UGVC : La viticulture cognaçaise renoue avec le jeu collectif

17 novembre 2011

Onze ans après la création du SGV Cognac, neuf ans après sa scission, la viticulture cognaçaise fait de nouveau le pari d’une structure viticole unie, l’UGVC, Union générale des viticulteurs pour l’AOC Cognac. Pour disposer d’une assise plus large, impliquer davantage les viticulteurs, porter plus loin les projets, parler d’une seule voix devant le négoce. Des réunions se sont tenues dans le vignoble, en préambule à l’AG constitutive de l’UGVC, prévue le 8 novembre 2011.

p10.jpgAu catalogue des superstitions bien tempérées, il y a ceux qui ne passent pas sous une échelle, redoutent le chiffre 13, hésitent à ouvrir un parapluie sous un toit… En Charentes, c’est du mot « syndicat » dont on se méfierait. Non qu’on le tienne en horreur mais chat (noir) échaudé… Et quant à parler de syndicat unique ! Ouh ouh ouh. Car l’histoire proche distille encore quelques aigreurs. En 2000 naissait le syndicat unique SGV Cognac (Syndicat général des vignerons de l’AOC Cognac). Sur les décombres encore fumants des « barrages » de 2008, il réussissait le tour de force de fédérer six organisations syndicales. Avec le SGV, la région de Cognac mettait entre parenthèses sa proverbiale circonspection à toute forme d’embrigadement. Elle communiait même dans un certain lyrisme syndical. Bien longtemps que ça ne lui était pas arrivé. La désillusion fut à la hauteur de l’élan suscité. En 2002 éclatait la scission avec l’avènement d’un nouveau syndicat, le SVBC (Syndicat des viticulteurs bouilleurs de cru pour la défense de l’AOC Cognac). Une petite dizaine d’années plus tard, la filière viticole charentaise s’apprête à « recoller les morceaux », avec quelques illusions en moins et quelques précautions en plus.

« Nous avons appris à travailler ensemble »

« Nous avons appris à travailler ensemble » affirment les protagonistes. Le « pansage de plaies » s’est opéré au sein de la FVPC (Fédération des viticulteurs producteurs de Cognac) qui, à sa création, en 2008, tenait presque du centre de thérapie familiale. Par crainte des situations de blocage « et pour engager un consensus plus large », les deux syndicats décidèrent de mettre en place un processus de vote à la majorité des deux tiers. « En fait, nous n’avons jamais eu besoin de l’utiliser. Nous avons toujours réussi à tirer une orientation au cours des discussions, sans passer par la case du vote » indique Christophe Forget, président du SGV Cognac. Ce qui ne signifie pas que la règle de vote aux deux tiers ait été inutile. D’ailleurs, l’UGVC l’a fait sienne à nouveau. « En 2000, les statuts du SGV ont sans doute été écrits un peu vite. Avec la règle de la majorité simple, trop de gens se sont sentis évincés » analyse rétrospectivement Jean-Bernard de Larquier, chef de famille de la viticulture au BNIC. Avec le « background » qui est le sien, J.-B. de Larquier sait que, dans cette région, « la vie syndicale n’est pas un long fleuve tranquille ». Il a une pensée pour Bernard Guionnet « qui a souffert plus que moi encore de la désunion. » « Ne soyons pas naïfs non plus, poursuit-il. Si nous avons réussi, c’est que le contexte nous a rendu service. D’autres crises surviendront. Mais je suis convaincu que la viticulture a besoin d’être unie pour parler d’une seule voix. »

« Soudés, nous sommes plus forts pour faire passer les messages » confirme Christophe Véral, président de la FVPC. Avec François-Jérôme Prioton, président du SVBC, ils citent en exemple les réserves climatique et de gestion. « En trois ans, nous avons pu faire passer des projets qui apportent quelque chose à la région. A contrario, la mise en place de l’affectation parcellaire a demandé dix ans. Des sensibilités différentes s’expriment dans nos deux syndicats mais, en définitive, nous poursuivons le même but : dégager un revenu maximum pour la viticulture et faciliter les transmissions d’entreprises. »

Le fait que le négoce, avec le SMC (Syndicat des maisons de Cognac) ait réalisé sa propre unité a sans doute fortement peser dans la balance du rapprochement. « Ne nous y trompons pas, a indiqué J.-B. de Larquier. Ce n’est pas toujours l’entente cordiale dans la famille du négoce, surtout entre la mouvance des PME du Cognac et celle des grandes maisons. Mais au final, au BNIC, cela ne transparaît pas. » Autre facteur déclenchant : la lourdeur du fonctionnement en fédération. Les incessantes navettes entre les deux syndicats viticoles et la structure ombrelle imposaient un rythme de réunion proprement « infernal ». Parmi les responsables viticoles, on frôlait la réunionnite aiguë.

Un syndicat représentatif

Pourtant, le ressort profond de l’UGVC se trouve sans doute ailleurs : dans l’envie de bâtir un syndicat vraiment représentatif de la viticulture charentaise. Les deux présidents de syndicats, Christophe Forget et François-Jérôme Prioton, l’ont souligné de concert. « Notre challenge, c’est de faire en sorte que tous les viticulteurs adhèrent à cette structure. Il n’est pas tout à fait normal que 20 à 25 % des viticulteurs participent à un syndicat et que tout le monde en profite. En Champagne de Reims, les viticulteurs adhèrent à 95-98 % au SGV Champagne. Le poids du syndicat, il est là. » François-Jérôme Prioton est rentré davantage dans l’opérationnel. « Nous défendons un système où tout le monde adhé-
rerait à l’UVGC, sauf ceux qui diraient clairement ne pas vouloir en faire partie. Ce serait une adhésion “par défaut”, comme ce qui se pratique en Champagne. C’est seulement de cette manière-là que nous arriverons à fédérer les 5 000 viticulteurs de cette région, en donnant au syndicat les moyens d’agir. »

Créer un syndicat c’est bien, mais pourquoi faire ? « Nous voulons faire de l’UGVC un syndicat où tout le monde puisse s’exprimer et jouer un rôle. » Pour améliorer l’écoute du terrain, est envisagée une double représentation, à la fois territoriale et par des collèges professionnels : livreurs de vin, bouilleurs de cru à domicile, bouilleurs de cru à façon, stockeurs, vendeurs directs. Chaque viticulteur choisirait le collège correspondant le mieux à ses affinités. « Votre avis sur les dossiers est extrêmement important. » A l’analyse, les deux syndicats sont arrivés à une conclusion commune : le vin constitue le plus petit dénominateur commun, celui sur lequel tout le monde se retrouve. « Le premier des combats de l’UGVC, a indiqué J.-B. de Larquier, sera de récupérer la marge des viticulteurs sur le produit de base, le vin. L’objectif consiste également à retrouver de la marge sur le portage du stock. Il y a 5 ou 6 ans, le différentiel de vente entre les eaux-de-vie 00 et le compte 2 était proprement ridicule, même pas 70 €. »

Intensifier le service aux adhérents fait naturellement partie du projet de l’UGVC. Jean-Bernard de Larquier a évoqué à titre d’illustration la dématérialisation de la déclaration de récolte à l’horizon 2013, les contrôles ODG… « L’UGVC n’empiétera pas sur les missions des syndicats généralistes. Mais il y a des domaines où il vaut mieux être défendu par son syndicat de filière plutôt que de signer un chèque à un organisme privé. »

Et le projet de libéralisation des droits de plantation dans tout ça ? J.-B. de Larquier ne l’avait pas spontanément évoqué lors de sa déclinaison des projets de l’UGVC. F.-J. Prioton y a remédié. « Il s’agit quand même d’un point important du projet. C’est le moment de nous serrer les coudes, au sein de la viticulture et avec le négoce. Le quota d’exploitation proposé par le Pape (production annuelle par exploitation) permet de proposer une alternative à la libéralisation des droits de plantation, tout en conférant au système plus de souplesse. » Revenant sur le sujet, J.-B. de Larquier a évoqué un Pape qui avait évolué, pour prendre en compte le lien au sol. Il a par ailleurs rappelé la stratégie défendue par la CNAOC, qui consiste à obtenir une majorité qualifiée au Conseil des ministres européens de l’Agriculture. Objectif : obtenir de la Commission qu’elle revienne sur la libéralisation des droits de plantation, dans le cadre de la réforme de la PAC négociée en 2012.

Où l’on s’aperçoit qu’à fleurets mouchetés, sans l’air d’y toucher, les deux formations font valoir leurs points de vue respectifs. Tout cela pour dire qu’à l’heure de la fondation de l’UGVC, les deux syndicats viticoles ont encore quelques arbitrages à rendre sur un sujet à haute valeur politique comme celui des droits de plantation.

UGVC : le calendrier
• 8 novembre 2011 : assemblée générale constitutive du syndicat.
• Dissolution préalable des deux syndicats SGV et SVBC.
• 29 novembre 2011 : assemblée plénière du BNIC, pour la mise en place d’une nouvelle mandature interprofessionnelle de trois ans.
• L’UGVC désignera les représentants viticoles qui siégeront au BNIC.

UGVC Une cotisation « par défaut »
Comme cela se fait ailleurs, qu’une structure se charge de collecter les cotisations des adhérents du nouveau syndicat UGVC… C’est l’idée véhiculée par l’expression « cotisation par défaut ». Concrètement, l’on pourrait imaginer que sur la facture préremplie figure une ligne « UGVC ». Sans initiative de sa part, le vigneron acquitterait « par défaut » sa cotisation syndicale. Par contre, il garderait entière liberté de ne pas adhérer. Pour ce faire, il lui suffirait de rayer la ligne et de déduire le montant de sa cotisation. Comme déjà dit, ce mode de fonctionnement existe dans d’autres régions et dans d’autres univers professionnels. C’est le système dit « de la collecte pour le compte de… » Le prélèvement s’effectue a priori, sauf décision contraire de l’intéressé. Ne s’expriment expressément que ceux qui ne veulent pas adhérer. Une façon de « renverser la vapeur » et de favoriser, de facto, l’adhésion.
Que dit la loi ? Face à un organisme privé, comme l’est un syndicat, ne valent normalement que les adhésions « volontairement exprimées » – « Je souhaite adhérer à telle structure. » Dès lors que l’on inverse le propos – « je n’accepte pas ce prélèvement » – on devient un peu plus « border line ». Toutefois, une tolérance administrative existe, à condition que la volonté de ceux qui ne veulent pas adhérer soit scrupuleusement respectée. C’est le « deal », le modus vivendi sur lequel des structures professionnelles et l’Etat se retrouvent. Des actions en justice se manifestent bien ici et là mais, généralement, elles ne débordent pas. Les structures professionnelles font valoir « l’intérêt général d’être légitime et reconnu dans sa profession pour assurer un rôle de représentation indiscutable. C’est une manière intelligente de fonctionner. C’est un système gagnant/gagnant. »

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