Saverglass : Trente ans de bouteilles à Cognac

21 août 2012

Le verrier Saverglass vient de fêter ses trente ans d’implantation à Cognac. En 1982, la société ouvrait une antenne dans la capitale des eaux-de-vie. L’usine de Feuquières (Picardie) a fait de la différenciation, du design et la premiumisation son livre de chevet.

 

 

p36.jpgLoïc Quentin de Gromard, le charismatique P-DG de Saverglass, était présent à Cognac le 28 juin dernier. L’entreprise avait choisi cette date pour fêter avec allure et maestria son implantation à Cognac voilà 30 ans. Le lieu de la réception ? Le Quai des Pontis, sur l’ancien site de Valadié, le spécialiste de l’emballage carton. De la bouteille au carton, il n’y a qu’un pas ou, en tout cas, les deux vont de pair.

Dans le quartier Saint Jacques, le Quai des Pontis surfe sur les nouvelles formes d’hébergement : roulottes, lodges en bois, cabanes au bord de l’eau. En prime, il offre des espaces réceptifs. Saverglass avaient vu grand et invité collègues fournisseurs du packaging, clients. Beaucoup s’étaient rendus disponibles. Après une bonne heure d’échanges entre les personnes, apparemment assez contentes de se retrouver dans un cadre « exotique », même à 5 mn du centre-ville, Loïc Quentin de Gromard a pris la parole.

« La culture de votre belle région »

D’abord pour dire le grand plaisir qu’avait Saverglass à accueillir tous ceux qui, depuis 30 ans, constituent son environnement professionnel. « Très rapidement, nous nous sommes pénétrés de la culture de votre belle région. » Il a évoqué le temps où Saverglass était un « fournisseur débutant » mais mû, déjà, par la volonté d’être « précurseur ». La confiance d’une grande maison de Cognac pour sa carafe XO, à l’époque où le marché japonais donnait le « la », lui ouvre les portes du marché charentais. Le P-DG parle des qualités mises en avant par son entreprise : la sécurité, le service, la flexibilité – si importante pour une industrie lourde comme la verrerie – et bien sûr la créativité. Saverglass en a fait son point fort. Elle se désigne elle-même comme le « spécialiste mondial du packaging en verre de luxe ».

Ce positionnement s’appuie sur une offre personnalisée, des gammes qui prennent en compte la recherche de différenciation du client ainsi que le parachèvement, qui est l’activité de décoration des flacons et bouteilles (satinage…). « Au fil du temps, nous sommes devenus force de proposition pour les formes verrières de nos clients » confirme Loïc Quentin de Gromard.

Modèles déposés

Aujourd’hui, Saverglass propose une gamme étendue de plus de 400 modèles dits, dans le jargon maison, « MDDS » pour Modèles déposés design Saverglass. Quant à son cœur de cible, il reste toujours les flacons « compliqués à faire », ceux qui se prêtent mal à la grande série.

Dans cet esprit, la carafe XO demeure, pour tout verrier qui se respecte, le Graal, l’Everest, en tout cas un challenge en permanence revisité. A Cognac, Saverglass a construit son image sur son aptitude à emprunter ce chemin escarpé (voir le témoignage de François Robin).

Implantée initialement à Soubérac (Gensac-la-Pallue), Saverglass a ensuite déménagé sur le site de Merpins. La société y dispose d’un showroom performant et d’une plateforme de 25 000 m2 pour gérer la logistique et la distribution régionale. Parmi les vingt collaborateurs de l’équipe charentaise, seize personnes sont employées au bureau d’étude. Le P-DG de l’entreprise a salué la passion et l’amour du métier de ses collaborateurs.

Repères
l Chiffre d’affaires de 335 millions d’€ en 2011, dont 50 % à l’export.
l 2 500 employés sur cinq continents, dont 500 dans le parachèvement.
l La production verrière est passée de 20 000 tonnes à 300 000 t. Objectif : 400 000 t.
l Trois sites de production : Feuquières dans l’Oise, Le Havre, Arques (Pas-de-Calais).
l En plus des spiritueux, Saverglass a une grosse activité cosmétique ainsi que vins tranquilles & effervescents, alimentaire.

 

 

 

Saverglass et le "troisième homme"

Avant Saverglass, l’offre verrière cognaçaise tenait en deux noms : Saint-Gobain et BSN. En s’introduisant sur le marché, Saverglass a joué le rôle du « troisième homme ». Arrivé en février 1989 dans la société, François Robin se souvient.

p37.jpgAvant d’intégrer l’entreprise, François Robin avait travaillé 23 ans chez Saint-Gobain. Il connaissait donc bien le métier du verre mais surtout « savait parler le langage cognaçais ». Quelque chose qui, au début, manquait à Saverglass qui s’étonnait, parfois, de ne pas être compris. F. Robin se décrit lui-même comme « l’Indien de service qui parlait la langue de Cognac ». « Je savais qui aller voir le premier, quand il fallait rentrer par la fenêtre plutôt que par la porte. » Il occupera jusqu’à sa retraite les fonctions de responsable commercial « depuis le dessous la Loire jusqu’aux Pyrénées ». Puis, parlant – aussi – la langue de Cervantès, il franchira le col de Roncevaux pour s’occuper également des marchés espagnols et portugais.

En 1985, Loïc Quentin de Gromard, devenu P-DG de la société, avait fixé la ligne stratégique : « Nous ferons ce que les grands verriers ne font pas. » Dans l’univers des spiritueux, la cible toute désignée est celle des carafes XO, le « fin du fin », l’étape ultime du savoir-faire, la barrière qu’il faut sauter pour avoir droit à son brevet d’excellence. « Un deal implicite laissait aux petites sociétés le soin de réaliser les séries courtes, celles qui valaient d’interrompre la chaîne » explique F. Robin. L. Quentin de Gromard qui, entre-temps, est tombé amoureux du métier, s’engouffre dans la brèche.

La carafe Rémy Martin

La première carafe XO réalisée par Saverglass est la carafe Rémy Martin. Très vite, Hennessy passe une petite commande probatoire tandis que Courvoisier persiste et signe. Sur la place de Cognac, la société sise à Jarnac fut sans doute le premier client du verrier. « En fait, les maisons de négoce étaient assez contentes d’avoir un troisième fournisseur » se souvient François Robin. « Cela leur permettait de desserrer l’étau des deux énormes machines, Saint-Gobain et BSN. « Dans la foulée, un important appel d’air vient de Martell. A l’époque, l’entreprise renouvelle toute sa gamme et sort, d’un coup, 23 modèles spéciaux. Une aubaine pour Saverglass. Suivront l’XO de Polignac et plein d’autres produits, tels Hepnotik de la distillerie Merlet. Mais F. Robin réserve un traitement particulier à l’épisode de la Vodka Grey Goose. « Je connaissais bien Jean-Marc Gauthier-Auriol (responsable de la mise en bouteille de H. Mounier – ndlr) pour avoir usé mes fonds de culottes sur les mêmes bancs de collège que lui. Je vais le voir et lui dis : Jean-Marc, tu dois me donner quelques billes pour arriver à lancer la production. A l’époque, nous étions sur 15 000 bouteilles de 75 cl et 1 500 mignonnettes. J’arrive à convaincre ma direction. Vous connaissez la suite. C’eut été dommage de louper l’opportunité. » Partant de la bouteille standard Ariane, le parachèvement va transformer le flacon. Une réussite d’école.

Aujourd’hui Saverglass campe fermement sur le créneau haut de gamme. Chez certaines grosses sociétés de Cognac, le verrier représente les deux tiers de la production. « Les choses se partagent différemment qu’autrefois » note l’ancien responsable commercial. « Dans la région de Cognac, si nous ne sommes toujours pas leader en volume, en valeur, ça se discute. » Un chiffre parle à ses yeux : « En 1989, quand j’ai été recruté, j’étais le 221e salarié de la société. En 2013, l’effectif de Saverglass est grimpé à 2 500. » L’ancien commercial avoue s’être vraiment senti concerné par le métier au contact du P-DG. « Pour lui, il n’y a d’entreprise que familiale. Sa femme est une Desjonquères (famille de verriers du nord de la France, fondateurs de l’usine de Feuquières). C’est en venant faire un audit de l’entreprise à la demande de la famille que Loïc Quentin de Gromard (1) a franchi le pas. Il a racheté deux autres sociétés près du Havre et à Arques dans le Nord. C’est la dimension artisanale du métier de verrier qui l’intéresse. » La famille Desjonquères a cédé le contrôle de l’entreprise à des fonds d’investissement depuis 2006.

Catherine Mousnier

(1) Ingénieur des Mines, Loïc Quentin de Gromard fait un passage dans la banque puis s’essaie au commerce automobile en Afrique avant d’intégrer Saverglass en 1985.

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