Christian Paly, Vice-président de l’EFOW

31 janvier 2011

Que les pouvoirs publics fassent des droits de plantation un « casus belli » en 2011. C’est l’attente de Christian Paly, « M. Communauté » au sein de la CNAOC. A la recherche d’une « fenêtre de tir » pour faire bouger la position du Conseil, le responsable professionnel est persuadé que « tant qu’un dossier n’est pas perdu, il peut être gagné ».

paly.jpg« Le Paysan Vigneron » – Vous confirmez bien la fin de l’encadrement des plantations, si rien n’est fait pour s’interposer à la décision.

Christian Paly – Absolument. L’OCM vin, adoptée en 2008, a inscrit dans son texte la fin programmée des droits de plantation en 2016, date repoussée en 2018 pour les Etats membres qui le demanderaient. Déjà, à l’époque des discussions, la CNAOC s’était opposée à cette position. Mais rien n’y a fait.

« L.P.V. » – Que peut-il être fait de plus aujourd’hui qui ne fut fait hier?

C.P. – C’est le combat de la dernière chance. Nous devons tenter à tout prix de modifier ce point dans le règlement communautaire. Je sais que ce sera difficile. On ne modifie pas impunément une décision du Conseil de l’U.E. Pourtant c’est impératif. Il faut absolument trouver une fenêtre de tir, c’est-à-dire l’opportunité de modifier le texte, au détour de la négociation de la PAC, du paquet Qualité ou de tout autre texte de loi.

« L.P.V. » – Et si ça s’avérait impossible ?

C.P. – On en tirerait les conséquences et le marché aussi. Si nous n’y parvenons pas, c’est que la volonté des pouvoirs publics, dans chacun des pays producteurs – France, Allemagne, Italie, Espagne, Portugal – n’aura pas été assez forte. Personnellement, je reste persuadé que « quand on veut, on peut ». Impossible n’est pas français. Bien des choses semblaient impossibles et, puis, au final, nous avons eu gain de cause. Je pense à la bataille du « couper n’est pas rosé ». Nous nous sommes serrés les coudes entre pays producteurs de vin rosé. Nous avons fait changer la position de la DG Agri (Direction générale de l’Agriculture à Bruxelles) et de la Commission elle-même. Je le répète, le combat du maintien de l’encadrement du potentiel de production sera très difficile mais nous sommes sur la même longueur d’ondes avec nos collègues des vins sous IG (indication géographique) italiens, espagnols. Eux aussi, sur leurs aires d’appellation, ont des zones non plantées. Dans le Chianti, dans la Rioja, cela se chiffre par dizaines de milliers d’ha. Ma région d’origine, les Côtes-du-Rhône, compte 70 à 80 000 ha plantables pour 50 000 ha plantés. Dans ce contexte, vous comprendrez que la problématique des droits de plantation représente la priorité des priorités pour l’EFOW au cours de l’année 2011.

« L.P.V. » – De quoi parlez-vous ? Du maintien du droit de plantation ou du maintien de l’encadrement du potentiel de production à l’aide, éventuellement, d’un outil différent ?

C.P. – Ne nous le cachons pas. L’important, tant du point de vue stratégique qu’économique, c’est de préserver l’encadrement du potentiel de production. Alors droits de plantation, pas droits de plantation… Nous ne sommes pas mariés avec les droits de plantation. Sauf que, pour l’instant, nous n’avons rien imaginé de mieux que les droits de plantation ; rien d’autre n’a émergé. Il faut bien réalisé que, aujourd’hui, c’est la réglementation communautaire des droits de plantation qui tient l’édi- fice. En 2016, en l’absence de droits de plantation, nous serons confrontés au vide. Nous n’aurons plus rien dans la boîte à outils. Maintenant si, au niveau communautaire, le moyen de retisser les choses consiste à ce que les droits de plantation soient gérés de manière interprofessionnelle, intéressons-nous à cette piste. Personnellement, une gestion interprofessionnelle ne me choquerait pas. A condition que ce changement ne se traduise pas par un grand coup de balancier sur les aspects qualitatifs. Les ODG devraient avoir leur mot à dire. A noter d’ailleurs que depuis 30 ans, les droits de plantation n’ont empêché aucun vignoble de se développer. Maintenir l’encadrement du potentiel de production ne veut pas dire fossiliser le vignoble en l’état.

« L.P.V. » – Quelle place accordez-vous aux vins sans IG ?

C.P. – Bien sûr qu’ils sont concernés par la problématique des droits de plantation, au même titre que les vins sous IG. Les vignobles sont imbriqués, géographiquement et économiquement. C’est bien une vision globale que nous défendons. Ce serait trop facile pour un groupe capitalistique d’aller planter non en France, en Italie ou en Espagne, mais là où les conditions fiscales et sociales sont plus avantageuses. On appellerait ça une « délocalisation intra-communautaire ».

« L.P.V. » – A votre avis, le combat de la régulation de la production est-il gagnable ?

C.P. – Oui et d’abord parce que la dérégulation défie l’entendement. Un droit de plantation ne coûte rien à la Communauté européenne alors qu’un arrachage ou une distillation de crise réclament un argent fou. Ensuite, ce combat sera difficile mais il peut être gagné si nous savons nous mobiliser. Première condition : la filière doit parler d’une même voix. Deuxième condition : les pouvoirs publics des pays producteurs doivent faire de l’encadrement de la production un casus belli. Ils doivent monter au créneau, comme Angela Merkel l’a fait, au plus haut niveau, pour l’Allemagne. Tant qu’un dossier n’est pas perdu, il peut être gagné. Imaginez une dérégulation serait une chienlit de première.

« L.P.V. » – Que pensez-vous du rapport Vautrin ?

C.P. – S’il arrive à convaincre le président de la République de foncer, il aura joué son rôle.

Propos recueillis par Catherine Mousnier

* EFOW (European Federation of Origin Wines ou Fédération européenne des vins d’origine. Présidée par un Italien, Riccardo Ricci Curbastro, Christian Paly en est un des deux vice-présidents.

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