Le propos de Jean-Marie Baillif s’adresse essentiellement à ses collègues producteurs. Sa finalité : les convaincre qu’il n’y a aucune raison « objective » que le prix du Pineau vrac glisse en dessous d’un certain seuil. Avec une production 2009 de Pineau estimée à environ 100 000 hl vol. (chiffre issu des déclarations de récolte), l’offre s’avère en parfaite cohérence avec les sorties. Sur les douze derniers mois, les ventes de Pineau atteignent 97 000 hl vol., en léger recul par rapport à la même période l’an passé. Mais si l’on tient compte des freintes (des pertes au cours du cycle d’élaboration), de l’évaporation et des lies, le Pineau a besoin de 102/105 000 hl vol. pour couvrir ses besoins et tendre à l’équilibre. Pour le président du syndicat, une production de l’année à hauteur de 100 000 hl pose donc les bases « d’une situation saine ». « On s’abonnerait bien volontiers tous les ans à ce genre de récolte » commente J.-M. Baillif. « Aujourd’hui, dit-il, le cycle du Pineau peut être qualifié de bon même si nous préférerions que nos ventes soient plus élevées. » L’an dernier, les cours du Pineau vrac oscillaient entre 240/250 €/hl vol. Cette année, le cœur de cible se situe plus près de 230 €/hl vol., un niveau qui paraît encore acceptable, compte tenu de la progression du rendement. Mais ce que le président du syndicat veut à toute force empêcher, c’est que ce prix descende en dessous de 230 €. « C’est, dit-il, une barrière qu’il n’est pas possible de franchir. » Et il avance des arguments. Outre l’équilibre volumique évoqué plus haut, Jean-Marie Baillif se réfère à la position de plusieurs opérateurs commerciaux. « Des négociants nous disent qu’à 230 € ils passent auprès des distributeurs. Si eux le peuvent, pourquoi d’autres ne le pourraient pas ? » Jean-Marie Baillif met en exergue les efforts consentis par la filière – « toute la filière précise-t-il, viticulteurs comme metteurs en marché » – pour faire accepter les hausses de prix, en France et à l’étranger. « Au prix d’un énorme coup de collier, nous y sommes parvenus. Le prix de la bouteille de Pineau a progressé de manière significative. Aujourd’hui, alors que les fondamentaux sont bons, ce serait ridicule de nous tirer une balle dans le pied et f… en l’air tout le travail de ces dernières années. D’autant que l’image du Pineau a progressé vers le haut de gamme. Demeureront toujours sur le marché du Pineau des premiers prix, des marques distributeurs et des marques mais le tout à un certain niveau. Les produits bas de gamme n’ont pas leur place dans la filière Pineau. »
Ardent défenseur des outils de régulation comme la réserve de production, le président du syndicat en appelle à l’intérêt partagé des producteurs et des négociants. « Avec les outils de régulation que nous avons mis en place, l’idée est d’introduire de la stabilité, à tous les niveaux : stabilité des prix pour qu’ils ne montent pas trop haut ni descendent trop bas ; pour les producteurs, lisibilité des achats dans le temps avec un système d’engagement, quelle que soit la forme des contrats ; pour les négociants, assurance d’un approvisionnement stable afin de ne pas remettre en cause leurs investissements commerciaux. A ces conditions, nous pourrons espérer valoriser le Pineau à la hauteur du produit de terroir qu’il est. »
Dans les négociations en cours en ce moment au sein de la filière, la libération de la réserve de production 2008 pèse d’un certain poids. C’est un enjeu parmi d’autres. Pour Jean-Marie Baillif, il n’y a pas de fatalité à ce que le Pineau « suive les soubresauts du Cognac. » « D’ailleurs, dit-il, nos producteurs sont de plus en plus spécialisés, avec des besoins de trésorerie liés aux mises aux normes, aux frais engagés par la réserve de production. » A ces producteurs, il envoie un message clair : « Votre Pineau a de la valeur. » Autrement dit, ne le bradez pas.
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