Universite de Segonzac : 25ème promotion « d’un des plus petits campus du monde »

8 janvier 2013

Le 9 novembre 2012, l’Université de Segonzac a accueilli sa 25e promotion. Depuis sa création en 1988, seront passés dans ses murs environ 400 étudiants. Un campus aux dimensions lilliputiennes – une moyenne de 16 étudiants par an – mais très cosmopolite… et très localisé, au cœur de la région de Cognac. Une dialectique « du proche et du lointain » qui confère un caractère unique au site universitaire de Segonzac.

« Sincèrement, c’est une très belle aventure, humaine et professionnelle. J’ai le sentiment que 1988, c’était hier. » Qui parle ainsi ? Élisabeth Rebillier. Depuis le départ, elle accompagne les destinées de l’Université. Aujourd’hui responsable du site dans ses aspects administratifs, elle est en quelque sorte l’âme du lieu, son point fixe. Tous les étudiants, de toutes les promotions, seront allés frapper à la porte de son bureau, à maintes et maintes reprises. Cela forge des liens. « Au départ j’étais la petite sœur, puis la grande sœur. Maintenant, je suis un peu leur maman » dit-elle dans un éclat de rire. Elle avoue tout aussitôt, comme pour se dédouaner : « Je ne sais pas fonctionner autrement. »

Autant dire que Segonzac est tout sauf un site déshumanisé. On s’y sent à l’aise comme dans une veste de tweed. Les salles ont cette pénombre de bon ton des vieilles maisons, les carreaux de l’entrée sont patinés à souhait, l’escalier raide et la moquette bordeaux un peu usée. Tout cela vous crée une atmosphère à « couper au couteau » mais un couteau à fruit, celui dont on se sert pour peler une orange bien juteuse.

Paul Hosteing, Pierre Hitier

C’est en octobre 1988 que l’Université de Segonzac ouvre ses portes. Les parrains « canal historique » de la structure se nomment Paul Hosteing, Pierre Hitier et quelques autres, soutenus par les maisons de Cognac. Cette « construction chimérique » – mais indispensable comme toutes les utopies – naît de la volonté conjointe des professionnels et de l’université. Car sans université pas de diplôme… universitaire. Dès le départ, la faculté de droit de Poitiers s’associe au projet, avec l’université René-Descartes Paris V. Les années passent, pas toujours faciles au plan financier. Simon Palmer, recruté au poste de directeur en septembre 1989, subira un licenciement économique en avril 2000. A cette époque, l’Université de Segonzac amorce un virage stratégique autant que nécessaire. Elle abandonne son statut d’association pour devenir une entité à part entière de l’université de Poitiers. Désormais, elle fera partie de ses sites décentralisés, au même titre que Niort ou Angoulême. D’un point de vue administratif, elle est rattachée en tant qu’annexe au Centre universitaire de la Charente, dont elle acquiert le statut d’annexe. Segonzac bénéficie à ce titre du financement du Conseil général de la Charente.

Durant la période un peu chahutée du début des années 2000, un homme va jouer un rôle essentiel pour pérenniser la filière : Denis Rochard. Directeur pédagogique du site de Segonzac, il s’impliquera totalement dans la promotion des études. Rien d’étonnant à cela : le jeune universitaire n’avait-il pas consacré sa thèse à la protection juridique des appellations d’origine. « Denis est quelqu’un de remarquable, qui apporte beaucoup de valeur ajoutée à la formation » souligne E. Rebillier.

Suze-la-Rousse l’inspiratrice

Dans la filière de l’enseignement spécialisé Vins & Spiritueux, la source d’inspiration de Segonzac a un nom : Suze-la-Rousse, dans les Côtes-du-Rhône. Cette petite ville drômoise de 2 000 habitants (comme Segonzac) possède une Université du vin, nichée à l’abri des vieux moellons du château. Fondée dix ans plus tôt que Segonzac, elle a servi de source d’inspiration à l’Université des eaux-de-vie. A ce jour, Segonzac reste le seul cursus centré sur les spiritueux.

L’université décentralisée de Segonzac propose deux masters professionnels (ex DESS) : un master professionnel en droit, gestion et commerce des spiritueux et un master en commerce international, sous la tutelle de l’IAE de Poitiers (Institut des administrations des entreprises). Depuis 1999, ces formations sont proposées couplées. Les étudiants sont vivement encouragés à choisir le binôme, ce qu’ils font quasi systématiquement. Au niveau de l’emploi, c’est bien plus payant.

En tout, la formation repose sur 600 heures de cours (450 + 150), de la mi-septembre à la mi-mars. Tous les enseignements se déroulent à Segonzac, à l’exclusion de tout autre lieu, y compris Poitiers. Délivrés par des professeurs de l’université de Poitiers, les enseignements académiques (environ la moitié du cursus) s’effectuent sous la haute main de maîtres de conférence. Les professionnels du secteur sont chargés du volet plus pratique. C’est le cas de la gestion des exploitations, du marketing, de la connaissance des spiritueux… « L’ambition de l’Université de Segonzac, c’est de former des cadres de haut niveau, polyvalents » note la responsable administrative du site. Et n’allez pas croire que le diplôme s’obtient dans une « pochette-surprise ». « Il y a une vraie sélection à l’entrée » confirment les anciens étudiants. Qui rajoutent : « Segonzac, ce n’est pas l’école des fans ! » Elisabeth Rebillier insiste sur la motivation des étudiants : « On ne vient pas à Segonzac par hasard. »

Niveau bac + 4

Pour intégrer la formation, il faut d’abord arguer d’un bon niveau d’étude : bac + 4 (ou son équivalent à l’étranger), voire une validation des acquis de compétences ; et ensuite parler correctement la langue française. Devant le comité de sélection des candidatures, qui se réunit chaque année, il y a plus d’appelés que d’élus.

Qui vient à Segonzac ? Aux trois quarts, des jeunes en fin d’étude ou en reprise de formation. Mais se trouve toujours une poignée de personnes engagées dans la vie active, dont le projet est de se reconvertir, donner un nouvel élan à leur vie professionnelle.

« C’est une richesse pour la promotion. Les enseignants apprécient énormément et les étudiants aussi. Ces professionnels tirent le groupe vers le haut » confirme E. Rebillier.

Mixité et synergie représentent d’ailleurs des valeurs cardinales pour Segonzac. La 24e promotion – la dernière qui vient de sortir – comptait par exemple un ingénieur en agriculture, docteur en biologie végétale. Son projet ! Créer une distillerie d’eaux-de-vie de fruits dans sa région natale, l’Auvergne. Il fut moteur pour ses jeunes condisciples.

Plusieurs étudiants chinois chaque année

p24.jpgA Segonzac, les étudiants chinois « ont leurs ronds de serviettes ». Chaque promotion en compte un certain nombre et ce depuis 1999. Il ne faut pas y voir le fruit du hasard mais la résultante d’une double opportunité. D’une part l’IAE de Poitiers a noué de longue date un partenariat avec le monde universitaire chinois. Dans le cadre d’échanges, des étudiants chinois conduisent une partie de leur cursus en France. Après un ou deux ans passés à Poitiers, ils maîtrisent bien la langue. D’autre part, Cognac exerce une véritable attraction sur ces jeunes recrues. A la sortie, beaucoup postuleront dans des sociétés exportatrices françaises implantées en Chine. Les jeunes russes sont également très demandeurs mais c’est un peu plus compliqué pour eux, notamment pour des questions d’équivalence de diplôme.

Réseautage

Ce que les étudiants viennent chercher à Segonzac, ce sont non seulement des connaissances théoriques mais aussi et avant tout un réseau, une fenêtre ouverte sur le monde des spiritueux. Ils parlent tous du voyage de fin d’année comme d’un moment fort, exceptionnel même. En deux semaines, ils vont faire le tour des régions productrices d’alcool (liqueurs, anisés, eaux-de-vie de vins, de fruits…). De la Bretagne au Périgord en passant par l’Armagnac, l’Alsace ou la région PACA, c’est un road movie de tout ce que la France compte de producteurs, d’entreprises spécialisées dans la fabrication, le commerce des spiritueux. Elisabeth R. sélectionne les visites, réserve les hôtels, les restaurants. Elle met un point d’honneur à ce que le programme se renouvelle chaque année. « C’est un challenge » avoue-t-elle. Les étudiants pilotent eux-mêmes le minibus. Une tradition autant qu’une récréation, qui rajoute au plaisir du voyage. Si l’institution prend en charge la majorité du coût, les étudiants acquittent une quote-part et se débrouillent pour démarcher les entreprises, histoire de grappiller quelques jours de visites supplémentaires.

p25.jpgSegonzac, site délocalisé de l’université de Poitiers ! « Non, localisé » rectifie avec justesse le doyen de la faculté de droit de Poitiers. Dans cette petite cité d’un peu plus de 2 000 habitants, les étudiants ont l’occasion de toucher du doigt des réalités qu’ils ignorent souvent. Pour certains étudiants parisiens, c’est parfois la douche froide. Certes, ils ne s’attendaient pas à trouver un métro à Segonzac. Mais de là à affronter le désert des transports en commun ! Peu à peu cependant le co-voiturage se met en route et l’accueil des « autochtones » fait le reste. La plupart des étudiants résident dans des gîtes du voisinage. « Les premiers jours sont délicats » glisse en souriant la responsable du site. On imagine qu’elle a dû répondre à pas mal d’appels au secours. Mais très vite tout s’organise, tout se normalise. Après le stage en entreprise et la soutenance du mémoire, arrive bientôt l’heure de la remise des diplômes, en même temps que l’intégration de la nouvelle promotion.

Cette année, cette étape aura connu un tour particulier. N’accueillait-on pas la 25e promotion. Cela s’est passé le 9 novembre, dans une ambiance à la fois joyeuse et solennelle.

 

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