Un chai « bien dimensionné  » à tous les niveaux

9 décembre 2009

La Rédaction

« Rentrer quotidiennement la quantité de vendange que l’on est capable de traiter dans de bonnes conditions », c’est la méthode de travail pleine de sagesse qu’ont choisi deux jeunes viticulteurs pour maîtriser la conduite des vinifications. Depuis quelques années, Bastien et Thomas Quintard ont réalisé des investissements permettant d’optimiser la qualité du travail dans leur chai, sans pour autant en accroître les performances volumiques. Leur approche est en quelque sorte d’avoir une réflexion globale qui privilégie « le bon rythme du chai ».

quitard.jpgL’EARL Quintard à Chadenac est une propriété familiale qui connaît une évolution liée à un changement de générations. Bastien et Thomas Quintard ont pris la succession de leur père à la tête de l’exploitation depuis presque deux ans. Les deux frères ont souhaité aborder leur démarche de travail en essayant d’utiliser au mieux leurs compétences respectives, Bastien prenant plutôt en charge la gestion de l’entretien du vignoble et du parc de matériels (beaucoup d’entretiens est fait sur la propriété), et Thomas assurant une partie des travaux au vignoble et l’ensemble de la vinification et de la distillation. L’autre changement important concerne une volonté de s’engager dans une démarche globale de transformation des productions viticoles au niveau des trois hectares destinés aux vins de pays et avec l’intégration de l’activité de distillation à la propriété en 2009.

Pousser plus loin la transformation en devenant Bouilleurs de cru

B. et T. Quintard abordent leur métier avec une philosophie différente, ce qui les amenés à repenser la conduite des vinifications. Bien qu’étant déjà très sensibilisés aux aspects qualitatifs, le fait de devenir bouilleurs de cru les amène à aller encore plus loin dans leurs réflexions : « Devenir bouilleur de cru, c’est avant tout une volonté personnelle de pousser plus loin la transformation du produit et aussi une décision économique réfléchie. L’augmentation constante du budget frais de distillation depuis un certain nombre d’années nous a beaucoup interpellés. Notre père a toujours fait distiller à façon et une partie des eaux-de-vie était stockée à la propriété. Ensuite, une extension des surfaces en vigne et le fait que nous soyons désormais deux à travailler sur l’exploitation ont pesé lourd dans la décision finale de faire monter une chaudière. Le dialogue que nous avons engagé sur ce sujet avec nos acheteurs nous a permis de finaliser ce projet pour la récolte 2009. Les charges liées aux distillations à façon nous permettent de financer l’acquisition de la distillerie, un achat de cuverie complémentaire et l’installation d’une aire de lavage. » L’autre volet de transformation de la production concernant les vins de pays est pour l’instant abordé avec sagesse. Les productions sont volontairement limitées à de petits volumes pour maîtriser la qualité et coller aux réalités des débouchés commerciaux. Thomas Quintard a acquis un savoir-faire en matière de vinification en travaillant pendant trois ans chez un élaborateur de vins de pays important de la région. Les premières vinifications en 2008 ont permis d’élaborer des rosés, des vins rouges, du Colombard, et cette gamme de produits commence juste à être commercialisée.

Bien dimensionner l’installation à tous les niveaux

La priorité de ces viticulteurs a été d’essayer d’avoir une réflexion globale au niveau de l’aménagement de leur installation de vinification pour essayer de bien « dimensionner » le fonctionnement des différents ateliers. Un planning de récolte régulier pour ne pas sur-alimenter les pressoirs, une adaptation des horaires de récolte pour arriver à tempérer la température des moûts, une cuve de décantation pour chaque coulage de pressoirs, des capacités de cuverie adaptées à la production journalière de moûts… L’organisation du chantier de récolte de façon commune avec deux autres exploitations (situées dans un rayon de 1 km) illustre cette volonté de travailler en anticipant sur le bon déroulement des étapes ultérieures de la vinification. La machine, qui travaille sur une cinquantaine d’hectares au total, alimente chaque jour les trois chais de façon à ne jamais créer d’attente de vendange. Comme le parcellaire des propriétés n’est pas trop dispersé, les pertes de temps liées aux déplacements de la machine sont assez limitées. L’organisation de la journée de vendange tient aussi compte de la capacité de pressurage de chaque chai : « On commence la journée de vendange chez nous en remplissant nos deux pressoirs de 32 hl puis la machine part chez nos deux collègues et ainsi de suite. Avec cette organisation, nous faisons en général 6 pressoirs par jour chez nous sans jamais faire attendre la vendange. Cela correspond à un volume de moût d’environ 300 hl/jour, soit l’équivalent de la capacité d’une de nos cuves de vinification extérieure en fibre de verre. C’est un bon rythme d’entrée de vendange pour lancer les fermentations dans de bonnes conditions. La cuve récoltée chaque jour est partie en fermentation dès le lendemain matin. Les vendanges durent en général deux grosses semaines et nous arrivons à tenir compte de l’effet maturité de nos différents îlots. »

2 cages de 32 hl, c’est adapté à une collecte de moût de 300 hl/jour

Sur cette exploitation, les vendanges ne sont pas une course de vitesse, B. et T. Quintard veulent prendre le temps de traiter et de vinifier leur récolte. Le débit quotidien de leur installation leur paraît bien adapté à la surface et aux objectifs qualitatifs qu’ils se sont fixés. D’ailleurs, leurs propos sur le sujet sont très clairs : « Avoir une installation de pressurage plus performante ne nous paraît pas être une priorité. Les deux pressoirs de 32 hl font bien leur travail et ne coûtent pas cher. Ils nous gagnent même de l’argent !

D’un point de vue qualitatif, avoir deux cages de 32 hl, c’est beaucoup mieux qu’une seule de 60 hl. La vendange n’attend jamais et on rentre déjà 300 hl de moût par jour. Certes, le remplissage et le lavage des pressoirs nécessitent du travail, mais chez nous il y a en permanence une personne au chai. Tant qu’il n’y aura pas de panne majeure, on gardera nos pressoirs à plateaux. Pour nous, la priorité d’investissement est ailleurs. Avoir des cuves parfaitement en état pour vinifier nous paraît être nettement plus important pour la qualité. »

Pour tempérer les moûts, « on embauche et on débauche tôt dans les vignes

Ces viticulteurs considèrent aussi que des entrées quotidiennes plus importantes rendraient beaucoup difficile la maîtrise des températures de la vendange. Rentrer de grandes quantités de moûts trop froids et surtout trop chauds amplifie fortement les risques d’incidents fermentaires. Actuellement, le volume de collecte journalier de 300 hl leur permet de gérer astucieusement ce problème en adaptant les horaires de vendanges en fonction du climat.

Cette année encore, les récoltes très matinales se sont révélées efficaces pour tempérer les moûts du milieu de la journée et économiquement ce procédé de maîtrise thermique naturel est imbattable : « Nous considérons que rentrer des moûts ayant une température équilibrée proche de 15 à 16 °C est une priorité qualitative. Or, en 2009, les fortes températures pendant plus de deux semaines rendaient impossible d’atteindre cet objectif avec les horaires habituels de vendanges. Le décalage des horaires nous a permis de limiter fortement l’incidence des pics de chaleur du cœur de la journée. On embauchait et on débauchait aussi très tôt. La machine rentrait dans les parcelles à 4 heures du matin et vers 12-13 heures la journée de vendange était terminée. Les moûts extraits en fin de matinée atteignaient parfois plus de 20 °c mais on arrivait à bien les tempérer avec les volumes frais du matin récoltés entre 4 et 8 heures qui ne dépassaient pas 10 à 12 °C. Avec cette organisation, les cuves commençaient leur fermentation à 15-16 °C. En 2009, cet ensemble de mesures préventives nous a permis d’éviter que les températures ne dépassent 25 à 26 °C. Si on avait rentré 500 hl par jour, cette organisation du chantier de vendange ne serait plus suffisante et là il nous faudrait investir dans des équipements de refroidissement coûteux. »

Une attention particulière au niveau de l’hygiène

Le fait qu’une personne soit présente en permanence au chai a permis d’organiser le travail et le suivi du déroulement des vinifications d’une manière très rationnelle. Un soin particulier est apporté au niveau de l’hygiène pendant les vendanges. Un nettoyage de toute l’installation de traitement de la vendange intervient chaque jour en fin de journée, en prenant le soin de ne pas oublier les petits détails, les fonds de cuvons, les tuyaux de sortie des maies de pressoirs, les pompes… Cette opération de lavage mobilise 2 personnes pendant 1 h à 1 h 30. En cours de journée, le conquet et les bennes sont rincés à l’eau après chaque remplissage des pressoirs. Depuis plusieurs années, les moûts sont décantés de façon systématique en utilisant les cuves situées juste en dessous les pressoirs.

Avec le recul, ces viticulteurs considèrent que cette intervention est un plus qualitatif dans toutes les situations, en présence de vendange saine comme sur des lots de raisins légèrement altérés par le botrytis. Les mises en fermentation interviennent rapidement en réalisant un levurage direct dans les 6 heures suivant la récolte, pour « ne pas faire attendre » les moûts. L’apport de la dose totale de LSA pour 250 hl est incorporé dès que les premiers « 50 hl de la capacité totale d’une cuve sont coulés ». Selon les années, des apports d’azote sont effectués pour complémenter l’alimentation des levures.

Des cuves de 300 hl, le bon compromis coût/qualité

La cuverie de fermentation de cette propriété a été complètement renouvelée depuis quelques années. L’objectif était de ne plus fermenter de vins dans les cuves ciment qui n’étaient plus adaptées à la fois au rythme des apports quotidiens de vendange et aux nouvelles exigences de maîtrise thermique. T. et B. Quintard ont beaucoup réfléchi à l’effet capacité des cuves avant de réaliser leurs investissements : « Les cuves ciment de 150 ou 200 hl que nous avions auparavant ne permettaient pas d’isoler les 300 hl de moûts produits au cours d’une journée. Par ailleurs, la nature de ce matériau amplifiait les échanges thermiques et leur entretien nécessitait beaucoup d’attention. On s’est dit qu’il fallait au moins acheter des capacités de 300 hl et plus. Les premiers devis étaient nettement à l’avantage des cuves en fibre de verre de 500 hl, moins chères que des 300 hl mais, lors des fermentations alcooliques, les températures dans des grands volumes risquaient d’être beaucoup plus difficiles à maîtriser. Des 300 hl nous paraissent plus faciles à contrôler en utilisant des moyens simples. Par ailleurs, au moment de la distillation, laisser une cuve en vidange pendant plus d’une semaine n’est pas l’idéal. Cet ensemble de raisons nous a conduits à acheter des 300 hl qui nous paraissent être un bon compromis coût/qualité. »

Au cours des dernières années, une batterie de 10 cuves de 300 hl en fibre de verre a été implantée à l’extérieur, à proximité de la nouvelle distillerie. T. Quintard effectue un suivi du déroulement des fermentations qui ne se limite pas au contrôle quotidien des densités et des températures. Il passe régulièrement voir si les cuves « travaillent bien » dans la journée. Cela lui permet de détecter d’éventuelles baisses de rythme d’activité fermentaire et de raisonner l’opportunité de rajouts d’azote en cours de fermentation.

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