Quota d’exploitation : Un OVNI (Objet viticole non identifié)

26 novembre 2010

Le quota d’exploitation s’est déjà appliqué à la région délimitée Cognac. Mais c’était un autre contexte et surtout une autre réglementation. A l’époque, on parlait d’ailleurs de QNV d’exploitation.

 

 

Avec le quota d’exploitation, il s’agit de conférer un droit à produire à des droits en portefeuille. Autrement dit, de pouvoir faire produire des hectares virtuels. La vérité commande de dire que ce tour de passe-passe s’est déjà opéré en Charentes à la fin des années 90. Mais, à l’époque, la région délimitée était régie par un règlement européen (le règlement CEE n° 822/87) et la région était en crise. Bruxelles donna son feu vert, pour une période limitée à 5 ans (voir plus loin). Aujourd’hui, le contexte a changé. Une nouvelle OCM vin a été adoptée en 2008, qui a supprimé toute référence à la « distillation Charentes » (distillation article 28) qui servait de base légale à la QNV (quantité normalement vinifiée). Le rendement Cognac répond désormais aux règles générales des AOC françaises. Question : le quota d’exploitation est-il « immuno-compatible » avec le système des AOC ? Le point clé semble tourner autour de l’affectation parcellaire. Comment affecter des ha « virtuels », impossibles à identifier. Se pose aussi le problème des réserves (climatique et de gestion). Comment connaître les surfaces affectées à leur constitution ? Aujourd’hui, il est clair que le cahier des charges Cognac ne dispose d’aucun outil pour faire fonctionner le quota d’explotation.

une crise d’adaptation en 1997

Autre temps, autres mœurs. En 1997, la crise viticole bat son plein dans la région délimitée. La crise est certes une crise commerciale – les ventes de Cognac plafonnent à 400 000 hl AP – mais davantage encore une crise d’adaptation. En deux campagnes de distillation, en 1989 et 1990, n’a-t-on pas produit l’équivalent d’une année entière de vente…sans débouché. Surproduction assurée. Les stocks enflent et pèsent sur les prix. La grande « trouille » de la filière : que les prix d’achat à la viticulture baissent exagérément et entraînent le « détricotage » de la région : perte de valeur, perte de moyens, perte de désirabilité… Le spectre de « l’armagnaquisation » se profile à l’horizon. Le syndicat FSVC lance alors une vaste campagne de communication auprès de la viticulture. Au cours de l’hiver 96-97, il organise pas moins de 14 réunions dans les bourgades. En première ligne, le président du syndicat, Bernard Guionnet, accompagné de quelques personnalités, dont Philippe Sabouraud. Bernard Guionnet porte le message de « l’assainissement du vignoble, par arrachage de 20 % des surfaces ». Il met en avant l’économie de coûts potentielle. Mais le message ne passe pas. Il reste très impopulaire. D’ailleurs la prime d’arrachage à 100 000 F de l’ha n’a pas fonctionné. Alors, pour rendre la restructuration plus attractive, jaillit l’idée de la QNV d’exploitation. A l’époque, Jacques Guibé préside le BNIC. Ancien directeur de la SAV (Service des alcools vinicoles), le haut fonctionnaire connaît bien le monde des eaux-de-vie, autant que les rouages de Bruxelles. L’année 1997 est aussi celle du retour de la gauche aux affaires (le gouvernement Jospin), avec peut-être l’envie de « faire bouger les lignes ». Le 24 juin 1997, le comité permanent du BNIC adopte un plan de restructuration qui prévoit, entre autres mesures, une QNV d’exploitation. Encore faut-il qu’elle soit validée juridiquement. A l’époque, la région délimitée vit sous l’empire du règlement 822/87 vin de table et plus précisément du fameux article 36 relatif à la distillation obligatoire « vignoble double fin ». C’est lui qui instaure le plafond de production. A juste titre, le ministère de l’Agriculture estime que Bruxelles doit se prononcer sur la faisabilité juridique de la QNV d’exploitation. C’est chose faite début 1998. Par règlement paru au JOCE du 29 janvier 1998, l’Union européenne donne son feu vert à la QNV d’exploitation. Sur les ha arrachés, elle jouera sur une période de 5 ans, à partir de la campagne 1997-1998.

Si, en 1997, la distillation européenne de l’article 36 ne concernait déjà plus que les Charentes, en 2010 les Charentes partagent une communauté d’intérêt, celle des AOC. La notion même de « quota » paraît antinomique avec la notion de rendement AOC, qui renvoie à une attente de qualité. Une tout autre approche.

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