SVBC : Une A.G. de combat

20 avril 2010

Vite et fort. C’est la méthode du SVBC pour faire avancer ses idées. Plus que jamais arc-bouté sur un rendement qui permette la « rentabilité de nos ha », le syndicat défend bec et ongles le principe d’une réserve de gestion vieillie sous bois, libérable à date connue. Elle se couplerait à un rendement plancher. Les deux syndicats viticoles se sont mis d’accord sur le principe. Reste la mise en place et surtout la validation juridique de la réserve de gestion. Et ne dit-on pas que le diable réside dans les détails.

 

priton.jpgBien sûr, des nuances se sont glissées entre les différents orateurs. Mais, de manière générale, le rythme fut rapide, le ton assuré et parfois même tranchant. Le 9 mars dernier, salle de la Salamandre à Cognac, le SVBC ne cultivait pas particulièrement le doute ou l’introspection. Son attitude était plutôt celle d’un conquérant, préférant le blitzkrieg (la guerre éclair) à la guerre de tranchée, quitte à pratiquer l’effet d’annonce. « Nous nous impliquons partout pour faire avancer nos idées. Nous menons un intense travail de lobbying. Vous avez très bien fait d’adhérer au syndicat ! » a lancé un Stéphane Roy très affûté. Le même affirma quelques instants plus tard que les négociations au sujet de la récolte 2010 s’étaient définitivement clôturées le 3 février dernier. « Un projet commun existe entre le SGV et le SVBC. Il n’y a plus lieu d’en discuter. » Fermez le ban.

Mais avant de plonger dans l’actualité la plus chaude, le syndicat avait pris le temps de revenir longuement sur son organisation interne, comme pour affirmer qu’il jouit maintenant de toutes les prérogatives d’une « vraie » formation syndicale et qu’il s’en donne les moyens. Le président du SVBC, François-Jérôme Prioton, a décliné à l’envie la fiche d’identité de son syndicat : « Nous avons trois membres au comité permanent du BNIC, nous siégeons à l’assemblée plénière du BNIC, nos membres sont représentés dans les différents groupes de travail interprofessionnels. A l’ODG Cognac nous disposons de 31 membres (sur 68 délégués viticoles – NDLR), nous sommes représentés à la CNAOC, à la Chambre d’agriculture, à la MSA. » Plusieurs présidents de commissions du SVBC sont venus présenter leurs bilans 2009 et leurs feuilles de route 2010 : Eric Billhouet pour la commission main-d’œuvre, Raphaël Brisson pour la commission technique, Raphaël Martinaud pour la commission communication. Concernant le budget du syndicat, F-J. Prioton a parlé d’un « vrai budget de crise » avec des recettes et des dépenses en diminution. Le budget 2009 s’est clôturé sur des recettes de 43 252 € et des dépenses de 41 307 €. Il a été décidé de maintenir la cotisation syndicale à 20 € + 4 € par ha de vigne.

« mise au courant »

François-Jérôme Prioton est revenu sur la journée dite de la « mise au courant », organisée le 3 décembre dernier par le syndicat. « Nous voulions partager avec vous ce que nous, représentants syndicaux, entendions dans les bureaux des négociants. Un tel dialogue constructif nous semblait nécessaire. Les quatre premières maisons ont répondu à notre invitation ainsi que la maison de Camus. Nous avions aussi convié autour de la table trois banquiers – le CIC, le Crédit agricole, la banque Tarnaud – et deux cabinets comptables. En rassemblant ces personnes, nous pensons avoir présenté une vision assez large de notre filière. Car pour vendre du Cognac, il faut un vigneron, un metteur en marché, une banque au milieu ainsi qu’un bon comptable pour bien gérer la fiscalité. Tout cela doit se passer de bonne manière. » F.-J. Prioton a révélé que des « convergences de points de vue avaient été trouvées sur un certain nombre de points, dont la réserve de gestion. » Il a souhaité que la « mise au courant » devienne un rendez-vous annuel, avec un contenu sans doute appelé à évoluer.

Olivier Louvet, président du groupe de travail « coûts de production » au BNIC ainsi que de la commission éponyme au SVBC, a présenté le coût de revient d’un ha de vigne tel qu’il ressort des éléments chiffrés récupérés sur le terrain. Pour 2009, il figure à 6 340 €. « Ce chiffre, a-t-il dit, n’est pas contesté ni contestable. Beaucoup de choses en dépendent dans la région. Il interfère notamment sur le calcul du prix de l’eau-de-vie, qui doit forcément s’en rapprocher le plus possible. Au SVBC, nous restons très attachés à la valorisation de tous les métiers. Le vendeur de vin doit gagner sa vie, le distillateur doit dégager sa marge, le stockeur également. Il n’est pas question de ne pas gagner sa vie à l’une ou l’autre des étapes du processus de production. Chaque métier doit trouver sa rentabilité. »

« il n’y a pas eu de miracle »

Reprenant la parole, le président du SVBC a procédé à une critique à peine feutrée de l’affectation. « Il n’y a pas eu de miracles. Compte tenu des besoins du négoce et du niveau de rémunération, le Cognac a enlevé 70 000 ha sur les 74 000. Pouvait-il en être autrement ? » F.-J. Prioton s’est livré alors à un rapide calcul. « Si on multiplie 8,12 hl AP (le rendement Cognac 2009) par le prix moyen du vin Cognac Fins Bois constaté par les mercuriales du BNIC, de 705 € l’hl AP, le revenu/ha s’élève à 5 725 €. Or le coût de revient d’un ha de vigne s’établit à 6 340 €. C’est donc à une perte de 615 € par ha que nous a conduit l’affectation Cognac. Sur la région, cela équivaut à l’abandon de 43 millions d’€, c’est-à-dire en moyenne 8 000 € par viticulteur ou encore l’équivalent d’un Airbus puisque, au BNIC, on aime bien compter en Airbus. Aujourd’hui, l’affectation se trouve dans une impasse. Elle doit être améliorée. Nous connaissons les limites des débouchés industriels. Ils ne suffiront pas à compenser les pertes. » De toute cette démonstration, le président du SVBC en a conclu « qu’il fallait réussir à obtenir un niveau de rendement stable et revenir aux fondamentaux de la région ». Des « fondamentaux » qui, pour le SVBC, passent en grande partie par le stock. « Tout le monde connaît le rôle prépondérant joué par le stock chez les bouilleurs de cru. »

Prenant la parole, Stéphane Roy, l’un des deux vice-présidents du syndicat, a évoqué « l’intense travail de lobbying » auquel s’était livré le SVBC pour s’attaquer « au problème récurrent de la rentabilité de nos ha. » Quant à la mécanique opératoire, il a livré la réponse derechef : « Il faut faire évoluer la méthode de régulation de la production. » Pour approcher le rendement annuel, existe déjà l’outil de calcul du BN, mis en place en 2007. Est-il bon à jeter aux orties ? « Nous ne souhaitons pas le remettre en cause » a affirmé le SVBC. Sauf que, pour 2010, il y a de fortes chances que cet outil de calcul donne un rendement très proche de 7,5 hl AP/ha, en fonction des besoins exprimés par le négoce et les dernières productions. « Insuffisant ! clame le SVBC. Nous avons besoin de 9 de pur. »

rendement plancher et réserve de gestion

C’est là que rentre en scène rendement plancher et réserve de gestion. A dire vrai, le rendement plancher serait moins une idée du SVBC que du SGV (voir aticle page 14). Stéphane Roy n’en a pas moins assuré la présentation. Dans l’esprit des protagonistes, le rendement plancher doit couvrir 90 % du coût de revient d’un ha de vigne. Si l’outil de calcul détermine un niveau de rendement inférieur au rendement plancher, c’est le rendement plancher qui prévaudra. Pour les vendanges 2010, on s’orienterait donc vers un rendement annuel Cognac de 8,10/8,15 hl AP/ha, si l’on retient un coût de revient de 6 340 € et un prix de vente du vin Cognac Fins Bois de 705 € (mercuriales BNIC). Maintenant, ce rendement sera-t-il confirmé dans les faits ? C’est en tout cas ce qui découle des discussions actuelles. Reste que le SVBC ne se satisfait pas de ce niveau de rendement. Il le trouve notoirement insuffisant. « Il n’est pas question de travailler à perte ! » D’où sa farouche volonté de promouvoir la mise en place d’une réserve de gestion qui compléterait le rendement plancher. Cette réserve de gestion, le syndicat l’aurait bien vu représenter un delta de 2,5 hl AP/ha au-dessus du rendement de base issu de la méthode de calcul du BNIC (soit au final 9,5 hl AP/ha). Après discussions, les deux syndicats viticoles se sont entendus sur 1 hl AP/ha supplémentaire au-dessus du rendement plancher des 8,10, ce qui donnerait au total un potentiel de production 2010 de 9,10 hl AP/ha.

Dans son mécanisme, la réserve de gestion diffère beaucoup de la réserve climatique. « Il s’agit d’un outil complémentaire » énonce
F.-J. Prioton. Différence fondamentale : la réserve de gestion vieillie sous bois, contrairement à la réserve climatique. Au moment de sa libération, on aura donc à faire à du Cognac, dans son compte d’âge et non à de l’eau-de-vie de compte 00. Quand est-ce que la libération de la réserve de gestion a vocation à intervenir ? Le principe est que cette réserve de gestion soit libérable à date connue, pour moitié à partir du compte 4 et pour moitié à partir du compte 6. Ce principe ne supporterait qu’une exception. Si le développement des ventes s’avérait supérieur aux prévisions, un déblocage anticipé pourrait se produire, sur décision interprofessionnelle. Mais c’est la seule tolérance envisagée. « Nous avions deux impératifs, explique le SVBC : que cette réserve de gestion puisse être financée par les banques et qu’elle puisse être contractualisable. Dans ces conditions, il semblait impossible de cantonner sa libéralisation à une décision interprofessionnelle. Comment voulez-vous qu’une banque puisse accepter de financer une montée en compte sans connaître la date de sortie de la réserve ! »

Stéphane Roy a indiqué « que sous l’égide de la fédération viticole présidée par Christophe Véral, un compromis viticole avait été trouvé le 3 février dernier entre les deux syndicats SGV et SVBC. Deux jours plus tard, le projet a été présenté au groupe de travail « réserves » de l’interprofession, composé à parité de représentants du négoce et de la viticulture. « Ainsi, a-t-il dit, c’est ce type d’organisation qui prévaudra pour deux ans, en 2010 et 2011 » avant de conclure de manière un peu péremptoire « qu’il n’y avait plus lieu d’en discuter ». Tout juste le jeune vice-président du SVBC a-t-il admis « qu’une « clause de revoyure avait été prévue, pour éviter tout dérapage ». De même, il n’a pu éviter d’aborder un sujet délicat, celui de la validation juridique de la réserve de gestion. « Certes, nous sommes bien conscients que le Bureau national du Cognac n’a pas une obligation de résultat mais une obligation de moyens. Nous espérons cependant que tous les moyens seront mis en œuvre pour que la réserve de gestion s’applique en 2010. Tout le monde doit comprendre l’impérieuse nécessité d’une réserve de gestion pour la réussite de notre filière. »

Le SVBC a consacré la seconde partie de sa réunion à un thème crucial, celui de l’encadrement du potentiel de production. Car l’OCM 2007 porte en germe la suppression des droits de plantation à l’horizon 2015/2018 et donc le démantèlement des garde-fous volumiques. Face à cette menace bien réelle, les producteurs viticoles européens commencent à organiser la riposte. Mais leur lobbying sera-t-il suffisant pour pseser sur le projet de la Commission européenne ? Deux élus du SGV Champagne sont venus porter témoignage. Très investis, les Champenois se retrouvent aux avant-postes de cette bataille. Ils étaient accompagnés de Benoît Stenne, ancien animateur du SGV Cognac, actuellement responsable de l’antenne du Syndicat des vignerons dans la Côte des Bar et Montegueux.

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