Une interview de la directrice adjointe de Qualisud

12 mars 2010

Directrice adjointe de Qualisud, chargée de la mise en place de la réforme des AOC, Emilie Cabrignac supervise le contrôle externe du Pineau des Charentes. Pour elle, l’importance du stock sous bois représente la grande originalité de la filière des vins de liqueur.

« Le Paysan Vigneron » – Pouvez-vous nous parler de Qualisud ?

Emilie Cabrignac – Qualisud est un organe de certification et également d’inspection. La différence entre certification et inspection c’est que, dans un cas – la certification – c’est nous qui décidons du résultat du contrôle alors que dans l’autre cas – l’inspection – c’est l’INAO. Pour le Pineau des Charentes, nous intervenons en tant qu’organisme de certification. Au plan statutaire, nous sommes une association issue des ODG. Nos adhérents sont nos clients. Ainsi l’ODG Pineau a adhéré à Qualisud.

« L.P.V. » – Dans ces conditions, comment garantissez-vous votre indépendance ?

E.C. – Notre indépendance pourrait être sujette à caution si nous n’intervenions que pour un seul adhérent. Or nous comptons dans les 80 ODG adhérents et traitons environ 150 dossiers, sachant que tous les organismes n’adhèrent pas forcément. Nos principaux clients se recrutent parmi les secteurs des volailles, palmipèdes, foie gras du grand Sud-Ouest. Nous sommes également bien implantés dans les filières de viande ovine, bovine, les fruits et légumes ainsi que la filière bois. Les ODG viticoles constituent un nouvel axe de développement, Fronton, Floc de Gascogne, Armagnac, Pineau des Charentes, AOC du bordelais…Qualisud intervient aussi dans la certification de cahiers des charges privés pour les fournisseurs de la grande distribution, avec des référentiels type IFS/BRC. L’entreprise, basée à Saint-Sever dans le département des Landes, emploie une grosse quarantaine de personnes.

« L.P.V. » – Le Pineau des Charentes fait-il partie de vos gros dossiers ?

E.C. – Il correspond à une zone assez étendue et, effectivement, fait partie de nos assez gros dossiers, au moins en nombre d’opérateurs. En volume de contrôles par contre, il se classe parmi les plus petits dossiers de Qualisud. Les bandes de volailles génèrent des masses de contrôles infiniment supérieures. Certains de nos collaborateurs sont occupés à l’année sur un voire deux cantons du Sud-Ouest. Ici, nous changeons de dimension spatiale. De deux cantons nous passons à deux départements. La contrainte du temps de déplacement est à intégrer.

« L.P.V. » – Comment êtes-vous venue au contrôle ?

E.C. – J’ai une formation d’œnologue. J’ai commencé à travailler en caves puis dans des syndicats viticoles, au moment où les syndicats commençaient à réfléchir à leurs cahiers des charges. J’ai été recruté en 2008, afin de mettre en place au sein de Qualisud le référentiel des AOC viticoles. Je devais veiller à harmoniser l’approche entre les différentes appellations. Il fallait que le système qualité acquière une culture viticole qu’il ne possédait pas. C’est pour cela d’ailleurs que, dans ses recrutements, Qualisud privilégie toujours la connaissance du secteur à la formation au contrôle. Cette formation s’acquiert par la suite. Mais l’important, c’est de savoir, techniquement, de quoi il retourne.

« L.P.V. » – A quoi sert un organisme de certification comme le votre ?

E.C. – Nous vérifions à chaque étape que tout le monde respecte bien le cahier des charges, tant du point de vue technique qu’au niveau des obligations déclaratives. Nous nous assurons que tout le monde joue le jeu, pour la défense de l’image collective. Par ailleurs, nous vérifions que l’ODG, dans le cadre du suivi interne, effectue ses contrôles de manière sérieuse, proportionnée et objective. Que ce n’est pas du « pipeau ». Ce « contrôle du contrôleur » s’applique également à nous. Le système de fonctionnement de Qualisud est régulièrement soumis à l’accréditation du Cofrac.

« L.P.V. » – A votre avis, qu’est-ce qui caractérise le mieux l’appellation Pineau ?

E.C. – L’important stock sous bois constitue vraiment l’apanage de l’appellation, sa spécificité. De ma vie, je n’ai jamais vu de chais aussi riches en araignées (sourire). Il n’y a pas de risque sanitaire mais c’est vraiment impressionnant. A côté de la rutilance des chais de Margaux ou de Pauillac, le choc est assuré. Dans son plan de contrôle, la filière Pineau a pris en compte cette spécificité, en prévoyant d’orienter une part du contrôle vers le stock dormant. Puisque, par définition, ces stocks dormants ne génèrent pas de demandes de revendication, nous pouvons intervenir n’importe quand, la seule limite étant de réserver au moins 5 % de nos contrôles – dans la marge des 10 % qui nous sont alloués – aux opérateurs dits « actifs ».

« L.P.V. » – Dans vos contrôles, qu’est-ce qui relève de l’aléatoire et du « ciblage » ?

E.C. – Auprès des opérateurs actifs, l’aléatoire est la règle. Cela se traduit concrètement par des planifications, des planifications et encore des planifications. Toutefois, cette règle connaît des exceptions, quand l’ODG nous signale un problème grave, détecté lors du suivi interne. Dans ce cas, nous refaisons un contrôle sur place, pour nous assurer de la véracité du manquement et décider, éventuellement, d’une sanction. Un autre cas de figure existe pour cibler davantage le contrôle : lorsque les opérateurs augmentent leur production de plus de 30 hl vol. et de 30 % par rapport à la moyenne des trois dernières années. Cette situation peut générer un supplément de contrôle. C’est d’ailleurs écrit dans le Plan de contrôle, document accessible et diffusé par l’ODG.

« L.P.V. » – Avec la campagne 2009-2010, le plan de contrôle entame son régime de croisière. Comment cela se matérialise-t-il pour vous ?

E.C. – Nous avons prévu de visiter une centaine d’opérateurs, au gré de tournées organisées sur quatre ou cinq semaines dans l’année. Pour l’instant j’assume seule ces visites mais à terme je pense qu’un second contrôleur me rejoindra.

« L.P.V. » – Comme se déroulent ces visites ?

E.C. – Franchement, elles se passent très bien. J’ai trouvé des opérateurs très informés sur la réforme de l’agrément. Ce n’est pas le cas dans toutes les appellations. Parfois, les opérateurs entendent pour la première fois parler du changement lors de notre visite. Ici j’ai l’impression que la communication a été bien faite en amont. D’ailleurs nous fonctionnons dans un très bon partenariat avec la filière Pineau. Le plan de contrôle a mis du temps à être validé mais il a réussi à s’extraire du cadre standard pour coller au plus près de la réalité de la filière. Aujourd’hui, il s’agit d’un outil pertinent pour les vins de liqueurs. Je pense que la profession pourra en tirer le meilleur parti, dans un système d’amélioration continue.

« L.P.V. » – Les opérateurs ne sont pas trop stressés quand ils vous voient arriver ?

E.C. – A l’évidence, l’annonce de notre visite déclenche toujours une part d’appréhension. Surtout que les termes que nous employons peuvent paraître choquants. Quand quelque chose n’est pas dans les clous, nous laissons une fiche de « manquement ». L’expression de « non-conformité » revient fréquemment. Bien qu’il faille largement les démystifier, ces termes ne sont pas encore rentrés dans les mœurs. Malgré tout, je n’ai pas l’impression que notre présence soit mal vécue. Nous sommes bien accueillis. Les opérateurs Pineau sont fiers de leur produit et nous expliquent volontiers comment ils travaillent. n

Propos recueillis par Catherine Mousnier

 

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