Très optimistes sur le long terme mais particulièrement prudents sur les 6 à 12 mois qui viennent. » A écouter les remontées de terrain, ce serait la position du négoce cognaçais en ce mois de juillet 2010. Cette attitude ne choque pas outre mesure les observateurs. Beaucoup y voient même l’expression d’une certaine logique. « Après tout, des sorties de Cognac de 444 336 hl AP classe l’année mobile arrêtée au 30 juin 2010 au rang d’une année moyenne. N’oublions pas qu’en d’autres temps, les sorties Cognac ont atteint et même dépassé les 5000 000 hl AP. » Cependant, tout se passe comme si un doux sentiment d’euphorie avait gagné la viticulture. C’est en tout cas ce qui semble ressortir des réunions, petites ou grandes, qui se sont multipliées en cette veille d’affectation préalable au 30 juin. « Beaucoup de gens considèrent que la crise est terminée. Ils veulent passer à autre chose. » Et comment ne pas les comprendre. Après des mois et des mois d’enlisement à se demander si le moteur du Cognac était définitivement grippé, le simple signal de la reprise a fait l’effet d’une immense bouffée d’oxygène. La reprise, ce sont des ventes et les ventes la promesse de pouvoir continuer à alimenter la machine. Si l’on y ajoute la progression à deux chiffres des statistiques, la boucle est bouclée ; sauf que ces pourcentages sont calculés sur des mois faibles. Un « détail » qui passe souvent inaperçu.
Tout ceci pour dire qu’un décalage existe sans doute aujourd’hui entre les attentes – visions, prévisions, anticipations – des viticulteurs et les intentions réelles des maisons. La période de renouvellement des contrats en a constitué une manifestation. Si certaines maisons ont augmenté leurs contrats, les hausses ne furent peut-être pas à la hauteur attendue. Acceptées dans certains crus, elles furent très « triées » ou carrément refusées dans d’autres. Des diminutions de contrats ont été observées ailleurs, même si l’effet tangible sur les achats ne sera peut-être pas aussi fort que le laisseraient entendre les chiffres bruts. Car, peu ou prou, une tendance se dessine : substituer une frange d’achats « purs et durs », sous forme de contrats, par des solutions plus souples, offrant l’opportunité d’ajustements. L’idée du négoce ? Disposer de marchandise sous le coude « et ne pas la lâcher », mais sans avoir à en porter le poids ou en tout cas sans excès. La période semble plus au déstockage qu’à l’inverse. Comme solutions possibles à cet allégement, on citera le recours plus fréquent aux stocks tampons des marchands en gros (par l’intermédiaire ou non des bouilleurs de profession) ou encore le système des bonnes fins (promesses de reprise en compte d’âge mais sans engagement écrit sur la date), ou celui des fameuses QR (quantités réservées). Alors que les années fastes avaient signé le retour d’une certaine normalisation des engagements contractuels, la crise a réintroduit une dose prudence ou de « flexibilité », pour reprendre l’expression en vogue. Rien que de très classique en somme. Ceci dit, comme toujours en Charentes, le champ des possibles est ouvert. Il suffit que les ventes s’accélèrent au cours du second semestre 2010 pour que de nouvelles stratégies s’échafaudent. A ce titre, le niveau de rendement annuel 2011 constituera un bon indicateur. Sur le papier, il ne devrait pas évoluer voire baisser légèrement, compte tenu des différents paramètres de calcul interprofessionnel. Mais, en la matière, le prévisible n’est pas toujours le plus sûr. « A Cognac, on trouve toujours une solution. Et quand il n’y en a plus, il y en a encore ! »
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, le prix des eaux-de-vie rassises reflète assez bien cette période « d’entre-deux ». Si les enlèvements prévus dans le cadre des achats grandes maisons se dénouent de bonne manière – prix corrects – les ventes sur le marché libre ne brûlent pas les vaisseaux : 850 € pour des comptes 2, 900 à 950 € sur des comptes 3. Heureusement, pourrait-on dire, l’offre n’est pas très élevée. « Le marché des rassises reste très calme. » Comment évoluera-t-il entre septembre et décembre ? C’est l’une des questions à l’ordre du jour.
Le 13 juillet dernier, un communiqué de presse de la Station viticole du BNIC annonçait un potentiel de rendement de l’ordre de 120/130 hl vol./ha, compte tenu des observations réalisées (comptages de grappes/suivi de la floraison). Comparé à la moyenne des dix dernières années – 111 hl vol./ha – ce potentiel s’affiche dans la normalité. Comme fut « normal » jusqu’à présent le cycle végétatif. Pas de grosse pression maladie, ni côté mildiou, ni côté oïdium. Les tordeuses de la grappe, présentes l’an dernier, a priori ne devraient pas occasionner de gros dégâts. Certes, l’épisode pluvieux de juin a pu susciter quelques craintes. Des viticulteurs se trouvaient en fin de rémanence et eurent peur d’être à découvert pendant quelques jours. Mais, au final, les contaminations ne furent pas très nombreuses. Concernant les stades phénologiques de la vigne, l’évolution s’est faite de manière correcte. Les 3-4 jours de retard sont comblés. Sur l’ephéméride, les techniciens remarquent qu’il y a « un lundi 27 septembre et un lundi 4 octobre ». « Ce qui se dessine à ce jour, disent-ils, c’est qu’une partie des viticulteurs commencent le 27 septembre – les plus pressés ou ceux qui ont de grandes surfaces, ou encore des acheteurs qui recherchent une qualité “tip top”, avec de l’acidité… – et qu’une autre frange démarre le 4 octobre. » Vincent Dumot, responsable du Pôle viticole à la Station, fait toutefois remarquer que rien n’est joué fin juillet. « Souvenons- nous de 2003. La canicule s’est déclarée la première quinzaine d’août et nous a valu des vendanges en septembre. »
Dernière minute : concernant le rendement des vins sans IG (surfaces « autres débouchés »), la région a émis une proposition de rendement à 250 hl vol./ha lors d’une rencontre qui a eu lieu à Paris le jeudi 22 juillet entre les représentants viticoles des régions françaises, le ministère de l’Agriculture, les Douanes et FranceAgriMer. Une réunion « conclusive » est prévue le 8 septembre sur le sujet.
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