Vins de pays charentais : La réforme en marche

21 mai 2010

Et de trois… Après le Pineau des Charentes et le Cognac, le Vin de pays charentais est en train de rédiger son cahier des charges, après avoir intégré la grande famille des IGP le 1er août 2009. Pour autant, les Vins de pays, au plan national, héritent d’une version plus soft de la réforme des signes de qualité. La pratique des opérateurs ne s’en trouve pas bouleversée. Interview de Caroline Quéré-Jélineau, présidente du Syndicat des vins de pays charentais.

quere_jelineau.jpg« Le Paysan Vigneron » – Votre syndicat s’est réuni le 22 avril dernier pour débattre d’un point essentiel du cahier des charges, le rendement.

Caroline Quéré-Jélineau – En effet. Il était d’ailleurs prévu que ce point vienne à la discussion, avec ou sans écriture du cahier des charges. Un échange s’était engagé sur ce thème entre opérateurs et tous les points de vue affleuraient : restriction, maintien, ouverture du rendement. Je suis heureuse de voir que les échanges ont pu se faire en bonne intelligence, dans le respect des uns et des autres. Les décisions furent prises à l’unanimité. Les négociants-vinificateurs demandaient une certaine hausse du rendement, notamment sur les blancs. Ils souhaitaient que le rendement agronomique soit porté à 110 hl vol., avec au moins 100 hl de vin clair. Une proposition médiane a été retenue. Les deux couleurs, rouge et blanche, adoptent le même rendement agronomique de 100 hl vol./ha (95 hl/ha actuellement pour les vins rouges). Les rendements « vins clairs » évoluent quant à eux de 80 à 90 hl vol. Une autre question concernait les vins de pays de département, vins de pays de la Charente et vins de pays de la Charente-Maritime. Le conseil d’administration du syndicat préconise qu’ils partagent le même rendement agronomique que les vins de pays charentais – 100 hl/ha – alors que le décret national prévoit 130 hl/ha, dont 120 hl de vin clair.

« L.P.V. » – Vous n’avez donc pas souhaité vous engager plus avant dans le sens de la limitation du rendement.

C.Q.-J. – Nous avons considéré que les plafonnements proposés n’empêchaient pas ceux qui le souhaitaient d’aller vers des rendements plus faibles, au terme d’une démarche propre. C’est déjà le cas de vignerons indépendants ou de coopératives, qui développent par exemple des produits à 65 hl/ha.

« L.P.V. » – Ces nouveaux rendements s’appliqueront dès la prochaine récolte ?

C.Q.-J. – Non car il aurait fallu déposer le cahier des charges avant le 15 mai. C’est ce que nous avons appris récemment. Irréalisable ! Ils ont donc vocation à s’appliquer lors de la récolte 2011.

« L.P.V. » – Où en êtes-vous de la rédaction de votre cahier des charges ?

C.Q.-J. – Souvenons-nous du contexte. Tous les vins de pays sont devenus automatiquement IGP (indication géographique protégée) le 1er août 2009. Ils ont donc quitté la tutelle de FranceAgriMer pour passés sous l’égide de l’INAO. A l’INAO, un comité IGP « vins et cidres » a été créé, présidé par Jacques Gravegeal. Il s’est réuni la première fois le 1er février dernier, justement pour commencer à travailler sur le thème du cahier des charges. Car, comme les AOC, les vins de pays ont hérité des deux « balises » de la réforme des signes de qualité : le cahier des charges et le plan de contrôle. En ce qui concerne le cahier des charges, un canevas commun s’appliquera à tous les vins de pays, sachant que deux points essentiellement divergeront, les cépages et le rendement. Chez nous, les cépages ne posent pas de difficultés particulières. Quant au rendement, on vient d’en discuter. La date butoir pour remettre nos cahiers des charges est fixée au 31 décembre 2011.

« L.P.V. » – Qu’en est-il du plan de contrôle ?

C.Q.-J. – Nous avons dû choisir un organisme certificateur. Après appel d’offres, notre choix s’est porté sur Qualisud, par souci d’harmonisation avec le Pineau – beaucoup de nos opérateurs produisent aussi du vin de liqueur – mais aussi pour les compétences de la structure. Ses agents possèdent une réelle connaissance du terrain. Cet aspect était très important pour nous.

« L.P.V. » – Concrètement, comment se traduit la réforme ?

C.Q.-J. – Il n’y a plus de demande d’agrément. On parle dorénavant de déclaration de revendication. Un des effets les plus tangibles de la réforme tient au côté aléatoire du contrôle. Il ne porte plus sur 100 % des produits comme par le passé. Il est prévu que soient contrôlés tous les ans 50 % des opérateurs sur 50 % de leurs lots. Et, dans ces 50 %, 90 % du contrôle relèveront du contrôle interne tandis que 10 % seront effectués par Qualisud. Grande nouveauté ! Deux nouvelles catégories d’opérateurs sont soumises à déclaration de revendication, dès lors qu’il y a transaction : les négociants vraqueurs et les conditionneurs-embouteilleurs comme la Fiée des Lois par exemple. Ainsi ces opérateurs doivent-ils être identifiés, à l’instar des opérateurs déjà intégrés au contrôle, vignerons indépendants, coopératives, négociants vinificateurs.

« L.P.V. » – Sur quoi porte le contrôle ?

C.Q.-J. – Grosse différence avec le Pineau, en ce qui nous concerne, nos contrôles ressemblent beaucoup aux agréments précédents : prélèvement d’échantillons, commission de dégustation. Il n’y a pas de contrôle sur le process en lui-même, ce qui n’empêche pas bien sûr, que le syndicat puisse prodiguer des conseils. Contrairement aux AOC, le contrôle sur le process de production n’a pas été imposé aux Vins de pays. Par contre nous sommes soumis à un contrôle documentaire très complet. Identification parcellaire, cépage, écartement, densité de plantation, CVI… tout est passé au tamis. Le syndicat doit gérer un arrivage documentaire énorme. Car si le contrôle produit porte sur la moitié des producteurs sur la moitié de leurs lots, le contrôle documentaire, lui, a vocation à embrasser 100 % des opérateurs. Pour nous y aider, un logiciel spécifique est en train d’être installé, après validation de Qualisud. Cette explosion de la partie documentaire représente un gros changement pour le syndicat et son technicien. Nous étions habitués à traiter avec environ 200 structures de production. Aujourd’hui, avec les apporteurs de raisins des coopératives, ce chiffre s’élève à environ 800 déclarants de récolte concernés par les vins de pays.

« L.P.V. » – Qu’en est-il du coût du contrôle ?

C.Q.-J. – Pour les opérateurs, cela ne change rien. Il s’agissait d’une grosse revendication de notre part. Nous ne voulions absolument pas que la réforme se traduise par un coût supplémentaire. Certes, le coût de Qualisud vient se rajouter mais comme nous ne sommes plus sur du 100 % de contrôle, c’est là que se situe le point d’équilibre. Comme avant, les frais sont mutualisés entre les opérateurs. Par contre, en cas de non-conformité, le contrôle supplémentaire est à la charge de l’opérateur.

« L.P.V. – A terme, est-ce que la famille des Vins de pays charentais souhaite se diriger vers l’AOP, l’appellation d’origine protégée équivalente des AOC ?

C.Q.-J. – C’est vrai que le sujet a été évoqué à plusieurs reprises. Mais outre que la démarche est très longue et repose sur une notion de terroir restrictive – alors que nous sommes installés sur un territoire assez vaste de deux départements – nous nous sentons très bien dans la filière des vins de pays. Notre diversité ! Nous la considérons comme une richesse. Plus que l’AOP, nous regrettons que les Vins de table aient obtenu de pouvoir porter sur l’étiquette les mentions du millésime et surtout du cépage. Jusqu’à maintenant, il s’agissait du « pré carré » des vins de pays. Les marchéss’en trouveront-ils déstabilisés ? Nous verrons dans les années à venir.

« L.P.V. » – Quel regard portez-vous sur la filière des vins de pays charentais ?

C.Q.-J. – Je ne vous étonnerai pas en vous disant que je la vois empreinte de beaucoup d’atouts. On la considère souvent comme une « petite filière ». Elle réalise tout de même 100 000 hl vol., une quantité équivalente à celle du Pineau. Tous les ans ou presque l’on annonce sa faillite. « Le Cognac marche bien, il n’y aura plus de vins de pays ! » Sauf que chaque année, le chiffre de production des vins de pays se confirme. Les viticulteurs engagés dans la filière sont totalement investis dans leur produit et en dégagent un revenu correct. Pas question pour eux de jouer au yo-yo. Ils ne font pas partie des producteurs opportunistes. Je trouve quand même dommage de focaliser sur les déboires de quelques coopératives alors que la majorité d’entre elles fonctionnent très bien. Coopératives et négociants-vinificateurs ne sont pas loin de représenter 70 % des ventes.

« L.P.V. » – Des regrets ?

C.Q.-J. – Oui en ce qui concerne le CIMVC (Comité interprofessionnel des moûts et vins du bassin viticole des Charentes). A son égard, nous nous sommes comportés en « bons petits soldats ». Dès 2006, nous avons constitué le comité, afin que puisse rapidement se mettre en place la Fédération des interprofessions (Pineau, Cognac, Vins). Sauf que, pour de sombres questions de prééminence de l’ANIVIT – l’Interprofession compétente pour représenter les vins de table en France – le CIMVC ne peut pas véritablement trouver son assise juridique. Il demeure toujours sous un statut associatif « bâtard », qu’il était pourtant prévu de faire évoluer en une vraie interprofession. Cette situation est d’autant plus regrettable que l’affectation arrive à grands pas et que les trois filières auront besoin d’une représentation égale autour de la table.

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