2003, assorti d’une perte en valeur de – 24 %. L’Extrême-Orient en général manifeste cependant un « léger frémissement » plutôt encourageant. En fin de campagne, le marché français est en légère hausse de 2,8 %. Pour le Cognac consommé en tant que tel (or mutations), le marché français continue de s’étalonner autour de 21 000 hl AP, sans grand changement par rapport aux années passées. Qualifié de difficile par les opérateurs car dominé par la grande distribution, ce marché est, dit-on, « habitué à connaître des hauts et des bas malgré les efforts de promotion et d’actions commerciales qui y sont faits ». Les mêmes opérateurs estiment que « ce n’est pas un marché où il est facile de gagner de l’argent » De même, le réseau des CBHR (cafés, bars, hôtels, restaurants) leur paraît compliqué à pénétrer.

A regarder le tableau des expéditions de cognac par qualité, on ne peut que constater la prééminence des Cognacs jeunes (VS) dont la part s’établit à près de 58 %. Les qualités supérieures progressent mais ne représentent que 42 % des volumes. Incontestablement, le VS confirme sa place de leader du marché du Cognac. La valeur des exportations de Cognac a atteint 1,23 milliard d’euros à fin juillet 2003, une somme « nette de toute importation », soit l’équivalent de la vente de « 21 Airbus A 320 ou de 66 rames de TGV ». Cependant, cette valeur s’inscrit en recul de près de 6 % par rapport à la dernière campagne, alors même que les exportations ont progressé d’autant en volume. La perte de change euro/dollar explique sans doute en grande partie cette situation.1027_20.jpeg1027_21_1.jpeg1027_21_2.jpeg1027_21_3.jpeg1027_22_1.jpeg1027_22_2.jpeg1027_23_1.jpeg1027_23_2.jpeg1027_23_3.jpeg1027_24_1.jpeg1027_24_2.jpeg1027_24_3.jpeg1027_24_4.jpeg1027_25_1.jpeg1027_25_2.jpeg1027_25_3.jpeg1027_26_1.jpeg1027_26_2.jpeg

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