Réforme des plus-values : Questions à Patrick Lardillon

22 avril 2014

p23.jpgAu niveau du régime des plus-values privées (non professionnelles), qu’est-ce qui change aujourd’hui ?

En matière de plus-values privées, il existe trois régimes, le régime des plus-values immobilières, le régime des plus-values mobilières et celui des plus-values sur valeurs mobilières. Commençons par le régime des plus-values immobilières. C’est celui qui s’exerce lorsque l’on vend un immeuble bâti (un appartement par exemple, hormis la résidence principale) ou un immeuble non bâti (terres). La plus-value va taxer la différence entre le prix d’entrée dans le patrimoine (1) et le prix de vente. Cette taxation porte sur deux types de prélèvements : un prélèvement fiscal à hauteur de 19 %, sur le montant de la plus-value constatée ; et un prélèvement social de 15,5 % correspondant à la CSG (Contribution sociale généralisée). En ce qui concerne le prélèvement fiscal (les 19 %), des abattements s’appliquent sur l’assiette, en fonction de la durée de détention du bien. La réforme 2014 a modifié – dans le bon sens – la durée nécessaire pour avoir droit à l’abattement total de 100 %. Durant les six années précédentes, cette durée avait connu une forte volatilité, passant de 15 ans à 22 ans pour monter à 30 ans. Aujourd’hui, elle est redescendue à 22 ans. Un élément plutôt positif. Par contre, le côté le moins sympathique, c’est qu’il y a décrochage entre l’abattement fiscal et celui de la CSG. L’exonération totale de la CSG ne s’obtient qu’après 30 ans de détention du bien. A 22 ans de détention, l’abattement CSG n’est que de 28 %. C’est la première fois qu’une telle différence de traitement est introduite entre prélèvement fiscal et social.

En ce qui concerne les plus-values sur valeurs mobilières ?

Les valeurs mobilières recouvrent deux choses : les parts de société et les actions de sociétés, y compris si vous avez un panier d’actions. On parlera de parts de sociétés pour les sociétés de type SARL, EARL, SCEA en agriculture. Et d’actions de société pour les SA (Sociétés anonymes). Prenons le cas d’un associé d’EARL. S’il donne ses parts de société à ses enfants, cette transmission à titre gratuit ne générera pas, en général, de plus-values. Ou, si elle en génère, ces plus-values seront toujours reportables, jamais décaissables. Par contre, en cas de vente (transmission à titre onéreux), des plus-values pourront être libérées, toujours sur le même principe : taxation de la différence entre le prix d’entrée et le prix de vente.

Comme pour les plus-values immobi-lières, la taxation des plus-values sur va-leurs mobilières se scinde en deux parties : prélèvement fiscal, prélèvement social. Pour la partie « prélèvement fiscal » (taxation au barème progressif de l’impôt sur le revenu), le régime antérieur au 1er janvier 2014 prévoyait, en plus des abattements, plusieurs régimes dérogatoires (quatre au total). La réforme élague le dispositif. Dorénavant, le régime général prévoit un abattement de 50 % au-delà de 2 ans, porté à 65 % au-delà de 8 ans. Il s’assortit d’un seul régime dérogatoire, ouvert aux « petites sociétés » – au sens européen du terme – dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 250 millions d’€. Pour elles, est prévu un abattement renforcé de 50 % entre 1 et 4 ans de détention, 65 % entre 4 et 8 ans et
85 % au-delà de 8 ans. A noter que demeure toujours un prélèvement résiduel sur 15 % de l’assiette alors qu’auparavant il pouvait y avoir exonération totale. Certes, le texte apporte une plus grande lisibilité mais à condition d’être pérennisé dans le temps. Et là encore, n’oublions pas la CSG. Les 15,5 % de prélèvements sociaux jouent sur 100 % de l’assiette, sans abattement pour durée de détention. Applicable depuis deux ans, cette disposition a été maintenue sans changement.

Que visent les plus-values sur biens meubles ?

En Charentes, le bien meuble vise par excellence le stock de Cognac. Mais ce peut être aussi les navires de plaisances ou les chevaux de course. Attention ! Le régime des plus-values sur bien meuble ne s’applique pas au stock d’eaux-de-vie détenu par l’exploitant agricole. Non, il s’agit du lot de Cognac qui serait transmis à un enfant non exploitant agricole. Auparavant, cette eau-de-vie était totalement exonérée de plus-values au bout de 12 ans de détention (délai entre la réception et la vente). Aujourd’hui, le délai d’exonération des plus-values est porté à 22 ans. Ce qui n’est pas du tout la même chose. Autant le délai de 12 ans était « jouable », autant celui de 22 ans devient plus compliqué à gérer car, généralement, l’on n’hérite pas à 30 ans. Certes, cette mesure n’est pas d’une portée énorme. En tant que telle, la transmission de stocks devient de plus en plus rare. Dans la grande majorité des cas, les enfants reçoivent des parts de société. Mais pour les quelques personnes concernées, la réforme risque de coûter cher. Ensuite, il est toujours possible de discuter sur le principe de l’exonération. Elle se révèle toujours agréable pour celui qui en profite. Cependant, ne vaudrait-il pas mieux, parfois, un prélèvement non prohibitif. Mais ceci est un autre débat.

Dans la loi de finances pour 2014, une mesure concerne le mode d’évaluation des stocks de vins et d’alcool à l’ISF (Impôt sur la fortune). Qu’en est-il ?

Un petit rappel, si vous le voulez bien, de ce qu’est l’ISF. Est soumis à l’ISF le foyer fiscal dont le patrimoine dépasse 1,3 million d’€. Dans ce patrimoine, précisons-le, sont retenus que les biens qui ne sont pas utiles aux activités professionnelles. Malgré l’importance des chiffres, il ne faut pas dire trop vite « Cet impôt n’est pas pour moi ». Un viticulteur à la retraite
décide de vendre sa propriété. Il a tôt fait de dégager 1,3 million d’€. La nouvelle loi de finance abroge l’article qui prévoyait que les stocks de vins et d’alcool détenus par une entreprise soient retenus pour leur valeur comptable. Dorénavant, c’est la valeur vénale de ces stocks qui sera retenue. En pratique, ce texte ne trouvera à s’appliquer que lorsque les stocks ne seront pas des biens professionnels, exonérés d’imposition à l’ISF.

A titre d’exemple, si la valeur marchande des eaux-de-vie s’élève à 5 000 € l’hl AP, contre un prix de revient de 1 000 € de l’hl AP, la différence de 4 000 € l’hl AP viendra gonfler le patrimoine. En présence d’un stock de 100 hl AP et sur la base d’un taux maximum d’ISF d’1,5 %, il en résultera un surcroît d’impsition de 6 000 € par an. Des « recettes de poches » pour le fisc qui, misent bout à bout, alourdissent le montant des prélèvements.

(1) Acquisition à titre gratuit (succession, donation) ou à titre onéreux (achat).

DPI (Déduction pour investissement)
Des intérêts de retarden cas d’imputation tardive
La DPI (Déduction pour investissement) est un outil fiscal permettant de déduire de son résultat une somme affectée au financement du stock. Aujourd’hui, le plafond de la DPI s’élève à 27 000 €. Cet instrument est largement utilisé dans la région de Cognac, qui possède des stocks à rotation lente. La solution consiste à imputer la DPI à la variation positive de stock. L’assujetti a 5 ans pour imputer la DPI. Si ce n’est pas fait au bout du délai de 5 ans, la DPI est réintégrée aux revenus. Jusqu’au 31 décembre 2013, cette réintégration s’opérait sans frais. La loi de finances rectificative 2013 (art. 34) prévoit d’appliquer désormais des intérêts de retard en cas d’imputation hors du délai de 5 ans, au taux légal de 0,40 % par mois. Si la réintégration intervient la 6e année, les pénalités de retard équi-vaudront à 24,2 % du montant de la DPI. Soit, pour une DPI de 27 000 €, la somme de 6 700 €, qui viendra se rajouter au bénéfice imposable (prélèvements fiscal et social). Conseils des praticiens : y réfléchir à deux fois si l’on n’est pas sûr d’imputer la DPI dans les 5 ans.

 

 

 

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