Premiers résultats du test lancé par Rémy Martin aux Etats-Unis pour voir si son « eau-V-ni » peut faire la pige aux alcools blancs sans « cannibaliser » son bateau amiral outre-Atlantique, le VSOP Rémy Martin. Au vu de tests « très concluants », Patrick Piana lance une seconde slave d’essais.
Voilà une petite année que Rémy Martin testait dans deux villes américaines de la côte ouest – Atlanta et la baie de San Francisco – son « eau-V-ni », une eau-de-vie de vin non vieillie, issue de la région des Charentes. « Ce n’est pas du Cognac, ce ne peut pas être du Cognac, cela ne ressemble pas à du Cognac » scandait la maison à l’époque du lancement des tests. Son discours n’a pas varié d’un iota. Par contre, les premiers résultats sont tombés. Et ces résultats s’avèrent « très concluants, encourageants et positifs » aux yeux du directeur général de la maison, Patrick Piana. « Je sais maintenant que Rémy Martin V (prononcez vie) ne « cannibalise » par le VSOP Rémy Martin. D’ailleurs, si j’avais eu le moindre doute, j’aurais immédiatement arrêté les tests. »
Acheté à 50 % par les femmes
Dans la centaine de magasins concernés, il semble même que les ventes de VSOP Rémy Martin aient augmenté. Une occurrence « totalement indépendante du test » mais qui rassure tout de même. La maison se réjouit de voir ses intuitions confirmées. « Alors que le Cognac est consommé – surtout dans la ville d’Atlanta – à 85 % par les hommes et par une population très « african-american », Rémy Martin V est acheté à 50 % par des femmes, dans une optique de mixabilité associée aux cocktails. Cela répond parfaitement à notre objectif de pouvoir rivaliser un jour avec des alcools blancs ultra premium comme Ciroc, Patron, Grey Goose… »
Pour valider ces premiers résultats sur une typologie différente de consommateurs, la maison s’apprête à lancer une nouvelle phase de tests dans deux villes de la côte est, Manhattan (à New York) et Chicago. « Nous nous redonnons le temps d’un exercice fiscal. »
Interpellée sur le risque que ferait courir Rémy Martin V à l’appellation Cognac, la maison s’en défend avec vigueur. « Vous pouvez faire confiance à la maison pour que tout soit fait dans les règles de l’art. Ce produit ne revendique aucun lien à l’appellation et d’ailleurs, il n’y en a pas. En matière de protection de l’appellation, Rémy Martin conduit sans doute plus d’actions en justice que le BNIC n’en mène lui-même. »
A ce titre, le directeur général de Rémy Martin s’étonne que le Bureau national du Cognac ne conteste pas les mentions portées sur l’étiquette de la vodka Grey Goose : « France / Cognac » ou encore « produite avec de l’eau filtrée sur les rives de la Grande Champagne ». « Il y aurait mille fois plus à dire au niveau du détournement de l’appellation et cette situation dure depuis 11 ans ! ». Il poursuit : « d’un côté on laisse faire, et de l’autre on titille une maison qui produit du Cognac depuis 287 ans et lance une batterie de tests sur un spiritueux blanc ultra premium. » Le directeur général enchaîne sur des arguments économiques, déjà évoqués au début de l’opération : « Aux Etats-Unis, les spiritueux blancs ultra-premium représentent 8,4 millions de caisses et le Cognac 3,5 millions de caisses. Sur des produits différents du Cognac, sur une cible consommateur différente, s’il est possible de faire bénéficier la région de Cognac d’un débouché supplémentaire, on le fera. »
Appelé à réagir sur le critère de « détournement de notoriété d’une marque associée à une AOC » – en l’occurrence Rémy Martin associée au Cognac – P. Piana n’a pas été déstabilisé par la question. « Nous avons déjà vu une marque de très forte notoriété faire du Whiskey irlandais (Hennessy – NDLR). En outre, il ne faut pas oublier que la marque appartient à son propriétaire et que celui-ci peut la faire évoluer dans le champ qu’il souhaite, aussi longtemps que cela ne se fait pas au détriment d’une appellation. »
L’appellation, un bien commun à tous mais dont les limites de propriété sont terriblement ténues. « Ne touche pas à mon AOC ! »