SVBC : La thématique de la souplesse

26 novembre 2010

Alors que les élections à l’ADG Cognac s’annoncent pour le printemps 2011, le SVBC Cognac relance la proposition de quota d’exploitation. Visées électoralistes sans doute mais aussi indéniable constance du syndicat qui, sur la thématique de la souplesse, n’abandonne pas l’idée d’arrachage temporaire volontaire.

 

 

svbc.jpgLes vignes qui gagnent de l’argent et celles qui en perdent. Treize ans après « les cuves qui gagnent de l’argent et celles qui en perdent » de Philippe Sabouraud (quand, en 1997, le viticulteur-distillateur participait aux réunions publiques organisées par feu la FSVC), une chose frappe, la permanence du discours. Entre-temps, il y a eu la réforme de l’OCM vin, le plan d’adaptation de la viticulture charentaise, le plan d’avenir viticole, l’affectation parcellaire. Mais les partisans de la cure d’amaigrissement du vignoble charentais demeurent. Ils se retrouvent majoritairement au sein du SVBC. Aujourd’hui, le syndicat surfe sur la thématique de la souplesse. « Plus on aura de souplesse, plus on aura de facilité à passer la crise. »

 

 

Cette souplesse, il la voit plus que jamais dans l’arrachage « des ha en trop », comme une jolie fille souhaiterait se débarrasser de quelques kilos indésirables. Le syndicat se sert de l’affectation parcellaire – que la critique du système ancien a tout de même contribué à mettre en place – comme d’un repoussoir.

pas de mots assez durs

Lors d’une conférence de presse tenue à Cognac le 21 octobre 2010, François-Jérôme Prioton et Stéphane Roy, respectivement président et vice-président du SVBC, n’ont pas eu de mots assez durs pour les opérateurs « autres débouchés ». « Nous doutions encore de la pertinence de l’affectation aux autres débouchés. Hélas l’expérience de la dernière récolte nous enlève nos derniers doutes. Les négociants « autres débouchés » se sont moqués des viticulteurs. Ils se comportent comme des parasites de la filière Cognac. Leur marché est un marché opportuniste. Ces propos sont durs mais, en les tenant, nous sommes dans notre rôle de syndicalistes. Nous les assumons pleinement ».

François-Jérôme Prioton s’est d’abord attaché à prouver le peu
d’adhésion des viticulteurs à l’affectation hors Cognac. « Sur 2 312 viticulteurs ayant affecté aux “autres débouchés”, 958 n’ont affecté que des vignes en deuxième feuille, c’est-à-dire des vignes déjà extournées de facto du Cognac. Cela signe l’échec du système. » Stéphane Roy, lui, s’est focalisé sur l’aspect économique. Il a cité le chiffre de 50 € l’hl vol. comme étant celui du prix de revient d’un hl vol. de vin en Charentes. « Ce chiffre, a-t-il dit, découle directement de l’étude de coût de revient d’un ha de vigne par le BNIC. Le prix de l’ha de vigne ressort en 2010 à 6 377 € de l’ha. Divisez cette somme par un rendement moyen de 120 hl vol./ha et vous obtenez le chiffre de 50 € de l’hl. » Les dirigeants du SVBC l’ont comparé au prix moyen des autres débouchés, de 22 € de l’hl vol. Leur conclusion : « Pourquoi cultiver des ha qui ne sont pas rentables ! » Et de poursuivre : « Nous sommes dans une situation intenable : soit jeter 20 % de notre récolte, soit vendre à moitié prix à des gens sans scrupule, en courant le risque d’être dénoncé par les autres régions pour des hauts rendements que nous ne sommes pas toujours capables de produire. Il va falloir réfléchir autrement. »

le quota d’exploitation

Pour le SVBC, le « réfléchir autrement » porte un nom. C’est le quota d’exploitation. Les représentants du syndicat ont pris l’exemple d’une exploitation de 20 ha de vigne. « Admettons que le rendement Cognac soit de 9 hl AP/ha. Le droit à produire “historique” s’élève à 180 hl AP. L’exploitation peut choisir de le produire sur 20 ha mais aussi sur 18 ou 17, en pratiquant l’arrachage temporaire, c’est-à-dire en conservant en portefeuille ses droits à produire. Pour nous, il s’agit d’une mesure de gestion extrêmement positive. C’est vrai qu’elle présente un gros défaut : elle risque de créer une tension sur les marchés “autres débouchés” et condamner à terme les opérateurs “vins”. Mais c’est le prix à payer pour offrir un véritable avenir économique aux exploitations. »

Stéphane Roy est revenu sur ce qui semble servir d’épine dorsale au discours du SVBC : « ne pas produire en dessous du prix de revient ». Pour ce faire, le SVBC se montre sourcilleux sur les rendements. « En décembre 2009, nous nous sommes engagés devant le BNIC à ne plus voter de rendement en dessous de l’équilibre financier. » De là, la réserve de gestion de 0,5 hl AP/ha, dont le syndicat ne revendique pas la paternité mais se dit « l’initiateur ». « Déjà, en vin Cognac, on peut estimer que la réserve de gestion représente, théoriquement, 25 millions de chiffre d’affaires et, à sa sortie, elle générera globalement 49 millions d’€ de chiffre d’affaires. Voilà ce que nous appelons une mesure de régulation positive. Elle sert directement la plus-value de la viticulture. Et encore n’en sommes-nous qu’à 0,5 hl AP/ha de réserve de gestion. A 1,5 hl AP, nous passerions à 150 millions d’€ de chiffre d’affaires. » Le SVBC souligne « la belle complémentarité » qui pourrait s’instaurer entre quota d’exploitation, réserve climatique et réserve de gestion. « Grâce à ses stocks, dit-il, le viticulteur aurait les moyens de replanter. Il régénérerait plus vite son vignoble, limiterait les problèmes des maladies du bois. »

dérapage des volumes ?

Mais quid du dérapage des volumes ? A cette objection, le syndicat répond de la manière suivante : « Nous sommes contre ce mécanisme infernal qui veut que, quand les ventes flanchent, tout le monde doive s’arrêter de produire. Nous avons payé assez cher ce type de comportement au milieu des années 2000. Lorsque, en 2007-2008, nous aurions eu besoin de davantage de volumes, la nature en a décidé autrement. Elle s’est un peu vengée. Le négoce fut alors contraint de lever le pied sur certains marchés. C’est pour cela qu’il nous faut trouver une autre façon de réguler la production, qui ne passe ni par la destruction de la récolte ni par la vente à moitié prix. Car, dans cette situation, les seuls acteurs régionaux à payer les pots cassés de la régulation, ce sont les viticulteurs. »

La position du syndicat vise donc à « arracher pour produire davantage sur les ha restant ». Mais ne serait-ce pas favoriser, implicitement, des viticulteurs par rapport à d’autres, ceux qui sont le « mieux placés » auprès des acheteurs, qui se retrouvent souvent être les « grosses exploitations », dans les crus centraux ? Le syndicat réfute cet argument. « Nous disons que des petites surfaces, même en Bons Bois, ont intérêt au quota d’exploitation. C’est justement dans les crus où le prix d’achat des eaux-de-vie est le plus faible, qu’il faut se montrer ultra-compétitif. Si 9 de pur peuvent suffire en Fins Bois ou Petite Champagne, en Bons Bois, ça ne passe plus. Le quota d’exploitation donnerait à ces exploitations une chance supplémentaire de s’en sortir. » Pour finir, le syndicat assène un argument qu’il juge imparable : « Le système actuel limite-t-il d’une quelconque façon la concentration des exploitations ? Bien au contraire, elle ne fait que s’accélérer. »

Sur le risque de « glaciation des cours » générés par des rendements plus élevés, la réponse du syndicat est également bien rodée. « Croyez-vous que le négoce en profiterait pour diminuer les prix ? Il n’y aurait pas intérêt car c’est son propre stock qu’il dévaluerait. »

Quant à la « faisabilité juridique » du quota d’exploitation, en substance, le SVBC fait sienne la formule « quand on veut, on peut ». « Dans un premier temps, posons le problème et ensuite viendra la solution. Il nous appartiendra de construire un projet juridique qui puisse être à la fois acceptable et accepté par le ministère. C’est ce qui c’est passé avec la réserve de gestion. De toute façon, nous n’avons rien à perdre à émettre des projets. Le pire serait de ne rien faire. »

Reste quand même que « faire produire des hectares qui n’existent pas » constitue, surtout en période de croisière, une incongruité viticole qui ne devrait pas être facile de lever. Bon courage aux candidats.

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