Tirer profit de l’effetr nématicide de certaines plantes

21 août 2013

La Rédaction

Les chercheurs de Bordeaux Sciences Agro développent une stratégie de lutte alternative contre le nématode Xiphinema Index et les risques de transmission des virus du court-noué qui en découlent. L’aboutissement de ces travaux scientifiques met en avant l’intérêt d’une stratégie de lutte globale reposant à la fois sur la dévitalisation, l’extraction des racines et l’implantation de jachères nématicides. Certaines plantes possèdent un effet nématicide dont les chercheurs pensent qu’il est possible de tirer profit.

Les risques de transmission des virus du court-noué sont importants dans la plupart des régions viticoles où les vignes sont implantées sur les mêmes parcelles depuis des décennies. La présence à l’état naturel dans le sol d’un nématode spécifique (un minuscule ver ayant une cuticule très résistante), Xiphinema Index, assure la dissémination des virus en allant piquer les racines de vignes en décomposition pour s’alimenter. La petite taille (3 mm de long pour un adulte bien développé) de ce nématode rend impossible de pouvoir le repérer à l’œil nu. Il faut observer les échantillons de terre au microscope pour l’identifier. Jusqu’au début des années 2000, les connaissances sur ce petit animal vivant présent dans les couches profondes du sol reposaient sur des données bibliographiques assez anciennes. Des travaux scientifiques récents ont mis en évidence que leur répartition dans le sol est très hétérogène. D’une manière générale, elles sont à la fois concentrées dans des couches profondes et distribuées autour de zones concentriques.

Une concentration de nématodes dans les parcelles sous la forme de cercles concentriques

p12.jpgAinsi, au sein d’une même parcelle, une concentration élevée de nématodes peut être identifiée dans un rond de plusieurs mètres de diamètre et aussi côtoyer d’autres aires à très faible densité. Les études réalisées dans plusieurs régions viticoles, en Alsace, en Bourgogne, en Champagne et en Gironde confirment de grandes variations de populations au moment de l’arrachage d’une parcelle. Leur nourriture « favorite » est la matière végétale en décomposition des racines. Or, la dégradation des racines de vignes peut durer des années (4, 5, 7 ans) dans les horizons de sols profonds. En piquant des racines virosées, les nématodes y prélèvent leur alimentation et ingèrent aussi les virus du court-noué. Elles deviennent alors « infectieuses et sont en mesure ensuite de diffuser le court-noué cherchant de la nourriture dans les racines appétantes des jeunes plants. La première mesure préventive pour limiter la nuisance des nématodes est d’extraire un maximum de racines du sol au moment du labour suivant l’arrachage. Il est aussi possible de pratiquer une dévitalisation des souches (pulvérisation de glyphosate sur la végétation aussitôt la récolte de la parcelle à arracher) qui accélère le processus de dégradation des racines. L’assimilation du glyphosate par la sève descendante des ceps provoque un dépérissement plus rapide des racines et donc le « réservoir » alimentaire des nématodes et le risque des transmissions des viroses diminuent dans des proportions significatives.

Des recherches conduites par les équipes de Bordeaux Sciences Agro et de Vitinnov

Depuis l’interdiction des produits de désinfection chimique des sols, qui était une pratique controversée en matière d’efficacité (dans les sols caillouteux) et surtout vis-à-vis de l’environnement, le seul moyen de lutter efficacement contre les nématodes était de respecter un temps de repos des sols de 5 à 7 ans entre l’arrachage et la replantation. Or, beaucoup de propriétés ne possèdent pas suffisamment de terrains disponibles pour que le processus « de neutralisation » naturel des nématodes se produise. Un groupe de domaines viticoles du Bordelais a financé une thèse à partir de 2005 pour acquérir de nouvelles connaissances sur le nématode Xiphinema Index. Maarten van Helden, un chercheur de Bordeaux Sciences Agro, a été à l’origine des premières études sur les nématodes et les plantes nématicides. Les travaux de recherche de l’étudiante Laure Villate ont abouti en 2008 sur une meilleure compréhension de la biologie et du développement de ce minuscule ver. Coralie Laveau, une jeune ingénieur de Bordeaux Sciences Agro, a poursuivi les recherches qui ont abouti sur des éléments concrets. Tout d’abord, un protocole de diagnostic et quantification de la présence des nématodes dans les parcelles après l’arrachage a été testé, validé et développé sous la forme de prestations de services proposées par Vitinnov (1). La toute petite taille de X.I. et son développement dans le sol sous forme de cercles concentriques rendent nécessaire la mise en place d’un protocole d’identification bien maillé reposant sur une dizaine de fosses pédologiques/ha. Ensuite, des prélèvements de terre à différentes profondeurs dans chaque fosse sont observés en laboratoire au microscope pour repérer les petits vers translucides. C’est un travail d’expert car la famille des nématodes est nombreuse. Le coût d’une telle prestation n’est donc pas anodin.

L’effet nématicide de certaines plantes

p13.jpgL’apport de nouvelles connaissances a été aussi le déclic pour les chercheurs qui se sont mobilisés pour trouver des solutions alternatives susceptibles de faire baisser fortement les populations de nématodes dans le sol et le risque de transmission des virus du court-noué. Les travaux scientifiques conduits par les équipes de Bordeaux Sciences Agro et de Vitinnov, en partenariat avec les centres INRA d’Antibes et de Colmar, ont concerné la recherche de plantes ayant un effet nématicide. Le choix des plantes testées a été effectué en tenant compte des données bibliographiques existantes et les aptitudes des espèces à pouvoir s’implanter dans un sol pauvre et avec un enracinement profond. Une trentaine de graminées et de légumineuses ont été soumises à un screening en laboratoire pour évaluer leur sensibilité à Xiphinema Index. C. Laveau a été le maître d’œuvre du travail de laboratoire qui a mis en évidence l’effet nématicide de huit plantes vis-à-vis du nématode Xiphinema Index, la tagète minuta, la vesce velue, l’avoine, la luzerne, le sainfoin, le trèfle violet, le lupin blanc et le lotier corniculé. Les recherches ont aussi révélé que d’autres plantes comme la phacélie (ayant un effet contre le nématode de la betterave sucrière), le chanvre et le sarrasin étaient au contraire des plantes hôtes pour X. Index. La vesce commune ne possède aucune efficacité nématicide. Ces conclusions ont fait naître dans l’esprit des chercheurs la possibilité de développer des jachères nématicides pendant une durée de 1, 2, 3 ans.

Un premier essai de plein champ en 2007 dans le Bordelais

Parallèlement à ces travaux de laboratoire, un premier essai de plein champ a été mis en place en 2007 dans le Bordelais sur un sol graveleux. Ce type d’essai est très lourd et coûteux à mettre en place car il faut, avant l’implantation des couverts végétaux, réaliser un diagnostic très rigoureux des populations de nématodes présentes dans la parcelle et ensuite, au bout d’un an, observer l’évolution de chaque modalité par rapport au témoin. En moyenne, un essai d’une surface de 0,5 ha engendre la réalisation de 150 fosses pédologiques et de nombreuses heures d’identification en laboratoire.

Dans l’essai de 2007, quatre plantes ont été testées : la luzerne, le tagète minuta, le lupin blanc et la vesce velue. Les semis sont intervenus au printemps 2007 et à l’automne suivant, un diagnostic exhaustif de l’évolution des populations a été réalisé.

C. Laveau estime que ces premiers résultats au champ ont été riches d’enseignements et d’interrogations : « Les quatre plantes ont confirmé l’intérêt des tests en laboratoire. L’effet nématicide le plus intéressant a été obtenu avec la vesce velue et le tagète minuta. Néanmoins, l’efficacité de ce type de couverts végétaux ne doit pas être considérée comme le moyen unique et fiable permettant de contrôler des populations abondantes de nématodes. Les résultats sont intéressants mais pas suffisants pour contrôler des populations élevées. C’est un moyen de lutte complémentaire qu’il faut intégrer à une stratégie globale englobant à la fois la dévitalisation, l’extraction de racines abondantes au moment du labour suivant l’arrachage et un diagnostic de présence des nématodes rationnel. »

Le développement d’un programme d’étude national

Un deuxième essai de plein champ a été mis en place en 2009 en Gironde sur une autre parcelle de sol graveleux. Après les vendanges 2008, la vigne a été dévitalisée, puis arrachée au printemps 2009. Le sol a été labouré, les racines extraites et le semis des couverts végétaux testés a été effectué en septembre 2009. Quatre plantes ont été comparées à un témoin : la luzerne, la vesce velue, le trèfle violet et l’avoine. Au bout d’un an, les résultats ont confirmé l’intérêt de l’avoine, de la luzerne et de la vesce velue mais, par contre, le trèfle violet a décroché nettement. L’ensemble des résultats des recherches sur les nématodes et l’effet nématicide de certaines plantes obtenu par les équipes de chercheurs de Bordeaux Science Agro et de Vitinnov a suscité beaucoup d’intérêt auprès des responsables de domaines viticoles de plusieurs grandes régions viticoles. Cela a débouché sur la mise en place d’un programme d’étude national piloté par l’IFV, dans lequel sont impliqués FranceAgriMer, Bordeaux Sciences Agro, le centre INRA de Colmar, le CIVC, l’INRA d’Antibes, le BIVB, le CIVB, le GRAB et la Chambre d’agriculture 84. L’expérimentation englobe deux thématiques d’étude : l’une concerne un réseau d’essai de jachères nématicides destiné à valider l’effet nématicide des huit plantes sélectionnées (dans des natures de sols et des contextes climatiques différents) ; l’autre propose une évaluation de leur intérêt à long terme. L’objectif est de réaliser un suivi des jeunes plantations pendant huit ans (après une plantation consécutive à deux années de jachères), afin d’apprécier la vitesse à laquelle les viroses recolonisent le milieu.

Bibliographie : Travaux de recherche de Bordeaux Sciences Agro et de Vitinnov.
(1) Vitinnov : 1, cours du Général-de-Gaulle, 33710 Gradignan. Tél. 05 57 35 07 65. Site : www.vitinnov.fr

 

 

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