S’engager dans la technologie « sans se sur-équiper »

9 décembre 2009

Thierry Courpron fait partie de cette nouvelle génération de viticulteurs qui se passionne pour l’élaboration des vins et des eaux-de-vie. Produire des raisins de qualité, les récolter au moment opportun et les vinifier dans les meilleures conditions représentent pour lui un challenge majeur de la mi-août à la fin novembre. Pendant plus de trois mois, toute son énergie est investie dans les vinifications et il « vit » littéralement l’élaboration de ses vins. L’organisation des vinifications est abordée sur cette exploitation avec une volonté double d’utiliser à bon escient des moyens technologiques suffisants et de maîtriser les investissements.

courpron.jpgCe jeune viticulteur, qui est bouilleur de cru, exploite un vignoble de 45 ha de vigne dont la moitié est actuellement destinée à des productions hors Cognac. Lorsqu’il s’est installé en 1995, le contexte économique de la filière Cognac était particulièrement difficile pour une exploitation située dans les Bons Bois. Son souhait a été dès le départ d’essayer de diversifier les débouchés de la propriété familiale dont la production était consacrée aux vins de distillation, aux vins de table, à des jus de raisins et à un peu de Pineau. Il a profité des surfaces de droits de plantation octroyées aux jeunes agriculteurs pour planter 4 ha de vignes destinées à la production de vins de pays (principalement des Sauvignon, des Chardonnay). Ensuite, un agrandissement lui a permis de récupérer des surfaces significatives de cépages rouges, de Colombard et de Chardonnay.

Vendre en bouteille, un nouveau métier

La situation de l’exploitation à Saint-André-de-Lidon à proximité de la zone touristique l’a incité à envisager une commercialisation directe des nouvelles productions de vins en bouteilles pendant la période estivale. La conjonction de toutes ces circonstances a permis d’engager une nouvelle démarche de développement fondée sur une volonté de maîtriser la mise en marché des produits et de rechercher de la plus-value. Aller à la rencontre des consommateurs en leur proposant une gamme complète de vins, de Pineaux et de Cognacs a modifié profondément la philosophie de production de cette propriété : « Cette volonté de vendre nous-mêmes en bouteille une partie de notre production était un nouveau métier qui a nécessité une profonde réorganisation des structures de production viticole et aussi des méthodes de vinification. L’élaboration de qualité de vins de table techniques d’Ugni blanc ou de Colombard peut être abordée en privilégiant une organisation rationnelle, mais développer une gamme complète de vins de cépages blanc, rosé et rouges, c’est autre chose. Un lot de vin de qualité médiocre ou juste moyen est difficile à vendre en bouteille et le jugement des consommateurs est immédiat. Il a fallu envisager le métier différemment, préparer les parcelles pour obtenir des raisins sains et mûrs, et ensuite être capable de vinifier une diversité de lots de vins différents. Je me suis beaucoup investi dans cette nouvelle activité en m’entourant de conseils, en approfondissant mes connaissances en œnologie et en réalisant des investissements mesurés. »

Une CUMA de vendanges-pressurage performante et compétitive pour deux chantiers de 70 ha

L’évolution de l’activité bouteilles de l’exploitation a été abordée avec beaucoup de pragmatisme sur le plan des investissements et en ne remettant pas en cause certaines méthodes de travail existantes. Par exemple, les vendanges continuent d’être réalisées en utilisant la machine à vendanger de la Cuma du Fief des Genets (depuis 1982). C’est un moyen de minimiser les coûts de production dont ce viticulteur n’a pas voulu se passer. Beaucoup de travaux de grandes cultures et viticoles sont réalisés avec la Cuma pour un coût moindre et en utilisant des semoirs, une moissonneuse-batteuse, des tracteurs, des machines à vendanges, des pressoirs… en très bon état. Le fait d’avoir des surfaces de cépages plus précoces à récolter a simplement engendré une modification du calendrier de récolte pour tenir compte des différences de maturité. Au sein de la Cuma, T. Courpron a justement en charge l’organisation des chantiers de vendanges : « Jusqu’à l’année dernière, la Cuma assurait la récolte de 107 hectares de vignes tous cépages confondus. Nous utilisions une seule machine à vendanger et un pressoir pneumatique qui se déplaçait de chai en chai. Un calendrier de récolte était chaque année préétabli en commun en tenant compte de la présence de 30 hectares de cépages autres que l’Ugni blanc. La philosophie des adhérents de la Cuma est avant tout de maîtriser les coûts. C’est pour cette raison que nous travaillons avec du matériel d’occasion de 4 à 5 campagnes. Jusqu’en 2008, les vendanges et le pressurage nous revenaient à 250 € ht/ha. Au cours de l’hiver dernier, l’arrivée de nouveaux adhérents représentant une surface supplémentaire de 34 ha nous a amenés à reconsidérer l’organisation. Deux solutions étaient envisageables : avoir un chantier unique pour 141 ha avec une machine neuve plus performante et un deuxième pressoir, ou mettre en place deux chantiers de récolte-pressurage pour 70 ha. Nous avons opté pour la deuxième solution qui permettait de travailler sur des secteurs géographiques plus réduits et de mieux tenir compte des différences de maturité des divers cépages. La Cuma a fait l’acquisition d’une deuxième MAV et d’un pressoir pneumatique de 70 hl (du matériel d’occasion) qui ont permis de constituer deux groupes de 3 exploitations. Le coût de vendange et de pressurage est passé à 330 € HT/ha, mais cela reste encore très acceptable. En 2009, l’organisation des deux chantiers de récolte-pressurage sur 140 ha au total s’est révélée particulièrement intéressante compte tenu du climat chaud de septembre et d’octobre. Le fait de n’avoir que 70 ha à récolter a apporté beaucoup plus de souplesse pour gérer le calendrier de récolte. Avec la chaleur on a décalé les horaires de travail et récolté sans se presser chaque cépage et chaque parcelle à bonne maturité. »

Concilier les impératifs de maturité et les limites technologiques du chai

T. Courpron a abordé la rénovation de l’installation de vinification en essayant de concentrer les moyens sur les postes importants pour ne pas se sur-équiper : « Lorsque je me suis installé en 1995, j’ai acheté en priorité de la cuverie en acier revêtu d’occasion et un groupe de froid de récupération. Il s’agit d’un tank à lait de 4 400 l de réforme d’une puissance de 17 000 frigories qui donne encore aujourd’hui pleinement satisfaction. La diversité des cépages que nous avons à récolter permet d’étaler le déroulement des vinifications sur une longue période, en tenant compte à la fois des conditions optimales de maturité et des limites technologiques de notre installation. Nous commençons à vendanger les Chardonnay tôt en saison et cette année leur précocité a permis de les vinifier dans de bonnes conditions. Par contre, réussir les fermentations des Sauvignon est toujours plus compliquée car il faut tenir compte des capacités de refroidissement au chai quand on rentre des volumes plus importants. Cette année, après avoir récolté les 600 hl de Chardonnay et de Sauvignon, je savais que la capacité de refroidissement du chai était entièrement mobilisée pendant une petite semaine. J’ai alors décidé de retarder la récolte des Colombard. ».

La Cuma a permis à ce viticulteur de disposer d’un équipement de pressurage pneumatique performant qui a représenté un apport de technologie pour vinifier les cépages blancs et les rosés. La qualité des jus extraits était nettement supérieure à celles des anciens pressoirs horizontaux et les cages sont utilisées pour effectuer des macérations pelliculaires. Le fait de vendanger en Cuma et le décalage de maturité entre les cépages permettent aussi d’avoir plus de temps pour s’occuper des vins. Arrêter de vendanger pendant 4 à 5 jours fin septembre ou début octobre ne pose aucun problème à T. Courpron. Ces temps « morts » de récolte lui permettent de s’investir pleinement dans le suivi qualitatif des vins.

L’inox, c’est l’idéal mais avec de l’acier revêtu « on fait la même chose »

L’autre spécificité de cette exploitation réside aussi dans les capacités de ce jeune viticulteur et de ses salariés à réaliser par eux-mêmes beaucoup d’aménagements. Par exemple, ce sont eux qui ont installé le groupe de froid et le réseau de quatre drapeaux qu’ils déplacent de cuve en cuve pour pouvoir refroidir un volume total de 600 hl en même temps (maintenu en dessous 20 °C). Lorsque le groupe est un peu juste, le refroidissement des cuves avec les drapeaux est complété par un ruissellement sur les parois extérieures d’une eau provenant d’un puits durant les heures les plus chaudes de la journée.

Les investissements dans la cuverie ont été conduits avec le même souci de réalisme économique. Acheter de l’inox n’est vraiment pas une priorité : « Je reconnais que l’inox c’est le matériau idéal mais avec de l’acier revêtu bien entretenu, on fait la même chose. 80 % de la cuverie est en acier époxy et nous l’entretenons avec grand soin. Chaque année on investi dans 1 000 € de peintures pour conserver la cuverie en bon état. Il nous est même arrivé de monter des boîtards et des vannes. J’ai tout de même acheté quelques cuves en inox au cours des dernières années pour vinifier dans de meilleures conditions les vins rouges. A l’origine, lorsque je me suis installé, les économies réalisées en achetant des cuves acier d’occasion m’avaient permis d’avoir les moyens d’investir dans un pressoir pneumatique de 37 hl. Cela permettait de vendanger en continu avec le pressoir de la Cuma. »

Maintenir une hygiène parfaite pendant 5 à 6 semaines de vendange

Au fil des années, T. Courpron a mis en place une organisation du travail pour conduire dans de bonnes conditions les vinifications de l’ensemble des productions. Les 13 hectares de vins de pays, les vins techniques de Colombard et d’Ugni blanc et les vins de distillation sont vinifiés avec le même objectif de recherche de qualité maximale. Durant les vendanges, l’emploi du temps de ce viticulteur se partage entre le suivi de l’évolution de la maturité dans les parcelles et la surveillance du déroulement des vinifications. Les différences de maturité entre les cépages permettent d’étaler la durée des vendanges sur plus d’un mois et de limiter les pics d’activité : « Cette année, nous avons commencé la récolte les 7 et 8 septembre par le Chardonnay, puis on a enchaîné avec les Sauvignon, les rosés, les Colombard, les rouges et les Ugni blancs. On a vendangé pendant plus de 5 semaines en prenant le temps de traiter chaque lot de vendange. L’étalement de la durée des vendanges nécessite le maintient d’une hygiène parfaite pendant une longue période. C’est un travail lourd mais essentiel. Laver un pressoir, une cuve, une pompe en fin de journée est devenu une intervention systématique et finalement assez facile à réaliser. Laisser des tuyaux, un cuvon en l’état une ou deux heures après un remontage, une aération, l’incorporation des levures…représentent des sources de contaminations que je m’efforce de limiter. Dans le chai, on déplace peu le matériel, on a de nombreuses pompes et de nombreux tuyaux équipés de vannes trois voies qui permettent de les rincer rapidement sans perdre de temps. Tous ces petits aménagements simplifient le travail et contribuent à maintenir une bonne hygiène durant les 5 à 6 semaines de vendange ».

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