De nouveaux noms – Perles noires, Perles blanches – pour symboliser la monter en gamme de ses vins. La coopérative Vignerons d’Oléron poursuit sa démarche de différenciation. Au savoir-faire s’ajoute aujourd’hui l’envie de communiquer. « Nous mettons l’île d’Oléron en avant » déclare Louis Auvray, président de la cave.
Historiquement, cinq coopératives existaient sur l’île d’Oléron, la plus ancienne créée en 1927, la plus récente en 1957. La fusion globale s’est opérée en 1992. La coopération gère 320 ha de vignes.
Haute qualité, qualité traditionnelle, IGP (Indication géographique protégée). Désormais, ce sont les trois catégories déclinées par le cahier des charges Vins de pays charentais de la cave. Chacune développe son degré d’exigence.
Sur ses 4 ha de Vins de pays charentais, moitié rouge, moitié blanc, le vigneron coopérateur oléronnais Dominique Privat a choisi la cible médiane, la qualité traditionnelle. Ce qui lui vaut déjà pas mal de travail supplémentaire : ébourgeonnage, épamprage, palissage soigné, taille sérieuse, nombre de pieds/ha… Pour Louis Auvray, le président de la cave, cette segmentation plus grande était le prix à payer pour « accrocher de nouveaux clients qui ne se contentent plus du vin de pays générique ». « Si nous voulions attaquer la cible des restaurateurs, il fallait avoir quelque chose à leur montrer. »
Une concurrence « tonique »
Dans l’île, la concurrence a toujours été rude, « féroce » diront certains, entre collègues viticulteurs et a fortiori avec la cave. « On ne se fait pas de cadeau ! ». Ainsi, y avait-il tout intérêt à se démarquer. Depuis quelques années, les Vignerons d’Oléron ont choisi la montée en gamme. Aux efforts faits à la vigne a répondu « une mise en cohérence des outils de vente ». Le magasin de Saint-Pierre a été revu de fond en comble, les bouteilles, leurs habillages totalement repensés. « Nous mettons en avant l’île d’Oléron » souligne le président de la cave. Le phare de Chassiron s’affiche en grand sur les bouteilles de Pineau. Même chose version sérigraphiée sur les bouteilles de Cognac. Les deux employées du magasin sont allées se former, pour bien s’imprégner des « éléments de langage » qui allaient faire d’elles de vraies cavistes. Et ça marche ! Voir la mine gourmande de cette jeune cliente quand Régine lui décrit le caractère « vif et minéral » du Seigneur des mers (un mono-cépage Sauvignon) ou la longueur en bouche du même vin élevé sur lies fines. « Il accompagnera l’apéritif, un poisson grillé, un fromage. » Si le Seigneur des îles, l’assemblage de trois cépages rouges, est « souple et gouleyant », les Perles noires, la cuvée premium au vin vieilli en barriques 7 mois, offrent un nez bien plus complexe.
Les vignerons coopérateurs commencent-ils à toucher les dividendes de leur engagement qualité ? Autrement dit, y a-t-il « retour sur investissement » ? Certainement pas à la hauteur attendue. « La reconversion n’est pas assez payée pour tenir compte de l’augmentation des charges » constate Dominique Privat. Ceci dit, tout le monde en convient : « Nous sommes sur la bonne pente. » Fait significatif : les vignes ne s’arrachent plus dans l’île. On se battrait même pour en trouver, soit pour le renouvellement, soit pour l’agrandissement. « Aujourd’hui, c’est devenu très dur de mettre la main sur un ha de vigne. La réserve de droits est vide et bien vide » confirme L. Auvray. Avant le phylloxera, le vignoble oléronnais représentait 4 à 5 000 ha.
Diversification : à hauteur de 25 %
Aujourd’hui, le vignoble insulaire compte 700 à 800 ha de vignes dont 320 ha dans le giron de la coopérative. Au niveau de la cave, les cépages autres que Cognac pèsent pour environ 25 %. « Aujourd’hui, ces plantations sont à l’équilibre avec nos besoins » estime la structure coopérative. Cela tombe bien. Car dans le contexte actuel, personne ne se bouscule – pas plus sur le continent que dans l’île – pour arracher des vignes Ugin blanc ou Colombard en vue de planter du Chardonnay ou du Pinot noir. Avec des droits nouveaux, d’accord, mais sans droit… « Le Cognac marche bien en ce moment. Nous en profitons aussi. »
Si, de l’autre côté du pont, la diversification est perçue comme l’opportunité de mieux s’en sortir en période de crise, le débouché Cognac conserve tout son attrait. On veut bien capter la clientèle touristique, plus présente que « dans les terres » mais sans abandonner la « rente » Cognac. Les coopérateurs oléronnais gardent la tête froide vis-à-vis de cette « manne touristique ». Certes, au magasin, le panier moyen du client a progressé. « Les gens qui continuent de prendre des vacances ne souffrent pas trop de la crise. Les autres ne viennent plus. Et quand la clientèle pousse notre porte, c’est qu’elle recherche autre chose que des prix. » Ceci dit, à Oléron, on se dit encore loin de la « boboisation » de l’île de Ré. Sans regrets apparents.
La cave accueille régulièrement des jeunes. « Tous les ans, tous les deux ans, nous avons une reprise » indique le président de la cave. Sylvain Tache fait partie des dernières recrues à s’être installées. Comme beaucoup, son parcours ne manque pas de sel (voir témoignage). De tout temps, la cave a donné un coup de pouce à l’installation. Elle pratique le paiement en avance de récolte. « Normalement, le roulement financier se prend sur deux ans. Nous faisons l’avance, afin que les jeunes soient rémunérés dès leur entrée. Cet argent s’amortit sur 5 ans, au taux 0, sans intérêt. »
Un nouveau maître de chai est arrivé à la cave. Joël Bouron a remplacé Fabrice Pajeau. Agé de 40 ans, J. Bouron a travaillé pendant 14 ans chez le négociant médocain Baron Philippe de Rotschild (suivi des vinifications…). Cet homme a l’allure juvénile « passe bien » auprès des adhérents. Qui plus est, sans faire de bruit, c’est un bon professionnel. Son baptême du feu à Oléron, il l’a vécu lors des dernières vendanges. Les premières dégustations du millésime 2011 ont eu lieu début novembre. La vingtaine d’adhérents de la cave apporte toute leur récolte au Cellier, le chai de vinification situé sur la commune de Saint-Pierre-d’Oléron. Ce vaste bâtiment, conçu au départ pour accueillir 90 000 hl de vin, fleure bon les années 50. Hauteur de plafond, super-structure de béton, bande rouge sang au bas des murs. Ambiance rétro garantie. Il faut former le vœu que de tels chais, conservés « dans leur jus », ne disparaissent pas. Au plan fonctionnel, le cellier est tout à fait au goût du jour. Batterie de pressoirs, cuves de remontage type Ganimède, deux groupes de froid… Rien ne manque. La cave a vinifié cette année 33 000 hl vol., au rythme d’apports journaliers de 2 500 hl vol. La vendange arrive dans les bennes des adhérents. Le chantier de vendange s’organise par groupe, par affinités, avec 5-6 machines à vendanger qui tournent sur les 320 ha. La récolte des Chardonnay a débuté le 29-30 août, celle des Sauvignon un peu plus tard. Ces vins sont en train d’évoluer dans les cuves. L’espoir du président de la cave : « Décrocher des médailles, pour améliorer la valorisation des vins mais aussi pour savoir où l’on se situe. »
Sylvain Tache : Au pied des vignes, à la cime des arbres
Sylvain Tache, 32 ans, est viticulteur et aussi élagueur. Installé en 2010, il vient d’engranger sa deuxième récolte à la coopérative Viti-Oléron. Passionné de vin mais aussi d’Océan et de nature, il s’est lancé dans un projet pilote : conduire en bio-dynamie une petite partie de son vignoble.
Quel est votre parcours ?
Originaire de Charente-Maritime, je ne suis pas fils de viticulteur. Amoureux de la nature, je cultive un lien très fort avec l’Océan mais aussi avec la viticulture. Après un BTS Viti-œno, j’ai passé dix ans à apprendre mon métier. J’ai travaillé dans les plus grandes appellations – Pomerol, Médoc, Saint-Emilion, Saint-Chinian dans le sud, Bourgogne, Val de Loire – et aussi à l’étranger, notamment en Nouvelle-Zélande où je suis resté deux ans. Et puis j’ai renoué avec ma passion, l’Océan et Oléron. Je pense que notre vignoble a un potentiel fabuleux, notamment par son niveau d’ensoleillement. Si le Cognac a toujours été le fer de lance de la région, les Vins de pays charentais ont, depuis dix ans, évolué vers le haut et possèdent encore une marge de progrès. En tant que jeune viticulteur, j’apprécie de participer à l’aventure.
Pourquoi avoir choisi d’adhérer à la coopérative ?
N’étant pas fils de viticulteur, pour moi, c’eut été un peu plus dur de m’installer autrement. Le fait d’adhérer à la coopérative m’a donné plus de possibilité et je libérais aussi du temps pour ma seconde activité, l’élagage. En 2008, j’ai passé une saison comme chef de cave à la coopérative. J’ai participé au processus d’amélioration : sélection des parcelles, mise en place des cuvées haut de gamme Perles blanches, Perles noires…Lors de cette période, j’ai rencontré Michel Cordon, un coopérateur qui partait à la retraite, sans repreneur. Nous nous sommes entendus sur la façon de voir les choses. J’ai repris 6 ha en propriété en « payant le bon prix » et 3 ha en fermage. J’ai mis deux ans à m’installer, de 2008 à 2010, une durée assez longue due, entre autres, à la procédure J.A, qui s’est diablement complexifiée. Je ne me suis pas découragé et je suis fier aujourd’hui d’être viticulteur oléronnais et, plus généralement, viticulteur charentais.
Vous développez un projet novateur
L’étude économique préalable à l’installation démontrait que je devais planter un ha de vigne supplémentaire pour arriver à la viabilité. J’ai obtenu de FranceAgriMer l’octroi d’un ha de droits nouveaux, prélevés sur la bourse nationale à la plantation. L’originalité du projet, c’est qu’il s’agit de trois nouveaux cépages, conduits en bio-dynamie. A titre personnel, je suis sensible aux questions d’environnement. Il y a le souci de préserver la santé. Et puis nous sommes au bord de l’Océan. Tout ce qui est apporté se retrouve dans la mer. La coopérative est déjà AgriConfiance. Les vins mis en bouteilles jouissent d’une traçabilité parfaite. Par rapport à la viticulture bio, la bio-dynamie va plus loin. C’est l’étape d’après. On se dispense du cuivre, du soufre, on travaille sur les forces de la vigne, sa résistance. C’est un peu comme si l’homme se dispensait d’antibiotiques. J’ai envie de me tester là-dessus et ça m’intéresse de le faire dans un cadre coopératif.
Où résidez-vous dans l’île ?
Nous habitons sur la commune de Dolus, à Verbois. Les vignes sont plus au sud. L’île d’Oléron a une histoire fantastique, insoupçonnée. Dolus est un nom romain. Vraiment le site est fabuleux, les plages magnifiques et le terroir intéressant.