En cette fin du mois de juillet, le vignoble charentais est toujours confronté à une pression de mildiou exceptionnelle que l’on peut qualifier d’historique. L’extrême virulence de la maladie a mis à mal beaucoup de calendriers de traitements et d’organisations des applications. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas du tout ! 2011, une année de référence en matière de non-protection et 2012, une année de maxi-protection qui laisse a beaucoup de viticulteurs « un goût amer ». Certains responsables de propriété ont un sentiment d’impuissance face à l’agressivité du champignon alors que d’autres arrivent à contrôler la situation. La maladie s’était faite discrète depuis plusieurs années et sa capacité de nuisance avait été un peu oubliée. Pourtant, il ne faut pas perdre de vue qu’en matière de protection du vignoble, le mildiou représente le danger n° 1 de la région de Cognac. 2000, 2007, 2008 et 2012, quatre millésimes de forte pression mildiou ayant engendré des pertes de récolte sur un intervalle de temps de seulement 12 ans. Cette réalité inhérente au vignoble et au contexte de production charentais n’a-t-elle pas été partiellement éclipsée par la pression technico-médiatique du plan Ecophyto 2018 ? La question mérite d’être très sérieusement posée ? Si tous les viticulteurs partagent le souhait de moins utiliser d’intrants, tous souhaitent aussi avoir des niveaux de production satisfaisants en phase avec la demande d’eaux-de-vie actuelle. Produire régulièrement 11 à 12 hl d’AP/ha demande une véritable technicité. Le vignoble charentais est également naturellement plus sensible au mildiou que d’autres régions. Les vignes de Cognac se comportent comme des athlètes de haut niveau qui en plus sont soumises à des conditions de production parfois défavorables liées à une climatologie océanique. Demander à 2 000-2 300 ceps/ha de produire 14 à 15 tonnes de raisins exige des itinéraires culturaux adaptés qui n’ont rien à voir avec ceux d’objectifs de production de 6 à 7 tonnes de raisins/ha à partir de 4 000 à 7 000 souches. Le modèle de production charentais avec son cépage unique à la nature généreuse, l’ugni blanc, présente de réelles spécificités en terme d’agronomie et de protection du vignoble. Ce n’est donc pas un hasard si les belles vignes larges de Cognac possèdent une réceptivité accrue au mildiou !
Lorsque les conditions climatiques comme en 2012 sont très propices au développement du mildiou, les marges de manœuvre au niveau du raisonnement de la protection du vignoble se réduisent. Les pluies abondantes depuis la fin mars et l’absence de séquences de fortes chaleurs ont favorisé une montée en puissance exceptionnelle de l’épidémie dont la virulence a battu tous les records. On est confronté en 2012 à un mildiou « premium ». Dans de telles conditions, la moindre fissure dans le dispositif de protection a été propice à un développement spectaculaire du champignon. Les viticulteurs dont les vignes ont été touchées de façon précoce à partir de la mi-juin ne sont pas arrivés à maîtriser la situation au fil des semaines. Le cycle végétatif un peu plus tardif a aussi fait coïncider les périodes de pré-floraison et de floraison (forte réceptivité de la plante) avec des cycles de contamination du mildiou intense. Les attaques plus tardives de fin juin ou début juillet ont aussi surpris des domaines encore indemnes à cette époque. Au 20 juillet, la situation est toujours aussi préoccupante car les sorties sur grappes continuent de se développer. L’ampleur et la virulence de l’épidémie font débat. Certaines bases de la lutte sont confortées mais des interrogations et des incertitudes émergent aussi ! Par exemple, les stratégies de traitements préventives calées sur la fréquence des précipitations ont donné les meilleurs résultats. La qualité de la pulvérisation et la capacité à pouvoir couvrir un vignoble en 8 à 10 heures ont souvent fait la différence. Les approches de sous-dosage fin mai ou début juin n’ont pas fonctionné. L’effet vigueur et la présence accrue de jeunes feuilles dans certains modes de conduite ont favorisé l’expression des épidémies. Le raccourcissement des cadences d’application des spécialités commerciales à longues rémanences à 8 jours était bienvenu, ce qui déçoit beaucoup les utilisateurs de ces produits coûteux ! Parmi les principaux sujets d’inquiétudes, la montée en puissance de la résistance, l’efficacité parfois aléatoire de certains fongicides, et une suspicion de sélection de souches de mildiou plus virulentes hantent les esprits de beaucoup de techniciens. La maladie a fait preuve d’un niveau d’agressivité inconnu, bien supérieur à ceux de 2007 ou de 2008. Au final, l’inquiétude de l’incidence du mildiou sur le potentiel de production est réelle. Dire aujourd’hui que le mildiou aura peu d’incidence sur le niveau des rendements régionaux est une hérésie, au même titre qu’annoncer des pertes de production de 40 hl/ha. L’impact des pertes de rendements ne peut être exclusivement attribué au mildiou. Il s’est aussi produit une succession d’événements défavorables : mauvais débourrement, filage de jeunes inflorescences, coulure, millerandage parfois important et attaque de mildiou. Le contexte de production en 2012 est pour l’instant défavorable. Atteindre 120 hl/ha paraît ambitieux tout comme 60 à 70 hl/ha est pessimiste. La vérité se situera entre ces deux extrêmes et, d’ici le début octobre, on peut espérer que la climatologie redevienne plus clémente.