Supply Chain (Chaine logistique)

24 juillet 2012

Que ce soit à Bordeaux où à Cognac, la Chine est en train de devenir la première destination pour les exportateurs de vins & spiritueux. Les transitaires s’adaptent, en ayant l’impression de revivre ce qu’ils ont vécu 15 ans plus tôt aux Etats-Unis. Rencontre avec Frédéric Garabœuf et Lei Liu, tous les deux de la société AMC (Agence maritime cognaçaise).

 

 

p40.jpgLei Liu (Lei est son nom, Liu son prénom) est de passage à Cognac. Ce Chinois parlant très bien le français est le chef de bureau d’AMC en Chine. La société spécialisée dans la « supply chain » (chaîne logistique), « totalement familiale et totalement charentaise », possède neuf bureaux de par le monde – à Paris, Le Havre, New York, San Francisco, Barcelone… – dont deux bureaux en Chine, Shanghai et Guangzohou (Canton). Les managers se retrouvent régulièrement au siège social de Cognac. C’est justement lors d’une telle occasion que Lei Liu a accepté de se joindre à son collègue Frédéric Garabœuf pour quelques informations sur le transport du Cognac.

Directeur logistique Vins & Spiritueux chez AMC, Frédéric Garabœuf confirme la montée en puissance des expéditions des V & S vers la Chine depuis 2010. « Sur l’année 2011, notre carnet de commandes a évolué de + 15 % et nous savons très bien que la Chine et le marché des vins & spiritueux y sont pour beaucoup. A côté des grands groupes, nous enregistrons plus de demandes des petites maisons de Cognac. Même chose pour les expéditions de brandies, Vodka, Whisky écossais. Et l’année 2012 se poursuit dans la même veine. Tout se passe comme si les vins et spiritueux évoluaient dans une bulle, à l’abri de la crise, y compris en Espagne. Beaucoup de nouveaux ports se créent en Chine, desservis par les compagnies maritimes. Côté importateurs, nous constatons le même “boom”. Sur les deux grands ports où nous sommes présents, Shanghai et Canton, nous avons pu identifier plus de mille importateurs de vins et spiritueux. Si leur culture V & S laisse parfois à désirer, cela ne les empêche pas de distribuer, très vite, pas mal de marchandises. Ils ouvrent des marchés et ne jouent pas “petits bras”. Ils importent tout de suite entre 10 et 50 containers par an. »

Des importateurs « donneurs d’ordre »

En terme de transport, les grands groupes comme Pernod-Ricard, Baccardi, Moët-Hennessy-Diageo et même James Beam (Courvoisier) restent « donneurs d’ordre ». C’est-à-dire que ce sont eux qui organisent et paient le transit au départ. Mais les importateurs chinois ont de plus en plus tendance à prendre à leur charge le transport, en devenant eux-mêmes « donneurs d’ordre ». Ils choisissent leur logistique et la paie. D’où l’importance, pour les sociétés transitaires, d’avoir des équipes sur place, pour coordonner les choses mais aussi vendre leurs services. « Nous avons connu cette évolution aux Etats-unis à la fin des années 90, relate F. Garabœuf. C’est pour cela que nous y avons installé des bureaux il y a 15 ans. L’histoire se répète en Chine aujourd’hui. Dans la supply chain, notre métier est de faire du “door to door” (de la porte du client A à la porte du client B). D’où l’importance d’être proche des deux, de l’exportateur et de l’importateur. »

« En Chine, la grosse difficulté tient au dédouanement » indique Lei Liu. « Les documents douaniers doivent être faits d’une certaine façon selon les ports. » Dans les esprits, plane toujours la crainte de la contrefaçon, du commerce parallèle. « Bien sûr, les transitaires ne sont pas en première ligne, note Frédéric Garabœuf mais leur responsabilité peut quand même être engagée s’il s’avérait qu’ils ont commis une faute grave, en ne respectant pas les procédures. Leur agrément douanier pourrait être remis en cause. »

La société AMC, comme tous les acteurs de la supply chain – transporteurs, transitaires, chargeurs, compagnies maritimes… – a reçu des Douanes le label OEA (opérateur économique agréé). Ce label qualité fait l’objet d’un audit par les Douanes. Autant dire qu’il est déterminant auprès des clients. Et donc précieux. « J’ai un client qui m’a demandé de stopper la marchandise avant son passage en douane à l’étranger. Il soupçonnait du commerce parallèle » se souvient F. Garabœuf. Depuis 2010, toutes les procédures douanières gérées par le transitaire ont été dématérialisées sur Gamma, la plate-forme des Douanes et sur Concerto, l’interface du BNIC. C’est le bureau havrais d’AMC qui se charge pour le compte de la société de toutes les procédures douanières . Quel que soit le port de départ en France, le dédouanement s’effectue en un seul point.

Desserte quotidienne

Vers la Chine, le principal port français reste Le Havre. La gare de Cognac a vu sa desserte quotidienne vers le port normand restaurée en 2007. Une victoire pour les professionnels du transport. « Le service container fonctionne très bien. » Des expéditions peuvent se faire par Fos-sur-Mer voire Anvers de temps en temps. Mais Le Havre reste incontestablement le port de référence pour les exportations de V & S vers la Chine. Après Hambourg, Rotterdam et Anvers, Le Havre se classe au 4e rang des ports européens.

C’est par le canal de Suez et par le cap de Bonne-Espérance que les porte-containers rallient la Chine. En Somalie, dans le golf d’Aden, les pirates sont toujours en embuscade. Une taxe officielle se rajoute au coût du fret pour protéger les bateaux. On estime qu’elle représente 5 % du fret.

Paradoxalement, les délais de mer se sont rallongés. Alors qu’il y a cinq ans la traversée Le Havre/Shanghai pouvait se boucler en 23 jours, il faut compter 4 à 5 jours de plus aujourd’hui. La faute à la crise de 2008-2009 qui a touché de plein fouet les compagnies maritimes. Face à des taux de fret en chute libre, les compagnies ont ralenti la vitesse de leurs navires. Les délais supplémentaires s’expliquent aussi par d’éventuels transbordements à Singapour ou ailleurs. Ces délais obligent à positionner plus tôt les expéditions. Aspect positif des choses : le coût de fret a beaucoup baissé, même s’il est en passe de se stabiliser aujourd’hui.

Zoom
La société AMC (Agence maritime cognaçaise) a été fondée en 1963 par Raymond Wollenweber qui possédait, au départ, une carte de représentant maritime (il défendait les intérêts, à Cognac, d’une dizaine de compagnies maritimes). Dès sa création, AMC s’est occupée, en tant que transitaire, de toute la chaîne logistique, de la location de « boîtes » (de containers) au « shipping » (commande de prestation de transport maritime), en passant par le dédouanement. Edouard (3e génération) préside le groupe tandis que son frère Antoine dirige le bureau américain. La société, qui a son siège rue du Dominant à Cognac, compte 100 collaborateurs. Elle est spécialisée dans le transport des vins et spiritueux mais aussi du bois, du verre. Ses grands concurrents s’appellent Hillbrand, un groupe uniquement centré sur les V & S ou encore Kuehne + Nagel, une entreprise allemande forte de plus de mille collaborateurs. AMC défend ses atouts de PME, flexibilité et sensibilité aux clients.

 

 

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