UCVA – Distillerie de Coutras : Un exercice 2013-2014 marqué par la faiblesse de la collecte

13 mai 2015

La petite récolte 2013 aura fortement impacté l’activité de la Distillerie vinicole de Coutras, spécialiste du traitement des marcs et lies. Sur cet exercice, la coopérative n’aura sauvé l’équilibre de ses comptes que grâce à la subvention européenne de fonctionnement et à la commercialisation de ses coproduits, notamment les pépins de raisins. Une campagne qui démontre la volatilité des résultats face aux aléas climatiques, y compris pour une structure qui a constamment démontré qu’elle mettait tous les atouts de son côté.

p31.jpg« La récolte 2013, on oublie ! » C’est le cri du cœur de Jean-Michel Létourneau, le directeur de l’UCVA, lancé aux représen-tants des coopératives et groupements de producteurs réunis à Coutras pour leur assemblée générale annuelle. Avec une production d’alcool réduite à 31 900 hl AP (alors que la moyenne sur les dix ans, de 2004 à 2013, s’élève à 70 000 hl AP), la campagne 2013-2014 aura fait figure d’annus horribilis. Imaginez ! Elle aura presque fait la pige à 1991 qui, pourtant, dans l’imaginaire collectif, incarne ce qu’il y a de pire en termes de petite récolte. Les raisons de cette contre-performance ? Evidemment, une faible récolte, qui s’est traduite par la faiblesse du tonnage collecté mais aussi une piètre qualité des marcs, marquée par de tout petits degrés (autour de 3°). Quant aux lies issues des Charentes, elles furent quasi inexistantes, contexte « encore » euphorique oblige. Dans le jargon de métier, on dit que les lies, cette année-là, furent « étripées ». Avec la récolte 2014, les choses retrouvent un faciès plus normal. La coopérative a rentré 95 500 tonnes de marcs – deux tiers en provenance des Charentes – avec une bien meilleure richesse alcoolique. La preuve, si besoin était, que le changement de règle opéré l’an dernier – qui autorise désormais plusieurs modes de traitements des marcs (distillation, épandage, méthanisation) – n’a pas eu d’effets tangibles sur la pratique des viticulteurs.

Les pépins, une pépite

En ce qui concerne l’exercice 2013-2014 – objet de l’examen de la dernière AG – les dirigeants de l’UCVA ont bien cru, à un moment donné, devoir faire face à un déficit. Sans doute une première ou pas loin pour l’entreprise. Et puis non, à la dernière mi-nute, le salut est venu d’un coproduit, les pépins de raisin ainsi que de la vente du biocarburant à base d’alcool vinique. Explications.

En dix ans, le prix des pépins de raisin a été multiplié pas quatre, passant de 50 € la tonne en 2004 à 200 € aujourd’hui. Une évolution diamétralement opposée au tartrate de chaux (la gravelle) qui, après avoir tutoyé des sommets en 2011-2012, s’est effondré en 2013-2014. D’un seul coup d’un seul, les prix furent divisés par trois. Qui plus est, à cette chute des prix s’est associée une baisse drastique des volumes.

Un phénomène qualifié par les intervenants de « double peine » ! Rien de tel pour les pépins de raisins dont la production présente la caractéristique d’être assez déconnectée du rendement. Quels que
soient les niveaux de récolte, le tonnage reste à peu près constant, à 15 % près. D’où des volumes de pépins de raisins qui se sont maintenus autour de 10 000 tonnes. « Une année pas ridicule » a commenté le responsable de l’UCVA. A tel point qu’au niveau du compte de résultat, la vente des pépins a contribué à hauteur de 23 % aux produits engrangés par l’UCVA, quand le poste « alcool » représentait à peine davantage (28 %).

L’UCVA confie la commercialisation des pépins de raisin à la Sica Raisinor, qui rassemble les volumes de presque toutes les distilleries vinicoles françaises, privées comme coopératives. En 2014, la Sica en a collecté 65 000 tonnes, contre 40 000 tonnes six ans plutôt (en 2008).

Sur la période récente, le marché de l’huile de pépin de raisin a véritablement explosé. Très porteur, il est notamment tiré par les exportations vers les Etats-Unis, où la diaspora chinoise raffole de ce genre de produit.

Sur le créneau de l’huile de pépin de raisin, Raisinor travaille « main dans la main » avec l’unique triturateur et extracteur français, les Grandes huileries Médiaco, près de Marseille, numéro un mondial dans son secteur.

Biocarburant

Comme déjà dit, le résultat positif de l’exercice 2013-2014 ne fut pas seulement dû aux pépins de raisin. Il est aussi venu du biocarburant, également commercialisé par la Sica Raisinor. Cette fois, les bons résultats sont à mettre au crédit du « double comptage » (voir encadré). Ce bonus fiscal, décroché de haute lutte par la filière vinicole auprès de l’Etat français en 2014, porte sur la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes). Si cette exonération totale ou partielle profite aux groupes pétroliers, par ricochet elle bénéficie aux biocarburants dits « de la génération avancée « (issus des résidus) en leur accordant un avantage compétitif. L’alcool vinique, qui provient des marcs, fait justement partie de ces bioéthanols de la génération avancée.

Au 31 août 2014, l’UCVA aura dégagé un chiffre d’affaires de 5,9 millions d’€, contre 7,6 millions d’€ l’année précédente. Le résultat courant avant impôt s’est établi quant à lui à 674 619 € (supérieur à 2 millions d’€ en 2012-2013). Le président de la coopérative, Hubert Burnereau, l’a reconnu sportivement : « Sans la subvention d’exploitation de l’Europe, nous n’aurions pas pu équilibrer nos comptes. » Une approche partagée par le commissaire aux comptes Xavier Rondeau : « Cet exercice particulièrement compliqué met en lumière la volatilité des résultats : volatilité des marchés, aléas climatiques… Vérité un jour, erreur le lendemain. »

Malgré tout, avec 32 millions d’€ de capitaux propres, la situation bilancielle de l’UCVA reste remarquablement saine. Une situation financière à faire pâlir d’envie pas mal d’entreprise sans doute.

Compte tenu des bons résultats dégagés sur les activités pépins et biocarburant, le conseil d’administration a décidé de rémunérer les apports, hors prestations viniques, selon un barème basé sur la qualité des produits. Par ailleurs, l’indemnité affectée aux marcs, pour compenser les frais d’approche, a été portée de 5 € la tonne à 10 €. « C’est un effort particulier en faveur des adhérents, afin de marquer le soutien de l’Union dans un contexte peu favorable. »

Double comptage : à lobbying, lobbying et demi

Le pot de terre contre le pot de fer… C’est un peu le sentiment des distilleries viticoles quand, en 2014, elles sont allées négocier le principe du double comptage auprès des ministères français de l’Economie et des Finances, de l’Environnement et de l’Agriculture. En première ligne, Hubert Burnereau, président de Raisinor France (et de l’UCVA), Jérôme Budua, directeur de Raisinor ainsi que Frédéric Pellenc, directeur de la FNDCV (Fédération nationale des distilleries coopératives vinicoles). Pour les alcools viniques, il s’agissait d’obtenir leur reconnaissance en tant que biocarburant « vertueux » (dit encore de génération avancée), car issu de résidus, à la différence du biocarburant tiré des betteraves, céréales ou canne à sucre, obtenu, lui, à partir de matières premières pouvant servir à l’alimentation humaine.

Quel enjeu autour du double comptage ? Non pas de vendre deux fois plus cher le bioéthanol issu de résidus mais de permettre aux utilisateurs – les groupes pétroliers qui incorporent du bioéthanol dans leur essence – de profiter d’un dégrèvement de la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes). Ce qui, par ricochet, allait conférer un avantage compétitif aux alcools viniques.

On peut facilement imaginer que la négociation ne s’est pas passée « comme une lettre à la poste ». En effet, les filières « conventionnelles » ont tout de suite vu dans ces petits nouveaux des concurrents potentiels. « Nous nous sommes confrontés à un lobby très puissant » confirme H. Burnereau. Les « sucriers », qui réalisent un chiffre d’affaires annuel de 2 milliards d’€, ont mis tous leurs poids dans la balance pour barrer la route aux « Ostrogoths de la viticulture ». Malgré tout, les poids plume ont su pousser les bonnes portes, grâce notamment à l’entregent de F. Pellenc et J. Budua. L’arrêté du
21 mars 2014 a reconnu l’éligibilité du biocarburant d’origine vinique à la minoration de la TGAP. Une belle victoire, d’autant plus marquante quand la fiscalité est importante. Ce qui est le cas en France.

Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, l’Angleterre a emboîté le pas à la France. A ce propos. Jérôme Budua a remercié Pierre Candelier, de la coopérative Saint Pey Génissac (la structure d’Hubert Burnereau), pour l’avoir aidé à prendre langue avec les autorités anglaises.

Dès 2012, des pays comme l’Italie, l’Allemagne ou la Hollande avait déjà retenu le double comptage. Particularité de la mesure ! Si le principe, une fois adopté, ne peut pas être remis en cause, le bonus fiscal, lui, est révisable tous les ans.

La filière vinicole a débuté un travail de réflexion plus technique avec les compagnies pétrolières. Un chantier qui s’annonce prometteur.

La collaboration avec Scania, le motoriste et constructeur suédois de poids lourds, se poursuit autour de l’ED 95. Ce bioéthanol sans une goutte d’énergie fossile peut faire fonctionner une motorisation 100 % diesel, avec une simple adaptation de la motorisation du camion ou de l’autobus. Fin 2014, la filière « marcs de raisins » a bien cru que l’homologation de l’ED 95 était acquise. Et puis non. Déception dans les rangs viticoles, qui ne « lâchent pas l’affaire ». En mars, « pour le fun et l’image », un bus a roulé à Paris avec, sur ses flancs, le panneau « je roule propre, je roule marcs de raisins ».

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