Rapport vautrin : La gouvernance à la rescousse de la régulation

31 janvier 2011

Le rapport Vautrin propose de s’en remettre à la « gouvernance » des interprofessions pour continuer de réguler les droits de plantation. Une manière de renverser la dialectique. Stratégie gagnante ou perte en ligne ?

vautrin.jpgOn a dit que le rapport avait été rédigé en double commande par Catherine Vautrin, députée de la Marne et le cabinet du ministre de l’Agriculture. Sans aller jusque-là, sans doute a-t-il fait l’objet d’une relecture serrée par les services de l’Etat. Cette procédure a au moins le mérite d’indiquer là où penchent ceux qui sont chargés de défendre le dossier des droits de plantation devant l’Europe.

Le titre du rapport d’abord ! « Les droits de plantation : un outil éprouvé et moderne de gestion harmonieuse du potentiel viticole européen ». Au moins ne laisse-t-il pas place à l’ambiguïté. Les auteurs sont partisans de la régulation.

Dans une première partie, le rapport Vautrin dresse l’état des lieux. En ouverture, il rappelle le cadre réglementaire en vigueur. « L’organisation commune des marchés (OCM unique) prévoit, qu’au-delà du 31 décembre 2015, le régime des droits de plantation sera supprimé, avec possibilité pour les Etats membres de le maintenir pour tout ou partie sur leur territoire, jusqu’au 31 décembre 2018. » Et de rappeler que le système d’encadrement des droits de plantation existe depuis les années 30 en France et depuis les années 70 en Europe. Aujourd’hui, tout producteur qui souhaite augmenter sa superficie doit en demander l’autorisation En France, l’autorisation est accordée sur proposition de l’INAO, après avis de la filière.

A l’instar des quotas laitiers et des quotas betteraviers, les droits de plantation peuvent être assimilés à des « droits à produire ». Ces droits à produire « sont contingentés pour ne pas laisser croître le potentiel de production dans des proportions non compatibles avec l’évolution de la demande du marché ».

« accroître la compétitivité des producteurs »

Le rapport cite ensuite les motivations de la Commission à « libérer le système » ; en clair à supprimer les droits de plantation. Il s’agit « d’accroître la compétitivité des producteurs de vin de l’UE, de reconquérir des parts de marché au sein de l’UE et dans le monde, doter le secteur viti-vinicole d’un régime communautaire avec des règles simples, claires et efficaces, assurant l’équilibre entre offre et demande ». A contrario, le rapport met en avant les risques liés à une libéralisation totale : extension de la zone viticole, extension du nombre de viticulteurs et bien sûr détournement de notoriété. « La libéralisation du droit de plantation permettrait d’implanter un vignoble de vin sans indication géographique à l’intérieur même du périmètre d’une AOC ou à ses proches abords et donc de faire peser sur elle le risque d’un détournement de notoriété, à la manière du camembert produit en Normandie mais qui n’est pas l’AOC camembert de Normandie. » Le danger est d’autant plus grand qu’existe un delta important entre surfaces plantées et surface plantable. Le rapport en dresse un inventaire précis par zone d’appellation (voir encadré). Et de conclure : « L’abolition des droits, planifiée pour 2015, peut mener à un doublement des surfaces plantées et à des crises de surproduction, avec les risques associés de chute des cours, de moindre investissement dans la qualité. »

Le rapport Vautrin cite alors les propositions des uns et des autres. Il commence par la position du négoce français en vin, représenté par l’AGEV (Association générale des entreprises vinicoles). « L’AGEV soutient la possibilité de mesures de régulation du potentiel viticole au sein des interprofessions, qui disposent de cette compétence en application des règles actuelles de l’OCM. »

La position des producteurs, elle, est résumée de la manière suivante : « Très clairement, les organisations de producteur de vins demandent que la Commission européenne, dans une proposition au Conseil des Ministres, réinstaure le système antérieur en renforçant le pouvoir de gestion du potentiel de production par les seuls producteurs. »

« une régulation repensée »

Le rapport, quant à lui, conclut « sur la nécessité d’une régulation repensée ». Il propose que les interprofessions « soient au cœur du débat ». « Il nous semble indispensable dans un système de régulation de s’orienter résolument vers une gestion interprofessionnelle des droits de plantation communautaires. » Et de poursuivre : « L’analyse des marchés faite par les interprofessions conditionnerait l’obtention de droits nouveaux de plantation. C’est l’interprofession qui bâtirait un accord professionnel quinquennal, révisable chaque année. Le partenariat avec les metteurs en marché, c’est en quelque sorte le concept de la contractualisation instaurée par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. »

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S’en suit un chapitre sur la « mise en place d’une nouvelle gouvernance des vignobles français », avec l’INAO qui conserverait sa mission de gouvernance qualitative, une interprofession nationale qui poursuivrait la démarche d’analyse économique et des interprofessions par bassin de production.

Le rapport se conclut en faisant « d’une maîtrise des plantations organisée avec les professionnels la clé du voûte d’une régulation repensée. » La toute dernière partie se consacre au « comment ». « Il convient de réaffirmer notre attachement au principe de régulation » a-t-il dit. « Le calendrier retenu aura toute son importance. Le relais des parlementaires français au Parlement européen sera un atout considérable. Le gouvernement devra déterminer le moment de son intervention : la réforme de la politique de qualité peut constituer une opportunité. »

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