Orages de grêle

7 juillet 2009

De l’air chaud en basse couche, de l’air froid en altitude, un régime de vent de type cyclonique en altitude… c’est le cocktail détonnant qui explique la « super cellule orageuse » qui a provoqué les dégâts de grêle survenus le 11 mai dernier sur l’Aquitaine et le Poitou-Charentes. Directeur départemental de Météo-France pour la Charente, Didier Boutonnet décrypte le phénomène.

boutonnet.jpgQu’est-ce que la grêle ? De l’eau qui s’élève dans les forts courants ascendants. Quand l’eau monte, elle se refroidit et se congèle. Ce faisant, elle se transforme en grêlons et il y a précipitation. Mais il y a grêle et grêle. Tous les orages n’ont pas vocation à devenir des bombes dégoupillées. La caractéristique de ces super-cellules orageuses, comme celle qui a traversé la région le 11 mai dernier, est d’être sous l’influence de très forts vents d’altitude, de type cyclonique. Ces vents très particuliers vont travailler au corps les puissants nuages convectifs, les cumulonimbus, autrement dit les nuages d’orages. Au lieu d’être libérés en une seule fois, les grêlons vont connaître plusieurs phases ascendantes (une montée, un début de descente, une remontée et ce à trois ou quatre reprises). A chaque épisode, ils se renforcent et grossissent. A leur descente, ils ne fondent pas suffisamment et, au final, cela donne des nuées de grêlons comme des œufs de pigeon, dotés d’une charge destructrice phénoménale. Inutile de dire que le lundi 11 mai, toutes les conditions étaient réunies pour occasionner ce type de fléau. Ce jour-là comme la veille, la température avait grimpé à 25 °C. De l’air chaud soufflait de l’Espagne, de l’air froid venait de l’Atlantique. Cela a produit toute une ligne d’orages qui, partant des Pyrénées, s’est développée sur l’Aquitaine, la Gironde, les Charentes, la Vienne. En Charente, Didier Boutonnet décrit trois cellules orageuses différentes à s’être succédé dans la soirée du lundi. Venant de l’ouest, la première est passée sur Cognac et s’est renforcée sur Rouillac. C’est dans cette phase de renforcement – entre 17 et 18 heures – qu’elle a occasionné les dégâts que l’on sait. Les deux autres cellules se sont formées sur la Gironde et ont pénétré l’une par Baigne-Sainte-Radegonde pour aller « taper » les collines du Blanzacais, l’autre au niveau d’Angoulême pour s’abattre vers Roumazière. Ces deux cellules de même type se sont manifestées par beaucoup de foudre et de précipitations – de l’ordre de 50 mm en une heure – assorties de grêlons de 3-4 cm. Ainsi, entre 16 heures et 19 heures, en un laps de temps relativement court, trois cellules orageuses ont touché le département. En Charente-Maritime, trois ou quatre orages balayèrent le territoire, dont une super-cellule qui secoua Rochefort.

sans lien avec le changement climatique

Faut-il voir dans ces orages la résultante d’un changement climatique ? Le météorologue ne cautionne pas cette piste. « La période de mai-juin est typique de ce type d’orage que l’on peut retrouver ensuite en septembre. Le phénomène du changement climatique, pertinent à l’échelle mondiale, n’a pas de lien avec ces épisodes locaux. Des orages de cette forme et de cette intensité, il s’en produit malheureusement des dizaines et des dizaines en France chaque année. » Et l’homme est bien dépourvu devant de tels phénomènes. Ce lundi 11 mai, le message publié par Météo France était libellé de la manière suivante : « En fin d’après-midi/début de soirée, orages localement forts à violents et accompagnés de grêle. » « Pour ce genre d’aléas climatiques, les prévisionnistes sont relativement impuissants. Ils se bornent à identifier la période à risque – le jour pour le lendemain voire le surlendemain – et la zone » observe Didier Boutonnet.

D’un point de vue technique, Météo-France mène en parallèle trois niveaux de prévisions : au QG national de Météo-France à Toulouse, revient le soin de définir la situation générale et l’évolution possible à l’échelle du pays ; au niveau régional (Bordeaux), il appartient d’affiner les prévisions pour le Sud-Ouest et les centres départementaux tentent ensuite de quadriller le terrain. Les alertes en préfectures ne sont émises qu’en cas de vigilance orange et ce lundi 11 mai, la vigilance était jaune. C’est l’échelon régional de Bordeaux qui centralise l’approche du risque et prévient les préfectures.

Pour tenter de percer les mystères du ciel, Météo-France dispose de trois instruments : les images radars, les images satellites et ses modèles numériques.

Les images radars délivrent une information instantanée. De nouvelles images défilent sur l’écran toutes les 5 mn. Les météorologues arrivent à déterminer un facteur de déplacement et, à partir de là, peuvent extrapoler d’1 heure ou de 2 heures. Ils sont par exemple en mesure de prévoir, 2 heures à l’avance, où va passer l’orage sur le département. Les images satellites offrent une approche plus globale tandis que les modèles numériques mixent des données comme le vent, les températures en altitude, les vitesses verticales de l’air, les anticyclones et les dépressions, l’humidité…

L’air chaud venant de l’Espagne confronté à l’air froid de l’Atlantique font de l’Aquitaine, des Charentes et du Midi-Pyrénées une zone qui, en France, est assez sensible aux orages. Il arrive que ces orages remontent et se renforcent dans le relief du Massif Central. Depuis août 1996 existe à Marcenat, petite commune de Haute-Auvergne dans le Cantal, un musée de la Foudre et de l’Orage. Et après le tonnerre du ciel, le visiteur concerné par les risques naturels pourra toujours se rabattre sur le tonnerre des entrailles de la terre, puisque Marcenat se situe dans le parc naturel des Volcans d’Auvergne, à quelques encablures de Vulcania.

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