Si on parlait d’agriculture

14 avril 2017

Dimanche 23 avril 2017, 1er tour des élections présidentielles, dimanche 7 mai 2017 second tour. Peu ou prou, tous les candidats à l’Elysée y sont allés de leurs propositions concernant l’agriculture. Pour faire court, il y a les « technos », versés mesures d’aides à la compétitivité (sursis d’imposition, crédit d’impôt etc…), les bios (transition écologique, circuits courts…) et ceux (celle), plus protectionnistes, qui verraient bien la PAC remplacée par une PAF (Politique agricole française).

Une chose est sûre ! L’agriculture française va mal. C’est vrai que, vu de Cognac, cela ne saute pas aux yeux. Parce que le Cognac est un produit indélocalisable porté par de grands groupes mondiaux, l’économie régionale semble avoir trouvé, depuis presque deux décennies déjà, la bonne martingale, que l’on pourrait presque qualifier de « mondialisation heureuse ». Pourvu que ça dure.

Naturellement, c’est loin d’être le cas partout. Eleveurs lait, viande, céréaliers…A défaut de se réformer, la PAC (Politique agricole commune) a démantelé un certain nombre de protections. Cette dérégulation, couplée a des accords commerciaux de plus en plus systématiques (Canada etc…), a maximisé les effets de la concurrence mondiale. Conséquence : une forte volatilité des prix. Aujourd’hui, un tiers des agriculteurs français disposerait d’un salaire inférieur à 354 € par mois. Question ! Peut-on continuer avec le même modèle économique – si tant est qu’il y en existe un – où doit-on en changer ?

Mais alors, vers quelle agriculture tendre ? Vers un système intensif du « toujours plus » – essayer de gagner sur le volume ce que l’on perd sur les prix – éventuellement accompagné de la montée en puissance d’une agriculture de « businessman », dite encore « de firme » ? Ou vers des modèles alternatifs, moins spécialisés, plus respectueux de l’environnement et de l’emploi ? Question subsidiaire : le « produire plus » et le « produire mieux » sont-ils forcément incompatibles ?

Clairement, deux écoles s’affrontent sur le sujet. Il y a ceux qui pensent qu’il vaut mieux privilégier le marché intérieur (français, européen), ne pas subir les attentes de la société mais en devenir les acteurs. Bref, réinventer le schmilblick et, ce faisant « retrouver une certaine légitimité et un plaisir à travailler. » Et ceux qui estiment que, demain, sous l’effet de la démographie, des changements climatiques, d’une revendication sanitaire de plus en plus forte des citoyens, la demande mondiale de denrées alimentaires va exploser. Ce qui rendra incontournables les détenteurs de ces denrées. « Au plus, sur la planète, vingt à trente pays s’autosufisent et peuvent donc potentiellement nourrir d’autres populations.» Ainsi, pour ce courant de pensée, il semblerait quand même dommage que la France perde son avantage compétitif. «Des opportunités existent, il faut les saisir !» Et cela même si le l’hexagone est passé du 2 ème rang d’exportateur mondial au 5 ème rang, derrière les Pays-Bas, l’Allemagne (un indicateur cependant à relativiser si l’on tient compte du solde importation/exportation ). Reste que le chemin est pavé d’embûches pour les producteurs amont : pouvoir d’achat non extensible des consommateurs, concentration des transformateurs et de la distribution…Pour prendre l’exemple du lait, la France compte 80 000 producteurs de lait, 5 à 6 transformateurs dont Lactalis, major mondial (en France le groupe collecte la production d’un éleveur sur quatre), seulement quatre à cinq centrales d’achat sur le territoire national. « Le rapport de force est complètement déséquilibré. C’est aux pouvoirs publics, français et communautaires, de créer les conditions d’un rééquilibrage ».

A vrai dire, l’idée de régulation fédère aujourd’hui toutes les sensibilités – «Il faut réintroduire des outils de régulation, quitte à les réinventer ». C’est tout l’enjeu de la réforme de la PAC pour la période 2020-2026.

Mais, avant cela, peut-être aura-t-il fallu régler un préalable : la longévité de la PAC. Car la Politique agricole commune, telle qu’on la connaît aujourd’hui, n’est pas gravée dans le marbre.  Son budget s’élève à 246 milliards d’€ soit 0,4 % du Produit intérieur brut européen (à titre de comparaison, les Etats-Unis consacrent 1 % de leur PIB à leur agriculture). Mais, avec le départ de la Grande-Bretagne, ce sont 10 milliards d’€ qui vont passer à la trappe. Les autres pays accepteront-ils d’augmenter leurs dotations pour maintenir le budget agricole européen ? Ramenée au citoyen européen, la contribution « per capita » au budget agricole s’élève à 118 € par an. A la fois peu et beaucoup. « On aura intérêt à ne rien lâcher » préviennent déjà les agriculteurs.

En matière de régulation, le secteur viticole est pratiquement le seul aujourd’hui à avoir conservée une Organisation de marché spécifique, l’OCM vin, certes incluse dans l’OCM unique mais quand même.

En 2013/2014, le député européen Michel Dantin (PPE) fut désigné par ses collègues parlementaires comme l’un des trois rapporteurs de l’OCM unique. Avec la demande du vignoble de Cognac d’introduire un statut de vin apte à produire une eau-de-vie sous signe de qualité, le député européen, maire de Chambéry, se retrouve de nouveau en première ligne. Sollicité par la région « plutôt quatorze fois qu’une », il a participé au dépôt d’amendements. « J’ai même réussi à y impliquer plusieurs collègues étrangers » dit-il. Il confirme qu’au moment du vote intital,  « les vignobles destinés à produire une eau-de-vie sous signe de qualité – Cognac, Armagnac – ont été oubliés ». « Je le sais puisque que j’étais à la manœuvre à l’époque. C’est quelque chose qu’il faut corriger. »

Et le maintien de l’encadrement du potentiel de production viticole au-delà de 2030 ? « J’y suis déterminé mais il faudra sans doute qu’une nouvelle génération prenne le relais. Pour l’heure, on va s’employer à bien poser les bases. »

 

 

Sources : Thierry Pouch, économiste à l’APCA (Assemblée permanente des chambres d’agriculture), présent à l’AG des JA de Charente – Emission de France Culture sur l’économie agricole lors du Salon (chercheuse INRA, président national des CIVAM)

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