Petits mais imaginatifs. Sur le terrain de la communication, les Vins de pays charentais ne s’en laissent pas compter. Depuis trois ans, ils titillent l’événementiel, cultivent réseaux sociaux et nouvelles formes de convivialité. Bref ! De « fierté régionale » en « territoire de marque », ils cherchent à élargir leur zone de notoriété. Lors de la dernière assemblée générale des VDPC, le 3 décembre 2013, ateliers-dégustation et conférences sur le marketing ont renouvelé l’approche d’une réunion « classiquement classique ».
Quand on vous dit que la forme emporte le fond ! Ou, en tout cas, qu’elle est révélatrice d’une intention. Pour les Vins de pays charentais, il ne fait aucun doute que le changement de format de l’AG était « signi-fiant ». Au menu, une matinée sagement consacrée aux travaux statutaires suivis, à l’heure du déjeuner, d’ateliers dégustation de Vins de pays charentais avec des produits du terroir. Un peu plus Rock’n’roll. La réunion s’est poursuivie l’après-midi avec des conférences sur le packaging et la place des femmes face au vin, avant de se conclure par la présentation du Plan de promotion et de communication 2014. Les producteurs ont joué le jeu. En bloquant la plage horaire 9 h 30-16 h 30 sur leur agenda (numérique), beaucoup d’entre eux ont fait « le grand chelem ». Plutôt de bon augure pour une filière qui souhaite exploiter « l’esprit d’équipe. »
Laurent Beria a ouvert le ban. L. Beria est directeur conseil de l’agence Toscara et, par ailleurs, fidèle compagnon de route de Frédéric Delesque, directeur de l’agence Outdoo de Royan, chargée de la communication des Vins de pays charentais depuis 2011-2012. Aux producteurs, le spécialiste du marketing a parlé de la meilleure manière de décliner leur identité. Objectif : gagner en « valeur perçue » auprès des consommateurs mais aussi des distributeurs, cavistes et autres professionnels. « On parle tout le temps des consommateurs mais il ne faut pas oublier ceux dont dépend votre visibilité. »
« C’est un métier le design »
Séduire de nouvelles couches de population qui ne connaissent pas le vin, mieux exporter… toutes choses qu’un bon packaging peut booster. « Si on aime bien votre packaging, vous vendrez mieux » a
diagnostiqué l’homme du design, que les Lapalissades n’effraient pas. Il n’a pas caché là où le portaient ses convictions : « Pour que le design soit un bon investissement, adressez-vous à un professionnel. C’est un métier le design ! » Il a mis en garde contre les imprimeurs qui intègrent la « créa ». « Les bons créatifs, a-t-il dit, savent assez vite qu’ils sont bons. Ils ne tardent pas à créer leur propre agence. » Et de poursuivre : « Si l’imprimerie a un studio intégré, le service rendu au client a l’air gratuit mais il ne l’est jamais. On vous le répercute toujours. Le service vous coûte peut-être moins cher qu’en agence mais le prix, c’est votre liberté. Il existe de très bons Free lance à Bordeaux, à Paris, ici. Il a ensuite donné quelques conseils « pratico-pratiques » (voir encadré).
Quilles de filles
Louise Massaux est une sacrée bonne femme. Condisciple de Frédérique Delesque – ils se sont connus à l’Université des spiritueux de Segonzac – elle a d’abord travaillé dans le domaine des parfums, à Grasse, pour implanter des marques à l’international. Puis sa passion l’a conduite vers le vin, plus exactement les vins du Sud. Elle anime un blog – wwwquillesdefilles.com – elle organise des « raouts vineux » à Paris et dans quelques grandes villes de province (Lille, Lyon, Nantes, Avignon), toujours à destination du genre féminin. Nom de code de ses soirées : My Sexy WineMaker. Elle exerce une activité de consultante en marketing Web et médias sociaux dans une agence spécialisée, Vinorealys et dispense des cours à l’université de Suze-la-Rousse. Ouf ! Louise fait partie de cette communauté de blogueurs et blogueuses qui se font un nom – et un job – au croisement de l’épicurisme (le goût des bonnes choses) et de leur capacité à maîtriser les outils du Web. Une nouvelle économie est née, construction hybride entre information et business. Blogueurs et blogueuses profitent de l’instant présent, parlent de ce qu’ils voient, goûtent, dégustent, et si l’opportunité existe d’être rétribué pour leur qualité de communicants… La jeune femme a noué d’étroites relations avec les interprofessions du Sud – interprofessions des vins du Languedoc, des Vins doux naturels – qui soutiennent ses actions, ses soirées « entre filles »… Les hommes du vin sont trop heureux de trouver en Louise un ambassadeur pour accéder à ce monde qui leur demeure relativement étranger, celui des médias sociaux. La communicante profite de leur soutien financier et de leur caution d’experts. Une association « gagnant/gagnant ».
La toile informe sur le vin
Louise rappelle opportunément que la toile est devenue aujourd’hui la première source d’information sur le vin, devant la presse papier. « De mémoire, dit-elle, 60 % des consommateurs consultent internet avant d’acheter une bouteille de vin. » Assez logique dans la mesure où 41 millions de Français ont accès à internet et y consacrent beaucoup de temps. De son côté, Facebook compte 26 millions de membres et 38 % d’entre eux « like » les pages consacrées au vin. Bref ! Désormais, l’importance du net dans l’univers du vin ne se discute plus. Il s’agit « de stimuler le désir, emporter la conviction ». Mais comment sortir du lot quand « 57 % des domaines viticoles sont sur le Web ? » Sans surprise, Louise Massaux défend l’internet participatif, autrement dit les réseaux sociaux, Facebook, Twitter. Son conseil : se montrer actif sur la toile.
« Blogueurs et blogueuses sont des gens qui existent sur le net. En tant qu’influenceurs, leurs propos touchent le public. N’hésitez pas à aller à leur rencontre, créez des liens avec eux, faites-en des interlocuteurs privilégiés. Communiquer sur le net, c’est comme communiquer dans la vie. C’est gratuit, contrairement à une page dans le magazine Elle, qui vous coûtera 30 000 €. »
Pour relayer son identité, la jeune femme prône aussi la fidélité à soi-même. « La meilleure communication dit-elle, est celle qui vous correspond. » Elle cite tel vigneron et son chien, inséparables, qui ont fait le buzz sur internet. Virgile Joly est un vigneron bio des Coteaux du Languedoc, dans le département de l’Hérault. Il a fondé toute sa stratégie de vente et de communication sur internet et les réseaux sociaux (il faut dire que l’agence Vinorealys conseille le producteur méridional).
Parler simplement du vin
Une des grandes idées de Louise, c’est qu’il faut parler simplement du vin. « En France, on croit qu’il faut avoir fait bac + 15 pour comprendre quelque chose au vin. Si les gens sont aussi nombreux à rechercher des informations sur internet, c’est qu’ils ont besoin d’être rassurés. »
Elle se gausse des poncifs qui, selon elle, encombrent les contre-étiquettes. A ses yeux « une parfaite expression du terroir » fait partie de ces scies. « Cette expression, je l’adore, c’est celle que je préfère » s’amuse-t-elle. Elle épingle aussi « l’arôme de pierre à fusil » censé symboliser la minéralité : « A-t-on jamais léché une pierre à fusil ! »
Et les femmes dans tout ça ? Louise Massaux ne veut pas entendre parler de « vins de filles » ni davantage de vins « pour les filles ». Elle pense cependant qu’on ne s’adresse pas aux femmes comme aux hommes : « Il ne faut pas les prendre pour des abruties mais les filles n’aiment pas les descriptions trop complexes. Evoquer les agrumes, ça leur donne déjà une idée. » D’où cette proposition d’ateliers-dégustations entre filles, où les vignerons viennent présenter leurs vins.
En novembre dernier, à Paris, sur le Kiosque flottant amarré au pied de Notre-Dame, My Sexy WineMaker a rassemblé une centaine de femmes, toutes blogueuses, autour d’une sélection de Vins doux naturels. « Ces rencontres répondent à une véritable attente « se réjouit Louise Massaux. Personne ne la dément quand elle ajoute que « 70 % des achats chez les cavistes sont faits par les femmes ». La grande distribution n’éhappe pas davantage à l’hégémonie féminine.
En dernière partie de réunion, Frédéric Delesque a présenté le Plan promotionnel et de communication du Syndicat des Vins de pays charentais. Fidèle à sa feuille de route, le Vin de pays charentais a, encore cette année, l’intention de jouer sur les deux tableaux : l’événementiel et le sensoriel. L’événementiel consiste à « préempter » la notoriété de grands rendez-vous comme les Francofolies, le Violon sur le sable ou Blues Passions, pour que cette notoriété rejaillisse sur les Vins de pays charentais. Le terrain sensoriel, c’est tout le domaine de la dégustation, au plus près de ceux qui peuvent servir d’ambassadeurs aux VDPC, journalistes, blogueurs…
Ainsi, début avril à Paris, trois jours de dégustation vont être organisés : le 6 avril au Cabanon de l’écailler, un bar à huîtres appartenant à Hervé David, ostréiculteur installé à Ronce-les-Bains ; le 7 avril à La Cagouille, « l’adresse des Charentais de la capitale » et le 8 au Petit journal de Montparnasse, brasserie et club de jazz.
Territoire charentais
Le territoire charentais ne sera pas oublié. Une dizaine de soirées dégustation sont en cours de programmation dans les bars tendance de la région, à La Rochelle, Royan, Rochefort, Cognac, Angoulême, pour les CSP +, étudiants… « Dans les 6 mois qui viennent, nous allons passer un peu de temps ensemble et travailler en équipe » a promis F. Delesque aux producteurs.
A l’instigation d’Angélique Malhouroux, des cartes de producteurs vont être distribuées dans 423 points d’accueil, en Charentes et en Gironde ; le partenariat croisé entre les huîtres de Marennes-Oléron et le VDP charentais se poursuit. Le contenu vidéo du site internet va s’enrichir de quatre nouvelles vidéos de producteurs. Les réseaux sociaux restent actifs avec l’accent mis sur la langue anglaise (traduction du site…).
Si, dans la logique des choses, un budget de communication a vocation à croître, celui des Vins de pays charentais connaît un repli. Conséquence d’un resserrement des volumes, dû pour l’essentiel à une série de petites récoltes. En trois ans, le budget communication est passé de 150 000 à 130 000 € pour atteindre cette année autour de 100 000 €. « Nous nous adaptons, commente Frédrique Delesque. Dans toute démarche de communication, l’essentiel est de durer. Il faut cons-truire son territoire de marque et s’y tenir. » « Aujourd’hui, poursuit-il, les Vins de pays charentais représentent, aux côtés d’autres produits, la “fierté charentaise”. Dans une campagne de communication, la publicité ne représente que la partie immergée de l’iceberg. Il n’est pas sûr qu’un marketing pur et dur corresponde à l’identité des Vins de pays charentais. Avec notre petit budget, soyons plus inventifs et plus malins. »
Comment appréhender le packaging ? Laurent Beria a livré quelques « tuyaux »
● Veiller au passage entre la création et l’imprimeur – « Certaines fois, il peut y avoir de petits problèmes. Une réunion à trois – imprimeur, créatif, vous – semble indispensable. »
● Elaboration du « brief » – « Que le client s’exprime sur ses attentes, c’est très important. A cet égard, le positionnement prix constitue un repère essentiel. Il conditionne le niveau d’investissement dans le packaging. Le budget ne sera pas le même pour une bouteille vendue 5-10 € et une autre à 15-20 €. »
● Nourrir la relation avec l’agence – « Plus vous ferez passer d’affectif, plus le créa. saura le retranscrire. »
● « Impliquez vos collaborateurs » – « Oui mais en gardant votre idée initiale. Et n’ayez pas peur du “parti pris”. Mélanger du bleu et du jaune n’a jamais donné un fondu des deux mais une autre couleur. »
● Consulter les fournisseurs – « C’est bien, mais développement et mise en concurrence font rarement bon ménage. Il vaut mieux s’assurer d’un bon développement, dans la confiance, quitte à lancer un appel d’offres pour le 3e retirage. »
● Les délais pour une « créa » ? – « Environ deux mois, entre deux ou trois semaines pour
défricher le terrain, expliquer ce que l’on veut et un mois et demi pour l’habillage complet de la bouteille. »
● Recommandation finale – « Oubliez ce que je viens de vous dire. Ne suivez pas les tendances. Faites des choses originales sans trop vous soucier de la mode. Ce qui compte, c’est que votre message soit clair et retranscrit de façon élégante. »
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