Région délimitée : Le pineau réfléchit, aussi, à son avenir

21 février 2013

« Nous sommes en permanence en assises » plaisante Jean-Marie Baillif, président du Syndicat des producteurs de Pineau. Et, c’est vrai que cela bouillonne depuis un certain temps du côté du Pineau : valorisation, innovation, promotion, production… Le Pineau des Charentes réfléchit à son avenir et pose des jalons, parallèlement au Cognac dont il partage la même aire d’appellation, en partie les mêmes cépages. Rencontre avec les trois « poids lourds » de la filière, le président du Comité interprofessionnel, le président du Syndicat des producteurs et le président du Syndicat des négociants.

Les ci-devant Patrick Raguenaud, président du Comité interprofessionnel du Pineau, Jean-Marie Baillif, président du Syndicat des producteurs et Vincent Chappe, président du Syndicat des négociants. On ne leur fera pas l’injure de dire que ces trois-là s’entendent comme « larrons en foire » mais il y a un peu de ça. En les voyant, on comprend qu’ils ont envie de travailler ensemble. D’ailleurs, interrogé sur le devenir du Pineau des Charentes, Jean-Marie Baillif a spontanément tenu à associer ses deux alter ego. Ce mardi 29 janvier 2013, ils se retrouvent donc autour de la table, pour une rencontre informelle. Le sujet ! Parler du Pineau, de ses projets, de sa prospective, à l’heure où le Cognac débat de la sienne.

P. Raguenaud revient d’emblée sur cette « synergie », cette unité qui se dégage entre viticulture et négoce. « Elle mérite vraiment d’être soulignée ». Chorus de ses collègues. Vincent Chappe témoigne : « Nous avons un réel plaisir à nous retrouver au Comité du Pineau, soit en commission technique, soit en commission prospective. » La conviction qu’ils partagent tous, « c’est que le Pineau a un avenir ». « Le Pineau est une pure merveille » s’exclame V. Chappe. « Fusion du Cognac et du jus de raisin, il possède tous les ingrédients qui plaisent sur les marchés : authenticité, terroir, qualité… » Fort de ce constat, le président du Comité interprofessionnel pointe deux chantiers majeurs : la valorisation et l’innovation. « La valorisation, dit-il, doit nous permettre de dégager des marges confortables, aussi bien à la viticulture qu’au négoce. Nous avons besoin de valorisation pour investir, parler du produit. Quant à l’innovation, “on n’efface pas la table”. On apporte des choses nouvelles, sur la base de l’existant. » J.-M. Baillif saisit la balle au bond. « L’innovation constitue en effet un des axes forts de la filière. » Il cite l’émergence d’un Pineau rosé « d’une approche un peu différente de ce que l’on connaît aujourd’hui ». Il s’agit d’un produit ayant subi un début de fermentation. Expérimenté par Bernard Galy, de la Station viticole du BNIC, il a fait l’objet de plusieurs dégustations par le groupe Innovation créé au sein du Comité. Un lancement devrait intervenir bientôt. La filière Pineau a « sous le coude » d’autres projets, dont rien ne filtrera ce jour-là. Dans la même veine, le Comité a lancé une étude consommateurs baptisée, classiquement, « Usages et attitudes » (la dernière étude remontait à 9 ans). Une première présentation des résultats a eu lieu le 31 janvier dernier devant la commission Publicité. L’assemblée générale des producteurs s’en fera sans doute l’écho. Le but de cette étude : mieux connaître les consommateurs de Pineau, savoir ce qu’ils attendent…

Si les ventes de Pineau se sont érodées de 5 % sur l’année passée, l’idée, bien entendu, est d’inverser le mouvement et de renouer avec la croissance. Vincent Chappe, le président du Syndicat des négociants, a son idée sur la question :

« Le schéma français du Pineau n’est plus suffisant. Une meilleure valorisation passe par des gains à l’export. Au-delà des frontières commerciales de la Belgique ou du Canada français, il y a sans doute de nouveaux gisements à explorer, que l’on ne soupçonne peut-être même pas encore. Il y faut de la conviction, un esprit un peu aventurier. »

Et son regard de se tourner vers ses pairs les négociants « qui voyagent pour vendre le Cognac. Pour eux, dit-il, l’activité d’export réclame un effort moindre que pour le producteur ».

Montée en puissance

Il parle de la nécessaire « montée en puissance du Pineau, à la fois aux plans du marketing, de la production, de la vente, de la promotion ». « Cette montée en puissance, insiste-t-il, doit se faire sans à-coup. Si l’un des maillons est défaillant, c’est la chaîne de valorisation qui s’écroule. »

La transition avec la production était toute trouvée. Prise de parole de Jean-Marie Baillif : « Contrairement aux idées reçues, a-t-il affirmé, la production Pineau, depuis 2007, n’a cessé d’augmenter. Si les opérateurs sont moins nombreux, ils produisent davantage de Pineau par unité. Nous assistons à une spécialisation, à une professionnalisation des producteurs de Pineau. Les élaborateurs continuent de croire au produit ! » Certes, le président du Syndicat des producteurs reconnaît une baisse de 10 % de la production en 2012. Il l’impute essentiellement aux faibles rendements sur les rouges et à quelques soucis sur les moûts blancs pour atteindre le degré requis. « Mais, dit-il, notre trajectoire constante reste bien les 100 000 hl vol. C’est à cette seule condition que nos projets de développement pourront prendre leur envol. » Cela dit, Jean-Marie Baillif ne s’illusionne pas sur la situation. « Tous les ans, une petite frange d’ha Pineau rejoint le Cognac. » Comment redresser la barre et donner « aux producteurs qui croient au Pineau la possibilité de se développer » ?

La réponse est venue de Patrick Raguenaud, président du Comité, en sachant que J.-M. Baillif aurait pu la faire sienne : « Pour le Pineau, se pose immanquablement la question du potentiel de production. Pas plus que pour le Cognac, on ne pourra l’éluder. » Est-ce que cela veut dire que la filière envisage une demande d’attribution de droits* pour soutenir les volumes de Pineau ? « C’est un débat important, que nous allons avoir dans les semaines qui viennent au Comité. »

Jean-Marie Baillif a profité de l’occasion qui lui était donnée « pour tordre le coup aux idées toutes faites ». Dans le viseur du président du syndicat la prochaine affectation, en juin prochain, des surfaces « moûts Pineau » de la récolte 2014. « J’entends souvent dire que le Pineau rapporte moins que le Cognac. C’est faux. Un ha Pineau procure autant d’argent qu’un ha Cognac, à condition de savoir de quoi l’on parle. Très souvent on compare le revenu du Pineau sous contrat au revenu du Cognac sur le marché spot. Comparons ce qui est comparable : le contrat Pineau au contrat Cognac. Dans ces conditions, le chiffre d’affaires est similaire. »

Commentaire de Patrick Raguenaud : « C’est normal, les marchés s’autorégulent. »

* Tous les ans, en France, 3 000 ha de droits nouveaux sont accordés, sous l’empire de la législation actuelle.

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