Un investissement de maîtrise thermique raisonné

9 décembre 2009

Avoir une approche globale de la maîtrise de la qualité des vins de distillation intégrant à la fois les aspects de traitements de la vendange, de pressurage, la décantation et la régulation thermique des fermentations alcooliques est bien sûr possible mais en réalisant des investissements conséquents qui ne sont pas compatibles avec les impératifs de gestion raisonnés des exploitations viticoles. Or, après des vendanges 2009 particulièrement chaudes, la maîtrise thermique des fermentations est un sujet qui mobilise l’attention de beaucoup de responsables de propriétés. Deux viticulteurs d’Echallat confrontés à des problèmes d’élévations de températures de fermentations dans des cuves de grandes capaci tés ont préféré réaliser un aménagement judicieux de maîtrise thermique sur 2 400 hl de cuverie plutôt que d’acheter un pressoir pneumatique de 50 hl.

Sébastien Charbonnier et Guy Couty, bien qu’étant de deux générations très différentes, partagent une même philosophie d’engagement dans des démarches de recherches de qualité au niveau de la vinification. Le premier est de par sa jeunesse et son intérêt pour le vin et les eaux-de-vie naturellement réceptif à la mise en œuvre de pratiques œnologiques modernes. Le second a découvert l’œnologie « sur le tas » dans la force de l’âge et son bon sens l’a incité à s’informer et à s’entourer de compétences pour être en mesure de répondre aux attentes des acheteurs.

Les deux viticulteurs, qui exploitent ensemble la propriété de 32 hectares, ont mobilisé leurs énergies pour élaborer des vins de qualité tout en essayant de maîtriser leurs investissements. Depuis deux campagnes, un alambic de 25 hl assure la distillation de l’ensemble de la production de vins, ce qui a encore renforcé leurs motivations de recherche de qualité.

« J’ai beaucoup appris au contact de mon œnologue »

En Charentes, les chais de vinification ont pendant très longtemps étaient implantés dans des bâtiments exigus à l’intérieur des cours de ferme, ce qui rend leur transformation et leur accès plus difficiles. L’acquisition de cuves supplémentaires, le remplacement des pressoirs, l’écoulement des eaux de lavage, l’aménagement d’atelier de décantation rapide… sont bien sûr envisageables mais à l’usage, les infrastructures ne s’avèrent pas fonctionnelles. G. Couty, qui possédait un chai normalement agencé attenant à sa maison d’habitation, a fait ce même constat : « Mon chai me donnait satisfaction mais je manquais de place et sa conception, son implantation rendaient difficile toutes évolutions importantes. Au fil des années, nos acheteurs ont fait évoluer les critères de sélection qualitatifs des vins et j’ai découvert les principes de l’œnologie en m’entourant de compétences. Je me suis engagé dans des démarches de suivis techniques des vinifications depuis longtemps et j’avoue qu’au contact de mon œnologue, j’ai beaucoup appris. Petit à petit, cela m’a aidé à satisfaire les exigences des acheteurs et m’a fait prendre conscience des limites de mon installation de chai. L’élaboration des vins de distillation a connu une profonde évolution au cours des 15 dernières années et j’ai essayé de faire évoluer mes pratiques de vinification. » A partir du milieu des années 90, ce viticulteur de plus de 50 ans a pris la décision d’aménager un nouveau chai de vinification.

Deux pressoirs remplis par les trappes au lieu d’un conquet et d’une cage rotative

Au départ, l’idée directrice du nouveau chai était de créer un bâtiment spacieux, évolutif, permettant à la fois de rendre plus simple le travail de chai et de s’adapter aux nouvelles exigences qualitatives. Cela a débouché sur la construction en 1998 d’un vaste hangar agricole ouvert sur un côté (en fait sur toute sa longueur), haut, dont l’implantation était simple à agencer et d’accès facile avec les bennes à vendanges. L’écoulement des eaux de lavage est assuré par un caniveau central de grande capacité et de nombreux points d’eau ont été installés. Comme le lavage des cuves, des pressoirs… est durant les vendanges un travail indispensable et fastidieux, autant essayer de se doter de moyens qui le facilitent. La première évolution importante de l’installation vinaire a concerné le module de réception de la vendange et de pressurage. L’installation existante avec un conquet enterré de bonne capacité et un pressoir CEP 650 donnait satisfaction sur le plan du débit quotidien moyennant de faire attendre la vendange. Le pressoir présentait l’avantage d’avoir un remplissage automatisé, mais les rotations de cage en cours de remplissage provoquaient des libérations de bourbes importantes. L’ensemble de cette installation a été remplacé par deux pressoirs horizontaux de 32 hl d’occasion qui sont remplis par les trappes avec deux bennes élévatrices à vis. Le nouveau mode de remplissage des pressoirs est beaucoup plus « doux » car les raisins arrivent dans les cages par gravité. Les phénomènes de trituration au moment du transfert de la vendange sont très réduits. Le choix de deux pressoirs horizontaux disposant d’une capacité de cage moyenne de 35 hl est aussi mieux adapté au débit de la machine tractée. Comme les cycles de pressurage ne dépassent pas deux heures, les attentes de vendange sont rares et l’arrêt de la machine au moment du repas permet d’équilibrer les apports de fins de matinées. Les deux pressoirs ont été installés à un mètre au-dessus du sol sous le hangar, ce qui les rend accessibles, faciles à vider et simplifie leur nettoyage. Leur implantation côte à côte dans le sens de la longueur du hangar ne crée aucune gêne pour le remplissage. Le déchargement de la vendange nécessite un peu d’intervention manuelle pour égaliser les raisins à la fin du remplissage des cages. La rotation de la vis et de la vitesse de déchargement est commandée par l’arrière par la personne surveillant le remplissage. Une benne de 40 hl est vidée en moins de 10 minutes et cette installation permet de traiter 250 à 300 hl par jour (en 5 à 6 pressoirs). La présence d’un petit quai facilite l’accès des bennes et le positionnement des goulottes des vis au-dessus des cages des pressoirs.

Une cuverie de fermentation fonctionnelle en remplacement du béton

Pendant plusieurs années, les moûts aussitôt le pressurage étaient pompés vers la batterie de cuves en ciment de l’ancien chai. Cependant, le vieillissement naturel des revêtements et les difficultés logistiques de remplissage liées à la distance (plus de 50 m) ont incité ce viticulteur à progressivement renouveler la cuverie de fermentation. Il a acheté des cuves fibre de verre de 300 hl qui, sur le plan de l’entretien et de la capacité, étaient mieux adaptées aux apports de moûts quotidiens. Le choix de ce matériau correspond à une volonté qualitative de disposer de contenant facile à entretenir sur le plan de l’hygiène et économiquement beaucoup plus abordable que l’inox. La contenance de 300 hl est aussi bien adaptée au volume de moûts récolté quotidiennement pendant les vendanges. Les nouvelles cuves ont été installées sous le hangar derrière les deux pressoirs, ce qui permet de surveiller facilement leur remplissage et leur suivi au cours de la fermentation. Au fil des années, 8 cuves fibres de verre ont été implantées sous le hangar et l’ancienne cuverie ciment n’est plus utilisée que pour stocker des vins « faits ». L’accès à ces cuves beaucoup plus hautes s’effectuait au départ avec une simple échelle, ce qui n’était pas parfait sur le plan de la sécurité. Or, l’incorporation des levures, les apports d’azotes, les remplissages, le suivi des densités nécessitent de multiples interventions que des déplacements d’échelles ne facilitent pas. La recherche permanente de fonctionnalité a amené ces deux viticulteurs à s’équiper de passerelles supérieures, mais toujours avec un souci de maîtrise des coûts. Les cuves étant à l’abri, il leur a paru superflu d’opter pour un matériau du type acier galvanisé et les passerelles ont été fabriquées en acier peint par un artisan.

Concentrer les investissements sur les aspects essentiels

L’arrivée sur l’exploitation de Sébastien Charbonnier a créé une dynamique supplémentaire pour aller plus loin dans la réflexion qualitative globale. Le jeune homme et son beau-père sont devenus encore plus réceptifs aux aspects qualitatifs avec l’acquisition de l’alambic, mais ils sont aussi très soucieux de limiter leurs investissements aux aspects essentiels. Par exemple, installer des passerelles galvanisées 30 % plus chères ou acheter des cuves inox, un pressoir pneumatique représentent un sur-investissement dans le contexte de leur propriété. L’installation de chai act uelle s’avérait performante au niveau du traitement de la vendange, de l’adaptation au débit de la MAV, de l’état de la cuverie de fermentation et très fonctionnelle pour le travail quotidien pendant les vendanges. En 2006, une nouvelle étape a été franchie avec la mise en œuvre systèmatique des décantations. L’acquisition de deux garde-vins en fibre de verre sur pieds de 80 hl a permis d’envisager la réalisation des décantations dans de bonnes conditions. Elles ont été installées à une dizaine de mètres des pressoirs sous le hangar et, grâce à un ensemble de pompes et de vannes trois voies, les soutirages sont effectués rapidement et sans surcharge de travail importante. L’agencement du chai permet à la personne restant au chai de maîtriser à la fois les opérations liées aux pressoirs et aux décantations.

En années chaudes, les cuves de 300 hl montaient en températures

L’un des seuls points faibles de ce chai résidait dans l’atelier de fermentation. S. Charbonnier a rapidement perçu l’intérêt et les limites des cuves en fibre de verre de 300 hl : « Après quelques années d’utilisation, on a apprécié la facilité d’utilisation de la nouvelle cuverie au niveau de l’hygiène et de l’accessibilité. Par contre, à la faveur de la succession d’années chaudes, 2003, 2005, 2006 et même 2007, le suivi du déroulement des fermentations nous a amenés à observer des niveaux de températures dépassant parfois 28 °C dans les cuves de 300 hl. On a essayé de refroidir avec les moyens du bord en utilisant de l’eau qui ruisselait sur les parois extérieures, mais le résultat a été décevant. On arrivait à tenir une cuve s’il ne faisait pas trop chaud mais pas deux. Maintenir trois à quatre cuves de 300 hl autour de 25 °C ne pouvait être envisagé qu’en investissant dans des équipements beaucoup plus performants et à priori trop coûteux pour nous. Une première demande de devis d’une thermorégulation pour les 8 cuves fibres nous avait paru beaucoup trop onéreuse. Par ailleurs, un de nos pressoirs commençait à donner des signes de faiblesse et renouveler le poste de pressurage devenait une priorité. On ne pouvait pas tout faire, acheter un pressoir pneumatique ou investir dans une installation de froid. Avec une enveloppe budgétaire correspondant à la valeur d’un pressoir pneumatique de 50 hl, on a décidé de repartir avec des pressoirs à plateaux d’occasion en bon état et une installation de refroidissement moins clinquante mais fonctionnelle. » A l’issue des vendanges 2008, S. Charbonnier et G. Couty ont pris la décision d’investir dans la maîtrise des températures de fermentation en faisant preuve de réalisme économique.

2 400 hl de cuverie thermo-régulées pour un budget de 20 000 € ht

Après avoir visité quelques chais équipés d’installation de maîtrise des températures, les deux viticulteurs ont cerné plus précisément leurs attentes et estimé que la première offre chiffrée d’investissement dans le froid était sur-dimensionnée au niveau des performances et des moyens technologiques mis en œuvre. Leur idée de départ était d’installer des échangeurs dans chaque cuve pour gérer le refroidissement dès la fin de leur remplissage et éviter ainsi de se laisser déborder par les montées en températures : « Une installation de thermo-régulation ne fonctionne que pendant deux à trois semaines dans l’année. C’est à la fois peu et beaucoup lorsque l’on est confrontée à des périodes de vendanges chaudes. Pour nous, l’intérêt qualitatif d’investir dans une installation pour maintenir les températures de fermentation en dessous 25 °C était pleinement justifié mais pas à n’importe quel prix. » Etait-il possible d’investir dans une installation de ce genre pour un budget proche de 20 000 € ht ? La réponse est oui, puisqu’un fournisseur a installé un système complet de maîtrise des températures de fermentations automatisé. Les huit cuves de fermentation ont été équipées d’échangeurs internes de type serpentin de 3 m2, de sondes de températures et d’électrovannes (pour déclencher et arrêter le refroidissement). Une centrale de production glacée (réversible pour produire de l’eau chaude), d’une puissance de 35 000 frigories qui a été installée à proximité de la batterie de cuves, produit de l’eau à 5 °C (arrivant à 7 °C au niveau des cuves). Le circuit d’alimentation en eau des 8 serpentins a été monté en tuyaux en PVC rigide qui sont beaucoup moins coûteux que de l’inox. La conduite du refroidissement est géré par un petit automate à écran tactile qui enregistre les températures intérieures des cuves et pilote l’ouverture et la fermeture des électrovannes. Il suffit d’enregistrer pour chaque cuve une température de consigne (24 °C) pour que le refroidissement soit piloté automatiquement. L’installation était opérationnelle pour les vendanges 2009 qui, compte tenu de la chaleur, ont représenté un excellent test. S. Charbonnier et G. Couty en cette fin du mois d’octobre sont pleinement satisfaits de leur installation de froid : « Sans installation de thermo-régulation, je suis convaincu que certaines cuves auraient eu du mal à terminer. La gestion automatisée du refroidissement nous a permis de maîtriser les températures à 24 °C en 6 à 7 jours de fermentation. Aujourd’hui, les résultats des chromatographies viennent de conforter le bien-fondé de cet investissement car nos vins ne présentent aucune anomalie et peu riches en alcools supérieurs. En fin de vendanges, suite au jour de froid, on a aussi utilisé l’installation pour réchauffer les vins qui avait commencé leur fermentation malolactique. » Au cours des deux semaines de vendanges, les besoins en refroidissement concernaient au maximum trois à quatre cuves en même temps car, dès que les densités arrivaient à 1020, la régulation était arrêtée pour ne pas gêner le déroulement des fins de fermentations. L’intervention de refroidissement se concentrait généralement sur quatre jours, ce qui justifie de ne pas sur-dimensionner une installation.

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