Tempête à la chambre

21 février 2013

Les élections Chambres ont eu lieu du 27 au 31 janvier 2013, pour une mandature couvrant les six prochaines années. A l’heure où paraîtront ces lignes, les résultats seront connus. Ils étaient attendus le 6 février. Lors de ces élections, les deux départements charentais auront vécu une situation très contrastée. « Calme plat » dans le département littoral, hormis la classique compétition entre listes. Luc Servant, le président sortant, se représentait.

Changement radical de décor dans le département voisin. La Charente a subi une montée de fièvre comme l’agriculture s’en paie le luxe parfois. Thermomètre bloqué à 40° pendant quelques semaines. Pourquoi ? A cause de la guerre fratricide qui a déchiré le syndicat majoritaire FDSEA 16 lors de ces élections. Rappel succinct des faits : Alain Lebret, président sortant de la Chambre d’agriculture (2007-2013), ne brigue pas de nouveau mandat. Sur fond de crise laitière, l’homme a été malmené par ses pairs. Président de Terra Lacta – l’un des poids lourds de la coopération laitière – sa coopérative décide de s’adosser au groupe agro-alimentaire Bongrain. Désaccord au « national » (FNSEA) et colère des JA. Qui vont jusqu’à décerner à Terra Lacta la « bouse d’or ». C’est tout dire ! A. Lebret prend des coups et ces coups sont d’autant plus rudes que l’on ne sait pas très bien s’ils relèvent de son mandat de président de Terra Lacta ou de son mandat de président de la Chambre. Il jette l’éponge. Pour expliquer cette fracture au sein de l’équipe majoritaire, un autre argument est avancé : l’ouverture du bureau de la Chambre 16 à un membre de la Coordination rurale, Jean-Pierre Tornier. En 2007, sous la présidence d’A. Lebret, il se voit confier la présidence du comité d’orientation Agriculture biologique. Faut-il y voir un coup de canif dans l’orthodoxie syndicale charentaise ? Oui et non. Ce n’est pas la première fois que la Coordination rurale siège au bureau de la Chambre 16. Cela s’était déjà produit avec François Lucas en 1995, sous la présidence de Pierre Mousset. Il est vrai que Paul Lucas jouera la fermeture au cours de la mandature (2001-2007) où il remplace au pied levé Alain Lebret, souffrant. Faut-il voir dans la « réouverture » l’origine du clash ? Certains en doute.

Quoiqu’il en soit, quand arrive l’heure de monter une liste FNSEA 16/JA 16, l’unité n’arrive pas à se faire. Plusieurs tentatives de « recoller les morceaux », pilotées par Paris, capotent. « Combat de chefs », « bataille d’ego », compte à régler avec le « national »… on s’achemine tout droit vers deux listes : une liste FNSEA 16/JA 16 emmenée par Patrick Soury ; et une liste dite « a-syndicale » conduite par Yoahn Delage. Eleveur ovins et bovins dans le Confolentais, P. Soury est membre sortant de la Chambre. Il préside la FNSEA 16 depuis deux ans et demi (après les démissions successives de Serge Bricq et de Vincent Marchand, déjà sur fond de crise laitière). Deuxième vice-président sortant de la Chambre, Y. Delage est très investi dans la défense des irrigants charentais. En seconde position sur sa liste (qui compte cinq sortants) figure Jean-Yves Restoux, vice-président de Terra Lacta. La formation « a-syndicale » reçoit le soutien d’Alain Lebret ainsi que d’un autre ancien de la Chambre, Bernard Gauthier, viticulteur à Malaville.

En Charente, la campagne pour les élections fait rage. Elle va se révéler un condensé de passions, d’émotions, de colère aussi. Signe des temps ! Les réseaux sociaux sont mobilisés. On twitte et retwitte à tout va. Les boîtes mails des votants débordent de messages. Dans les réunions, le trop-plein d’émotions se termine parfois en pleurs. La tension est à son comble. L’échelon national se mobilise « pour sauver le soldat Soury ». Le secrétaire général de la FNSEA, Dominique Barrau, descend une fois en Charente ; le vice-président de la FNSEA, Jérôme Despey, deux fois; le président de l’AGPB, une fois.

Et la viticulture dans tout ça ? Clairement, ce n’est pas en son nom que se livre la bataille. Ce qui n’empêche pas qu’elle se retrouve au cœur de l’empoignade. Pour la bonne et simple raison qu’en Charente, la moitié des votants sont des viticulteurs. La viticulture, arbitre malgré elle… et obligée de prendre parti.

Certes, l’unité viticole ne se retrouvera pas grandie par cet épisode. Mais les plaies – collatérales – vont vite cicatriser. « Nous avons des amis dans les deux camps » rassuraient déjà des représentants viticoles avant même la fin de la période électorale. Et puis à toute chose malheur est bon. Ces élections Chambres mouvementées auront au moins eu le mérite d’envoyer un coup de projecteur sur la relation syndicats généralistes/syndicats de filières. Dans une région viticole qui a plutôt tendance à se vivre comme une « principauté », la prise de conscience « que nous avons besoin des autres pour nous défendre » est en marche. Ce fut tout le sens de la remarque adressée à Jérôme
Despey, le 24 janvier dernier à Sigogne, par un jeune responsable viticole pourtant peu enclin à mettre la spécificité régionale dans sa poche : « La région est parfaitement consciente du rôle que les syndicats généralistes ont joué sur le dossier des droits de plantation. » Bel hommage rétrospectif des « viti » » aux « agri ».

Un autre message, plus subliminal, touche à la représentativité. En ce domaine, quelle résonance peut avoir une liste alternative, dite « a-syndicale » ? Est-elle gage de meilleure représentativité ou, au contraire, est-elle antinomique avec l’exercice du pouvoir ? Dans la vie politique comme professionnelle, partis ou syndicats sont-ils incontournables ? La « société civile » a-t-elle son mot à dire en dehors des instances classiques ? En un mot, comment rendre les structures plus représentatives ? Vaste question, pas facile à traiter.

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