Proposition de rendement Cognac à 10.84 HAP/HA

10 juin 2015

Le 27 mai dernier, les deux familles du BNIC (Bureau national interprofessionnel du Cognac), réunies d’abord en comité permanent puis en assemblée plénière, ont avalisé le rendement Cognac 2015. Le chiffre ! 10,84 hectolitres d’alcool pur par hectare. Si les différentes strates d’intervention (ODG, INAO) confirment cette proposition interprofessionnelle – et il n’y a pas de raison qu’elles ne le fassent pas – c’est le niveau de rendement Cognac qui s’appliquera à la prochaine récolte. Par rapport à l’an dernier – 11,70 hl AP/ha – le volume de vins mis en œuvre s’inscrit donc en recul de presque 1 hl AP/ha. Une donnée à prendre en considération mais qui ne constitue pas, tant s’en faut, la seule grille de lecture de cette fixation du rendement Cognac 2015.

Car, cette année, la profession a décidé de changer de « logiciel » en provoquant, par le fait, une sorte de rupture avec le passé. De quoi s’agit-il ? Souvenons-nous qu’en 2005, il y a dix ans tout juste, une bombinette éclatait dans le ciel charentais. Le BNIC créait son « outil de calcul du rendement
Cognac », un modèle mathématique destiné à sortir « des
pièges du subjectif », à s’extraire du « psychodrame » qui, chaque année, disait-on, envenimait les discussions autour de la QNV. Désormais, les chiffres, et eux seuls, parleraient. L’objectif ! Eliminer les dérives les plus criantes ; se rapprocher autant que faire se peut de l’équilibre offre/demande. A cette fin, entraient dans le moteur de calcul les chiffres de production, de sorties, les projections à 5 ans, l’évaporation, les sous ou sur-distillations, le passage de l’XO en compte 10… Un peu plus tard, l’affectation parcellaire viendra parachever le grand œuvre.

Depuis 2005, l’interprofession a fonctionné sous ce régime. Et puis voilà que cette année, elle change de « paradigme ». Pourquoi ? Stéphane Roy, président du syndicat viticole UGVC, s’explique. « Plutôt que de retenir le chiffre livré par l’outil de calcul, nous avons choisi de nous mettre en cohérence avec le Business Plan Cognac. Car il faut bien comprendre que l’outil de calcul et le Business Plan répondent à deux logiques très différentes, presque diamétralement opposées. La formule de calcul vise à remplacer le stock à l’identique alors que le Business Plan fixe un objectif de production (11,66 hl AP/ha en 2024), un objectif de sortie et, entre les deux, accorde au stock un rôle tampon. Dans un cas, le stock doit rester constant, dans l’autre, on accepte qu’il puisse grossir, sous certaines limites et avec des mécanismes correcteurs (baisse du rendement le cas échéant, report de plantation si plantation il devait y avoir…). L’idée, c’est que le vignoble ne subisse pas à lui seul les à-coups du marché car le vignoble, c’est quelque chose de fragile. On ne décide pas comme ça d’arrêter de produire ou, au contraire, d’accélérer. » « Par exemple, avec cette méthode, précise-t-il, nous ne serions pas passés de 10,85 à 8,12 hl AP/ha entre 2008 et 2009. Les indicateurs n’auraient pas été déclenchés par l’écart de vente de – 15 %. Or, aujourd’hui, tout le monde s’accorde à reconnaître que cette baisse drastique du rendement fut une erreur. Elle a grandement fragilisé les entreprises du second marché. »

Pour la récolte 2015, l’outil de calcul donnait un rendement Cognac légèrement inférieur au rendement plancher, dont le principe a été acté ces dernières années (85 % du rendement de l’année en cours). Ainsi, pour coller au rendement plancher, le rendement de la prochaine récolte aurait dû être de 10,11 hl AP/ha. En
réalité, avec la nouvelle clé de détermination liée au Business Plan, il sera de 10,84 hl AP/ha.

Dire que ce rendement satisfait tout le monde serait une erreur d’optique. « Certes, il a pu être adopté à la majorité. Il n’empêche qu’en étant déconnecté de la situation actuelle, il contredit une loi fondamentale, l’équilibre de l’offre et de la demande » contestent les opposants au changement de mode de calcul. « Ce système, critiquent-ils, ne joue qu’à la hausse. Supports à l’appui, on nous dit qu’il faut avoir confiance dans le marché. D’accord. Mais des réalités tangibles existent, comme un stock global de 4,2 millions d’hl AP, une rotation du stock de sept années et demie, une production moyenne de 750 000 hl AP au cours des trois dernières campagnes, alors que les sorties ne dépassent pas 550 000 hl AP, évaporation comprise. Tous les ans, ce sont 3 hl AP/ha qui se rajoutent au stock. A un moment, il faudra bien que ça sorte ou alors, ce sera compliqué. »

Sur les statistiques Cognac, les mêmes ne sont pas sans cons-tater une progression assez bluffante des achats du négoce à la production (+ 15 % par rapport à l’an dernier), sans toujours pouvoir se l’expliquer. Fuite en avant, confiance crâne dans le marché ? Comme tout le monde, ils voient que le marché américain se porte bien, très bien même (+ 16 % en volume, + 22 % en valeur sur l’année mobile) et que le marché chinois, normalisation aidant, montre de bons signes de rétablissement (+ 7 % en volume sur l’année mobile) même si, en valeur, les résultats sont moins probants (– 17 %). Reste qu’au final, à fin avril 2015, les sorties Cognac, toutes utilisations confondues, représentent 486 000 hl AP, en progression d’un petit + 0,6 % en volume (– 3,4 % en valeur). Ces chiffres, corrélés à un marché des rassises pour lequel il ne semble toujours pas y avoir de solution, « auraient pu justifier une pause du rendement cette année » estiment les détracteurs qui parlent d’une décision « politique ». « Après, disent-ils eux-mêmes, on ne peut souhaiter qu’une chose, se tromper. »

Les viticulteurs charentais ont plus qu’adhéré à l’enveloppe des 400 ha de droits nouveaux sollicitée par le CIMVC (filière Vins de base mousseux et moûts de vinification) pour les vins sans indication géographique (VSIG). Au vu des dossiers, environ 1 000 ha ont été souscrits, dont 850 ha pour le seul cépage Ugni blanc, soit près de trois fois les disponibilités. Conséquence : chaque viticulteur devrait recevoir satisfaction pour 40 % de sa demande. Si les opérateurs vins de base se réjouissent du succès, ils craignent aussi une déperdition liée à l’émiettement des surfaces. Les viticulteurs iront-ils au bout de leur intention de planter ? Du côté de l’UGVC, c’est plutôt le niveau des prix portés aux contrats qui inquiète. Dans un communiqué paru le 22 mai, le syndicat du Cognac dénonce, ex abrupto, « des prix inacceptables de l’ordre de 20 à 30 €/ha » (pour le cépage Ugni blanc ndlr). « Avec de telles propositions de prix, ridicules, comment peut-on espérer un bon niveau de rentabilité ? » Et le syndicat de ressortir le terme de « vignes éponges » déjà convoqué par le passé. « Ce qui serait intolérable, c’est que les viticulteurs qui ont joué le jeu du Cognac sans chercher à s’agrandir soient les dindons de la farce » s’insurge par avance le président du syndicat qui promet : « Si une telle situation persiste, nous nous opposerons très fortement aux demandes de contingents de plantations des VSIG l’an prochain. »

 

 

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