Pascal Bobillier-Monnot, Directeur de la CNAOC

31 janvier 2011

En l’absence « d’une volonté politique forte », les droits de plantation disparaîtront du paysage européen le 1er janvier 2016. La Confédération française de la viticulture AOC s’active pour réintroduire le débat des instruments de régulation au niveau communautaire. Au plan stratégique, le directeur de la CNAOC, Pascal Bobillier- Monnot, estime qu’en se focalisant sur les interprofessions, on se trompe de sujet. « Les interprofessions règlent un problème de gouvernance mais n’apportent pas de réponse sur l’instrument juridique de régulation. »

bobillet_monot.jpg« Le Paysan Vigneron » – Qu’a inspiré à la CNAOC le rapport Vautrin remis par la députée de la Marne au ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire le 19 octobre 2010 ?

Pascal Bobillier-Monnot – La CNAOC s’est félicitée des conclusions de ce rapport qui, pour la première fois, mettait en avant la nécessité d’encadrer et de réguler le potentiel de production, aussi bien pour les vins AOP, IGP que pour les vins sans IG (sans indication géographique). C’est un acquis. Ceci dit, nous avons trouvé le rapport de Mme Vautrin un peu « minimaliste ». Censé illustrer les conséquences de la libéralisation des plantations en France et dans l’U.E, il y consacre à peine une demi-page. Par contre, le rapport aborde longuement le rôle des interprofessions. Il s’inspire en droite ligne des thèses de l’Etat, très orientées sur les questions de gouvernance économique par bassins de production. Mais nous, nous pensons que ce n’est pas le sujet de fond.

« L.P.V. » – Qu’entendez-vous par là ?

P.B.-M. – Si rien n’est fait, les droits de plantation disparaîtront le 1er janvier 2016. Il faut bien comprendre qu’à partir de cette date, en l’absence d’instrument juridique de régulation, personne ne pourra empêcher un viticulteur de planter là où il veut ce qu’il veut, quelle que soit la toute-puissance des interprofessions. Ne confondons pas deux notions : d’une part l’encadrement juridique de la production et, d’autre part, les gestionnaires de cet encadrement, qui peuvent être les interprofessions. On ne se situe pas exactement sur le même plan.

« L.P.V. » – Cet instrument juridique de régulation, quelle forme pourrait-il revêtir ?

P.B.-M. – Soit l’on crée un nouvel instrument soit on conserve l’ancien. Mais, dans les deux cas de figure, l’accord des 27 Etat membres est nécessaire.

« L.P.V. » – Est-ce possible ?

P.B.-M. – Il faut bien l’avouer, aujourd’hui, la partie est très très loin d’être gagnée. Il reste beaucoup de chemin à parcourir. Avant même de parler d’un vote favorable au sein de l’U.E, la première étape consiste à réinstaurer le débat au niveau communautaire. Et même ça, c’est loin d’être acquis. Comme déjà dit, l’OCM vin, adoptée en 2007, a programmé la fin des droits de plantation à partir de 2016 (2018 pour les Etats qui en feraient la demande). A l’époque, en 2007, Michel Barnier, alors ministre de l’Agriculture, s’était battu pour préserver les droits de plantation. A Bruxelles, il s’était retrouvé très isolé. Aujourd’hui, la Commission européenne ne semble pas disposer à rouvrir la discussion. Elle oppose son silence. L’Europe ne souhaite pas davantage que le vin soit inclus dans la réforme de la PAC, considérant qu’elle a suffisamment à faire avec son budget, sans y inclure le vin.

« L.P.V. » – Que reste-t-il comme alternative ?

P.B.-M. – La seule solution, nous semble-t-il, est que le gouvernement français se mobilise sur la scène européenne, en faisant de la préservation des droits de plantation une priorité. Il faudrait que Nicolas Sarkozy s’exprime sur le sujet, comme l’a fait en son temps Angela Merkel. Une telle prise de position publique pèserait lourd dans le débat- européen. C’est pourquoi la CNAOC a saisi tous les parlementaires, afin qu’ils interviennent auprès du Premier ministre et du chef de l’Etat. Par ailleurs, nous sollicitons la mise en place de groupes de travail, tant au niveau régional que national. La CNAOC est également partie prenante à l’EFOW*, le groupe de pression qui rassemble la viticulture euro-
péenne.

« L.P.V. » – Au lieu de se battre aujourd’hui pour tenter d’obtenir la révision du texte communautaire sur les plantations, n’eut-il pas été plus efficace de faire en sorte qu’il ne passât pas, en 2007 ?

P.B.-M. – Certes mais en 2007, quand le texte fut adopté, la Commission européenne avait énormément de pouvoir et il était très difficile de s’interposer à ses propositions. Depuis, le traité de Lisbonne est passé par là. En vigueur depuis décembre 2009, il a instauré le mécanisme dit de la « codécision » qui renforce le rôle du Parlement européen et des parlements nationaux. A l’époque, je crois que nous fûmes tous conscients du danger mais les moyens manquaient. Nous étions impuissants.

A lire aussi

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Depuis le 1er avril et jusqu’au 15 mai 2024, les télédéclarations de demande d’aides au titre de la campagne 2024 sont ouvertes.Voici tout ce qu’il faut savoir pour préparer au mieux sa déclaration.

La Chine et le cognac : un amour inséparable

La Chine et le cognac : un amour inséparable

Avec plus de 30 millions de bouteilles officiellement expédiées en Chine en 2022, la Chine est le deuxième plus important marché du Cognac. De Guangzhou à Changchun, ce précieux breuvage ambré fait fureur. Plutôt que se focaliser sur les tensions actuelles, Le Paysan...

error: Ce contenu est protégé